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Depeche Mode + The Horrors au Stade Pierre Mauroy

Depeche Mode allaient-ils jouer ou annuler pour cause de stade trop chaud ? Passons sur les blagues concernant le stade Pierre Mauroy, même s'il faut souligner l'organisation parfois contestable en désaccord avec les indications portées sur le site, un personnel pas toujours respectueux, et un son vraiment moyen, le tout selon plusieurs personnes présentes autant dans les premiers rangs que les gradins.

Un public toujours fidèle

Dire que le groupe était attendu est un euphémisme : la venue de Depeche Mode dans le Nord est toujours un événement : le groupe a de nombreux fans dans les environs, autant en Belgique que dans la partie la plus au nord de la France. Pour preuve, les black swarms présentes dans les concerts étrangers, les attentes parisiennes où l'accent et le vocabulaire nordistes ont bonne place, ou encore les soirées dédiées au groupe ayant lieu régulièrement dans la métropole. Les fans n'ont pas failli à leur réputation : à 21h pétantes la veille du concert, une vingtaine de personnes avaient déjà leur main numérotée au marqueur, en prévision d'une longue nuit et une journée complète d'attente devant le Stade Pierre Mauroy. Fous, me direz-vous ? On ne sait, mais fidèles, ça c'est certain.

L'ambiance est à la fête quand on arrive, bien plus tranquillement mais très excités, dans l'effervescence de l'entrée. Les portes ont déjà ouvert officiellement mais il faut bien entendu un petit moment pour que tout le monde rentre et nombreuses sont les personnes à profiter d'un temps estival, particulièrement chaud pour la saison, et se retrouver entre amis. Tout autour du stade, on repère les t-shirts du groupe, d'époques variées, et les sourires de ceux qui vont enfin revoir ceux qu'ils ont attendu sept ans, depuis le passage de Depeche Mode au Stade de Liévin en janvier 2010. On croise des amis fans, comme des cousins lointains qu'on ne voit qu'une fois de temps en temps. Les photographes se regroupent devant le stade : l'organisation est impeccable mais on n'aura pas l'occasion de voir The Horrors - qui pour l'anecdote sont issus de Southend-on-Sea, soit à quelques kilomètres de Basildon, la ville d'origine de Depeche Mode. On les écoute du couloir - ça a l'air très péchu.

Et puis on entre, par le haut des escaliers. La scène est sur notre droite, la même que sur toute la tournée mais le coeur bat d'un coup plus rapidement. Le public est en ébullition. Et d'un coup ça commence, après un signal, nouveauté sur cette tournée : un extrait  de "Revolution" des Beatles a démarré, suivi par un instrumental permettant au groupe de monter sur scène et de démarrer "Going Backwards", nouvelle chanson, très appréciée du public et choisie pour deuxième single.

Depeche Mode, tout en raffinement et partage

C'est beau, soigné, le son est très correct là où on se trouve (et il sera bon aussi au niveau de la console). Et puis le concert décolle rapidement, même plutôt plus que d'ordinaire, surtout pour un concert de début de tournée. "So Much Love", parmi les plus péchues de Spirit, est taillée pour la scène, et Dave Gahan s'amuse rapidement, partagé entre ses petits jeux scéniques habituels et une émotion, pour une fois visible, qui ne va pas le quitter du concert. Le mélange est détonnant et on apprécie son ouverture dans une foule qui n'en attendait même pas tant : "there is so much love in..." us ! Quand "Barrel of a Gun" démarre, on mesure l'effort, malgré la difficulté vocale de ce type de chansons. Si on n'est pas forcément friant du style de Christian Eigner à la batterie - les nostalgiques des caisses claires d'Alan Wilder me comprendront -, force est de constater que dans le stade, cette force brute envoie de l'énergie. Le groupe a choisi de reprendre la version 'Jacques Lu Cont's Remix' de "A Pain That I'm Used To", ce dont on ne se plaint pas, et sort, presque étonnamment, une version de "Corrupt" joliment retravaillée, presque plus sexuelle que l'originale, avant d'enchaîner sur une version doucement vrombissante de "In Your Room", qui transcende le stade, évitant les pics de la version single. Le public se réveille dans les gradins, pour ne plus se calmer, quand suivent "World In My Eyes" - et sa nouvelle intro - et "Cover Me", où l'émotion de Dave est encore plus visible qu'au début du concert. Le frontman est très partageur ce soir, ouvert, cherchant moins à dissimuler ses émotions derrière des petits gestes que certains soirs, ce qui engendre forcément de l'émotion en retour, le public suivant le moindre mouvement du chanteur et songwriter.

