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Didier Super + Andreas & Nicolas aux 4 Ecluses

AVERTISSEMENT: cette chronique est déconseillée aux âmes sensibles, aux chastes personnes, aux grenouilles de bénitier et à ceux qui prennent tout au premier degré).

A deux semaines du lancement du Carnaval de Dunkerque, Les 4 Ecluses organisent une soirée placée sous le signe de la gaudriole en conviant le douaisien d'origine Didier Super et le duo nantais de chansonniers Andreas et Nicolas.

Alors que c'est avec son nouveau spectacle, la comédie musicale Didier Super Est-Il La Réincarnation du Christ? qu'il a foulé les planches du Théâtre Sébastopol de Lille, il y a quelques semaines, c'est avec son précédent et premier one-man show Didier Super En Solo qu'il monte sur la petite scène dunkerquoise. Une occasion, pour les retardataires, de combler le manque. Un spectacle trash, provocateur, prenant la forme d'un concert, cultivant le mauvais goût et à ne pas mettre entre toutes les oreilles.

Sa réputation l'ayant précédée, les spectateurs hésitent à s'installer aux premiers rangs. Des chaises restent vides. Didier, presque timidement, tête basse, vêtu d'un sous-pull beige et d'un jean coupé en bermuda, fait son apparition. Il convie le public du fond à se rapprocher, n'hésite pas à traverser la salle pour aller le chercher par la main. Peine perdue. L'humoriste fait peur. Pour apaiser les esprits, dans un esprit de communion, il invite tout le monde à prendre la main de son voisin. Et entame sa première « chanson »: « Prendre un gros con par la main ». Le ton est donné. Didier Super est là pour jouer avec son public, pour le pousser dans ses derniers retranchements. En agressant ses oreilles de son jeu de guitare approximatif, de son chant atroce au fort accent du Nord, de ses paroles extrêmes (« Avortine », discussion entre un père malgré lui et son enfant envoyé au paradis des foetus, « On Va Tous Crever », « Y En A Marre Des Gens Qui Bossent »...). Didier se régale à choquer les gens de ses blagues horribles dignes des « Sales Blagues » dessinées de Vuillemin comme le fameux « Comment faire pleurer une fillette une deuxième fois? » (la bienséance interdisant de dévoiler la réponse ici). Tel un sale gosse venant d'apprendre un gros mot dans une cour de récréation, il se complait à utiliser le langage le plus ordurier possible.

Néanmoins, comme il le précise, s'il est grossier, il se refuse à se montrer vulgaire, à descendre au niveau du populiste Jean-Marie Bigard (dont il fait une magistrale imitation) qui, lui, n'inclut aucun second degré dans ses spectacles. Car il y a une réelle démarche artistique chez Didier Super. A l'image d'un Coluche qui construisant un sketch (Le Raciste) autour de propos xénophobes ne nous fait pas rire du racisme mais nous fait, au contraire, nous moquer des personnes développant ce genre de propos. Ainsi, ce n'est pas gratuitement et par méchanceté qu'il tourne en ridicule les Juifs, les Blacks, les handicapés mentaux, les homosexuels... en les insultant des termes cruels qu'on peut leur donner. Il entre dans le même schéma que le comique américain Lenny Bruce, mort d'overdose en 1966 et immortalisé par Dustin Hoffman dans le chef-d'oeuvre de Bob Fosse, Lenny, qui en milieu de spectacle comptabilisait dans l'assistance les personnes issues de ce qu'on appelle les minorités, en utilisant les termes argotiques de « Nègre », « Rital », « Métèque » ou « Yuppin » (alors qu'il était lui-même juif) au risque de s'en manger une. Il expliquait ensuite qu'il ne fallait pas diaboliser et proscrire ces termes. Car « Rendre un mot tabou lui donne de la force et de la cruauté ». Il conseillait donc de les utiliser à outrance afin de leur faire perdre tout sens pour que « plus aucun gamin ne rentre de l'école en larmes parce qu'on l'a traité de négro ». D'où ce lapidaire « Les Juifs, c'est comme les trisomiques! » à ne pas prendre comme un trait d'humour mais comme une profession de foi: pouvoir se moquer des minorités, c'est leur rendre leur dignité en leur apportant le même regard que tout à chacun.

Cette démarche est culottée car souvent mal comprise. Didier Super est un personnage rappelle-t-il dans la pause clope qu'il s'octroie, sur scène, au milieu de son one-man show, après avoir taxé un membre du public et passant outre l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Le privilège d'être un artiste. Ceux qui ne le comprennent pas le font, d'ailleurs, bien rire. A la fin du spectacle, il explique la présence des multiples croix blanches sur sa guitare. Il s'agit des spectateurs ayant quitté la salle à une de ses représentations. Ainsi, trois croix représentent trois professeurs étant sortis du Point-Virgule à Paris après y avoir emmené, pour leur faire plaisir, des élèves pour conclure une sortie culturelle dans la Capitale. Deux autres croix symbolisent l'Adjoint à la Culture, et son épouse, de la ville de La Rochelle dont la municipalité l'avait invité à faire un spectacle. Ces croix sont sa fierté. Et pour lui, un bon spectacle est celui où il peut en rajouter une. Dommage. Personne n'aura déserté les lieux ce soir-là.

Dur dur de passer après ce numéro d'équilibriste de haute-voltige. C'est ce que feront, devant une salle qui s'est quelque peu vidée, Andreas et Nicolas, deux musiciens issus de la scène Métal française (Nicolas étant le chanteur du groupe parodique Ultra Vomit et Andreas, membre du combo Heavy Metal Era Nova).

Il paraît sans dire que leur spectacle paraît bien trop sage comparé à celui de leur prédécesseur. Il s'agit de chansons à volonté humoristique: « J'aime Bien Mettre De La Crème Sur Mon Visage », « Toutes Les Filles Qui Jouent Au Foot », « Montrez-Moi Vos Miches Madame », « Je Collectionne Des Canards (Vivants) ». Le show est plutôt bien rôdé, ponctué d'intermèdes dont un jeu faisant appel au public, le Jeu Du Sac Poubelle où deux spectateurs doivent chacun tirer cinq titres de chansons. Celui qui verra ses chansons jouées le plus rapidement gagnera son lot de cadeaux débiles. Andreas et Nicolas font preuve d'une belle complicité et d'une énergie certaine. Mais on ne peut s'empêcher de se sentir gêné. L'humour ne semble s'adresser qu'à des adolescents. Heureusement pour eux, ils sont nombreux.

Les deux Nantais cultivent trop la mécanique de la vanne nulle. Mais oublient que pour qu'une vanne nulle fonctionne, qu'elle fasse son effet, elle doit être encadrée de bons gags... Certaines chansons nous rappellent la parodie d'Henri Dès qu'avaient concoctée ces gros malades du Groland: « Les Bruits Bruits De La Maison » passée tellement en boucle dans la voiture sur la route des vacances que le père de famille au volant se suicide en se jetant du véhicule sur l'autoroute. On a un peu l'impression d'être ce conducteur. L'humour est au ras des pâquerettes. Les réactions positives rencontrées dans le public donnent l'impression d'assister au spectacle malsain et voyeuriste d'une Glougi Boulga Night où des êtres normalement constitués oublient qu'ils ont un cerveau en s'extasiant devant les dessins animés de leur enfance et en chantant à tue-tête leurs génériques.

Commentaire bête et méchant, il est vrai. Mais c'est pas de notre faute. C'est Didier Super qui nous a rendus comme ça !

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