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Cycle L’Amour et la Danse – Don Juan au Nouveau Siècle

Le vendredi 3 mars 2017, nous étions de retour, sous la voûte de la salle du Nouveau Siècle, afin d’y entendre le troisième épisode du Cycle l’Amour et la Danse, sous la direction de Jean-Claude Casadesus et son orchestre accompagné cette fois, d’une invitée exceptionnelle la soprano allemande Annette Dasch.

Succédant à un second épisode ayant eu pour thème le romantisme, cet épisode se développait autour de la figure de Don Giovanni/Don Juan, « impitoyable séducteur au funeste destin »,« figure de l’anti-héros, dont les frasques le mènent à sa perte », crée en 1630 par Tirso De Molina. Don Giovanni est, avec La Flûte enchantée, l'opéra qui eut le plus d'influence sur les compositeurs romantiques par son mélange d'éléments comiques (buffa) et tragiques (seria). L'ouvrage est aujourd'hui considéré comme l'un des opéras majeurs de Mozart, avec Les Noces de Figaro et La Flûte enchantée, mais aussi de tout l'art lyrique. Richard Wagner le qualifiait d'« opéra des opéras ».

Le choix de Jean-Claude Casadesus se porte ce soir sur l’ouverture de Don Giovanni KV 52, qui ne reflète pas l’amour, mais plutôt l’ambiguïté du personnage. Quatre notes donnant un ton sombre, presque à glacer le sang, suivi par un sentiment étrange, mystérieux comme la vision d’un catafalque, nous sentons le drame arriver. La lueur des premières mesures n’est pas celle du bonheur, qui pourtant au fil des 6 minutes se fait plus flatteuse et enjouée, avec des élans de gaieté et d’insouciance. Mozart exploite à merveille la dualité tragique/comique. Si « La musique est le refuge des âmes ulcérées par le bonheur » selon une définition donnée par Emil Michel Cioran, ce n’est qu’un bonheur partiel, car l’âme tourmentée de Don Juan fait ici écho aux turpitudes de la vie de Mozart.

En effet, la Symphonie n° 40 en sol mineur KV 550 achevée en juillet 1788 est l’avant dernière symphonie du compositeur. Période féconde où Mozart compose ses trois dernières symphonies, elle fait suite à l’accueil glacial de Don Giovanni par le public viennois et, événement tragique, au décès de sa fille Thérèse, à l’âge d'un an. Cette œuvre, parfois appelée la « Grande symphonie en sol mineur », pour la distinguer de la « Petite symphonie en sol mineur » no25 qui a la même tonalité, confère une atmosphère inquiète et trouble. Il y a pourtant une certaine continuité dans les différents mouvements qui s’enchaînent. Le second mouvement, andante, au tempo modéré, est comme une mortification, sorte de condouloir à l’atmosphère grave où nous pouvons ressentir toute la peine du compositeur. Le menuetto allegretto en troisième mouvement est plus allant. Le menuet est une danse traditionnelle de la musique baroque, à trois temps et à mouvement modéré, gracieuse et noble. D'un point de vue formel, le menuet comporte deux sections avec reprise chacune, ce qui plonge l’auditeur en plein ballet au château de Versailles. C'était, en effet, l’une des danses préférées de Louis XIV et de sa cour. Nous sommes comme enveloppé dans un charme nostalgique. Pour clôturer la première partie de soirée, l’allegro assai (très rapide) termine en « fanfare ». Tonique, débutant par un arpège que lui répond presque instinctivement des phrases brèves, tout le long comme une alternance. Nous ressentons une colère fébrile emplie de beauté et de grâce. Juste magnifique !

Après l’entracte d’une quinzaine de minutes, les musiciens et le chef d’orchestre ne reviennent pas seuls. Ils sont accompagnés par Annette Dasch, la soprano allemande, qui se produit sur les scènes internationales, pour interpréter les « Quatre derniers Lieder » de Richard Strauss.

La chanteuse pourtant habituées des rôles mozartiens d’opéras comme Don Giovanni ou encore Les Noces de Figaro, nous a estomaqué par sa performance vocale remarquable et puissante.

Les lieder ne furent pas conçus par Richard Strauss comme un cycle à proprement parler et mettent en musique des poèmes évoquant « le cycle des saisons, métaphore romantique du cycle de la vie ». Sorte de testament interprété avec brio par la cantatrice et l’orchestre, nous sommes emportés par cette ode à la vie, cette acceptation sereine de la mort d’un caractère apollinien, où la maîtrise de soi renvoie le message contraire de Don Juan, qui est dans l’exubérance, dans une définition dionysiaque de l’existentialisme, une opposition entre la transcendance divine et l’immanence terrestre. « Don Juan, opus 20 », que nous retrouvons pour clôturer cette magnifique soirée, après un triple rappel pour la belle Allemande.

L'œuvre est d'une seule pièce et son exécution dure environ un peu plus de quinze minutes. La première partie, joyeuse, décrit le caractère du héros. Le thème de la partie médiane, joué au hautbois, décrit une scène amoureuse. La troisième partie se termine par un long crescendo interrompu par un silence, symbolisant la mort de Don Juan. Bouleversant d’humanité, nous sommes presque dans une sorte de réécriture du personnage que Mozart a voulu nous décrire tant les compositions diffèrent. Le livret de présentation des œuvres de ce soir, que nous avons eu avant le spectacle, définit clairement « le héros de Strauss, passionné, animé d’un désir violent et lorsqu’il finit par par prendre conscience de la vanité de sa quête, le dégoût le submerge et le conduit à se donner la mort ». Résolument atypique et foncièrement ancré dans l’humanité, l’œuvre clôture à merveille cette soirée.

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