De son côté, Martin Gore a l'air un peu stressé mais son jeu et ses choeurs sont impeccables. Il choisit d'interpréter "A Question of Lust", ce qui semble faire très plaisir dans le stade. Dans le fond, et ailleurs, ça chante en suivant le rythme, et ça continue quand démarre "Home", qui n'a pourtant tellement quitté la setlist depuis quinze ans. Et la magie fonctionne encore : Mart' semble vraiment plus ouvert quand, suivant le quasi-protocole, il fait reprendre une partie des choeurs au public. Et puis "Poison Heart" démarre et les poils se dressent sur l'épiderme. D'un point de vue purement technique, on mesure l'évolution vocale de Dave, qui a gagné en précision et en élégance en posant sa voix ces dernières années. Et surtout, l'émotion est à son comble, sur une chanson qui certes s'y prête. Pour ne pas tomber dans le pathos, la setlist enchaîne sur le premier single de l'album, "Where's The Revolution".

De l'énergie et de l'émotion

La chanson est taillée pour les stades et une partie du public se fait entendre, pour ne plus faiblir jusqu'à la fin du concert : une fois qu'on gagne l'enthousiasme du Nord on ne le perd plus, se manifestant sur "Wrong", sur le retour pour notre bonheur, et surtout sur une version délicieuse de "Everything Counts", flirtant avec Kraftwerk en intro et d'une énergie folle, touchant à raison le coeur des plus vieux fans et se révélant toujours aussi vibrante et pertinente en 2017. On s'amuse décidément beaucoup ce soir : le groupe est très heureux, le public suit et l'ambiance est excellente. Si les chansons du dernier album se révèlent vraiment appréciables en live, vu le moment du concert, les classiques vont maintenant s'enchaîner : "Stripped", "Enjoy The Silence", et "Never Let Me Down Again", toujours pourvue de son passage par l'Aggro Mix, et qui permet au Stade Pierre Mauroy de prouver qu'il fait aussi bien le "champ de blé modien" que Prague - et c'est une référence. 

Côté émotion, ce n'est pas fini : Martin Gore revient après un "Merci !", et sa version de "Somebody" semble emporter le public bien loin dans les cieux. La nouvelle petit intro caractéristique de "Walking In My Shoes" et on profite de cet apparté toujours très apprécié des fans pour souligner la qualité des vidéos projetées en arrière-plan, réalisées par Anton Corbijn, qui semble y avoir mis un soin particulier si l'on en juge par celle choisie pour cette chanson, petit court-métrage très touchant. Comme si notre corde sensible n'avait pas assez vibré, Depeche Mode, drapeau noir affiché, reprennent "Heroes". Loin d'une anecdote ou d'une opportunité malsaine, le groupe partage de l'ADN avec David Bowie, dont l'album "Hunky Dory" a toujours été placé en tête de ses préférés par Martin Gore. Et surtout, pour les fans les plus attentifs, c'est un clin d'oeil à l'audition de Dave Gahan en 1980. Une évidence, donc, et une version soignée, la voix de Dave suivant le rythme avec classe sans trop en faire. Puisqu'on est déjà un peu morts de bonheur, on nous achève : "I Feel You", et on se quitte sur "Personal Jesus", qui, avec son ambivalence, porte décidément toujours aussi bien son nom. Si "now we're closer to the edge", c'est un précipice si délicieux qu'on reprendra volontiers de ce doux poison.

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