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Christophe à l’Aéronef de Lille

Christophe modernise son Jukebox

Qui était le plus vintage samedi soir à l’Aéronef ? Le public aux cheveux souvent gris. Car les six musiciens de Christophe (dont une femme, la bassiste Rachel Boirie, et le multi-instrumentiste du groupe Tanger, Christophe Van Huffel), qui composaient avec lui un groupe de « Magnificent seven », amenaient à la musique du récent septuagénaire une touche indéniable de modernité. Au point de déstabiliser une partie du public lors de la première moitié de concert, intégralement réservée au dernier album, Les Vestiges du chaos. Ces spectateurs, qui n’avaient peut-être écouté qu’un titre ou deux du CD, patientèrent poliment durant les morceaux les plus électro-pop, où le chaos chatouillait les vestiges de mélodies.

Pour ceux ayant apprécié le nouvel opus de Daniel « Christophe » Bevilacqua, son interprétation magistrale sur scène suffisait déjà au bonheur. L’entame ? Le bourdonnement électrique de Définitivement (grésillement né au hasard des interférences entre un ampli et un téléphone portable), premier titre du CD. « Définitivement vivant », le noctambule s’avoue dans ce nouveau disque « le plus embrasé que la terre ait porté ». Dès Stella, troisième titre interprété samedi, la partie était gagnée : « Stella entre dans ma danse je t’en prie, Stella on s’tutoie, tu m’autorises ? » Christophe commençait son dialogue constant avec les Lillois,  leur offrait la langueur de Lou - hommage au défunt Lou Reed -, rappelait son amitié pour le vieil Alan Vega en reprenant Tangerine.

La première vraie clameur surgissait d’un Ocean d’amour, confirmant l’attente principale de la salle : celle d’un compositeur aux tourments d’amour, vague romantique surgie en 1973 des Paradis perdus, savamment entretenue au long d’un demi-siècle de carrière entre vents et marées.

Après une pause d’un quart d’heure, comme à l’opéra, le temps d’aller se chercher un verre de Jack Daniel’s (et pour ses auditeurs d’aller s’oxygéner), et Christophe revenait pour une longue seconde partie, consacrée à « ses vieilles chansons », celles qu’attendait la foule transie, prompte alors à chanter en chœur ce qu’elle connaissait par cœur. Une sorte de rappel de… 90 minutes ! En solo au piano, ou accompagné de l’un ou l’autre de ses musiciens, Christophe prenait son temps, bavardait entre les interprétations, de son phrasé parfois incompréhensible, alignant des mots ou des plaisanteries au gré de ses pensées confuses, presque comme des cadavres exquis, exactement comment il avoue composer – la nuit et à tâtons. Nous étions conviés à un concert jukebox, l’autodidacte sans diplôme demandant à la foule de choisir dans son répertoire. Taquin, il emmenait son public sur quelques notes de piano fausses pistes, avant de développer vraiment la partition des Mots bleus, son triomphe de 1974 dont les paroles étaient signées… Jean-Michel Jarre. La reprise par Bashung de ce titre a sans doute énormément contribué à la relance de la carrière de l’ancien yéyé d’Aline, non sans oublier que l’un et l’autre ont su garder le cap à travers les époques. Un exemple ? Les Mots fous, joué à Lille comme tous les titres des Vestiges du chaos, qui vient en écho aux Mots bleus, 42 ans après, mélangeant le sirop des violons au crépitement des machines électroniques…

Et l’ultime interprétation, celle justement d’Aline, fonctionnait comme une preuve ultime des métamorphoses de Christophe : du tube de l’été 1965 (1 million d’exemplaires), très Capri c’est fini (même arrangeur à l’époque : Jacques Denjean), en pleine vague yéyé, voici qu’accompagné de ses six musiciens de nouveau rassemblés pour l’envol final de l’Aéronef, l’homme qui posait sur la couv de Télérama (du 2 avril dernier) au volant d’une décapotable italienne sixties livre une version scénique aux riffs dignes des plus gros groupes de rock contemporains. Ultime révérence au public lillois à qui il a dit adieu samedi ?

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