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Deep Purple + Philip Sayce au Zénith

C'est Noël avant l'heure pour les vieux de la vieille en ce soir du 13 décembre 2010 au Zénith de Lille. Car c'est une institution, un monument qui est convié à fouler les planches de la plus grande salle lilloise. Le légendaire groupe Deep Purple qui fait partie, avec Led Zeppelin et Black Sabbath, des pionniers du Hard-Rock. Un groupe fondé en 1968 qui a connu de multiples formations, difficiles à résumer en quelques lignes, et constitué, depuis 2003 de Ian Gillan au chant, Roger Glover à la basse, Ian Paice à la batterie, Steve Morse à la guitare et Don Airey aux claviers. Une bien belle équipe: Ian Gillan, Roger Glover et Ian Paice ont été aux commandes de la Sainte Trinité discographique du groupe (In Rock sorti en 1970, Fireball en 1971 et Machine Head en 1972, trois albums ayant marqué à tout jamais l'histoire du Hard, et du Rock en général) et Steve Morse et Don Airey, musiciens talentueux et expérimentés, remplacent avantageusement les mythiques Richie Blackmore et Jon Lord.

On assiste donc à un défilé de longues tignasses grisonnantes et de perfectos que l'on devine avoir été sortis du grenier, où ils étaient remisés, et dépoussiérés. Mais pas que... C'est au moins trois générations de spectateurs qui répondent présents à l'appel. De jeunes hardos portant des t-shirts de groupes plus actuels venant prendre un cours de musicologie avec les pères fondateurs de leur musique chérie ou d'autres accompagnant leur père, leur grand-père voire les deux. Le fossé des générations est réduit, ce soir, à un simple ruisseau. Et sur toutes les lèvres, dans tous les regards se lisent les mêmes questions: que valent les papys du Hard aujourd'hui? Sont-ils encore capables de fournir les prestations dantesques, riches en soli et improvisations de tous genres, qui ont façonné leur légende? Le souffle magique des seventies viendra-t-il faire frémir les murs de la salle de concert?

Philip Sayce n'entrera, lui, peut-être pas dans la légende. Mais nul doute qu'il réussira à se faire un nom. Ce canadien, qui assure la première partie, et que l'on a pu croiser auprès de Melissa Etheridge ou du regretté guitariste Jeff Healey, qui s'il était aveugle était loin d'être un manchot à la six-cordes, offre un set tout simplement bluffant. Armé d'une Fender Stratocaster couleur crème dont on sent qu'elle a particulièrement vécu, tant elle est amochée et la peinture est écaillée en de multiples endroits, il interprète des titres de ses deux albums solos: Peace Machine (2005) et Innerevolution (2010) ainsi qu'une reprise du « Cinammon Girl » de Neil Young. Dès les premières notes, Philip Sayce fait rugir son instrument à grands renforts de fuzz et de bends, maltraitant ses pédales d'effets et livrant un son puissant, aussi bien en clair qu'en saturé, incisif et d'une grande pureté. On sent que le bonhomme a profondément été marqué par les albums de Jimi Hendrix et de Stevie Ray Vaughan et par sa participation en tant que sideman auprès de Jeff Healey mais il réussit à apporter une réelle personnalité à ses compositions qu'il relève avec un chant parfaitement maîtrisé et une très belle voix (ce qui, avouons-le, n'est pas le cas de tous les guitaristes). Ce qui frappe le plus, c'est le plaisir que prend Philip Sayce sur scène, parfaitement accompagné par son bassiste et son batteur. C'est simple, il ne joue pas de son instrument, il fait l'amour avec, le caressant frénétiquement, faisant courir lubriquement ses doigts dessus, le portant même à sa bouche pour venir mordiller les cordes avec l'énergie sexuelle d'un taulard sortant de prison... Les soli sont des déluges orgasmiques de décibels, tout en montée en puissance, exécutés avec dextérité mais sans aucune frime. Une preuve supplémentaire, après le passage de Steve Hill And The Majestiks à la Péniche au mois de septembre, que le futur du Blues-Rock se trouve au Canada.

C'est avec l'inaugural « Highway Star » (qui ouvre l'album Machine Head et le live historique Made In Japan) que Deep Purple entame la dernière date de sa tournée française. Des cris de joie se font bruyamment entendre, des sourires se forment sur les visages, les flashs des appareils photos et des portables crépitent et on lit une émotion sincère dans le regard des plus vieux, étreints par la nostalgie de leurs plus jeunes années. Nostalgie réveillée par les deux écrans géants installés aux côtés de la scène sur lesquels défilent des images d'archive et la date 1972, année de sortie de l'album Machine Head. Le public est en liesse et le restera durant les deux heures que dureront le concert, émaillé de classiques du groupe ( « Hard Lovin Man », « Fireball » « Strange Kind Of A Woman », «  Lazy », « Space Truckin », ou, pour le rappel, « Hush » et bien évidemment « Smoke on The Water ») ou chansons plus récentes (« Rapture Of The Deep », « Silver Tongue », « Contact Lost »). La set-list ravit les fans et, malgré le poids des années et des abdos kro, le groupe reste vaillant et livre une prestation honorable et professionnelle. Steve Morse, formidable de technicité, impressionnant par la richesse de son jeu et son enthousiasme, ne souffre nullement de la comparaison avec son prédécesseur, Richie Blackmore, tout comme Don Airey reprend facilement, aux claviers, le flambeau laissé par Jon Lord. Roger Gover et Ian Paice démontrent que le temps n'a eu aucune prise sur leurs capacités instrumentales et qu'ils peuvent encore faire mordre la poussière aux petits jeunes. Mais cela est-il suffisant pour sortir de la salle avec des étoiles plein les yeux?

Malheureusement, non. Car le concert se montre trop professionnel. D'ailleurs dire d'un concert qu'il est professionnel ne doit aucunement être vu comme une qualité. Bien au contraire. Professionnalisme rime avec absence de folie, d'urgence et de magie. Des éléments qui, n'en déplaisent aux fans trop indulgents, n'étaient pas au rendez-vous. L'ennui pointait même le bout de son nez sur certains morceaux. Les plus récents, issus des albums Rapture Of The Deep et Bananas. Franchement, quels fans de Deep Purple écoutent ces albums? C'est un peu comme écouter le dernier Joe Cocker plutôt que ses premiers disques, écouter A Bigger Bang des Stones plutôt que Exile On Main Street ou Let It Bleed.

Et si musicalement, le concert se révèle exceptionnel avec de formidables soli de tous les musiciens, même si on peut émettre quelques bémols sur celui de Don Airey, parfaitement exécuté mais légèrement daté (des éléments de la Marseillaise et de Jingle Bells, c'est rigolo mais quand même!), le point noir reste les capacités vocales de Ian Gillan qui est apparu extrêmement diminué et amaigri. Sentiment exacerbé par le manque de classe de son habit de scène (avec un maillot jaune digne d'un retraité) annihilant ainsi son charisme naturel. Le voir peiner sur un classique tel que « Highway Star », ne réussissant pas à monter dans les aigus sur le fameux « I Want It, I Need It », de le voir se fatiguer au fil du concert, remplissait de tristesse. On peut louer le courage de cet homme que l'on devine miné par des problèmes de santé inhérents à son âge... Et aussi avoir eu l'étrange sensation voyeuriste d'assister au baroud d'honneur d'un énorme chanteur dont la carrière est, malheureusement, désormais derrière lui. Il montrera, néanmoins, quelques fulgurances vocales, empêchant de noircir totalement le tableau. Notamment sur le « Smoke On The Water » final, où l'on voit de nouveau des téléphones portables brandis dans les airs pour faire entendre ce classique inoxydable à des absents appelés pour l'occasion. Philip Sayce reviendra d'ailleurs sur scène pour accompagner le groupe et renforcer l'impact guitaristique de cette chanson dont on ne se lassera jamais. Peut-être le seul moment réellement magique de cette soirée...

Ce que l'on retiendra principalement, c'est la joie (voire la fierté chez certains) d'avoir pu assister à un concert de musiciens de légende qui ont laissé une empreinte indélébile sur la planète Rock, de faire partie des hommes qui ont vu les Hommes. Dire que l'on a eu la chance de voir Deep Purple, ce n'est pas rien. Cela marque un homme. Dommage simplement, malgré le lieu, de ne pas les avoir vus à leur Zénith.

  1. GAM

    Ce ne serait pas le commentaire qui a bien été validé sur la page de l'agenda ? :)
    Cliquer sur l'onglet ci-dessus "Voir l'événement"

  2. Mickey59

    Le lendemain du concert, où j'étais, je déposais ici un commentaire élogieux sur ce groupe fantastique et le professionnalisme dont ils font preuve
    Curieusement, depuis que le review a été mise en ligne, mon commentaire a disparu!!!
    Dommage.
    Dirty Greg je trouve ton commentaire très dur...

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