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Didon et Enée au Théâtre municipal Raymond Devos

Les histoires d'amour finissent mal, en général... Les passions de Tancrède et Clorinde et, de Didon et Enée n'y dérogent pas. La musique et le théâtre ont servi l'amour et la mort mardi 15 mars au Théâtre Municipal Raymond Devos.

Il combattimento di Tancredi e Clorinda de Claudio Monteverdi tout comme Dido and Aeneas d'Henry Purcell sont des œuvres aux sujets universels. Plus de trois siècles plus tard, la mise en scène d'Andreas Linos et l'interprétation de l'Atelier Lyrique de Tourcoing dirigé par Jean-Claude Magloire, ont illustré avec brio l'intemporalité et la possibilité de s'approprier de manière contemporaine ces œuvres sans un sentiment d'anachronisme.

La triste histoire de Tancrède le chrétien tuant son amour la princesse musulmane Clorinde est narrée par le baryton Nicolas Rivencq sous les traits d'un professeur citant le poète Le Tasse face à une classe agitée. Comme Monteverdi le voulait, Tancrède et Clorinde apparaissent à l'improviste sous les traits des élèves. Le crescendo dramatique de l’œuvre est servie par cette apparition progressive des solistes puis du chœur. L'interprétation musicale et la mise en scène se sont associées pour mettre en exergue l'intensité toute progressive de ce madrigal. Malgré le relief de l'action et de la musique, la basse continue crée l'unité. Les pizzicati et les trémolos qui évoquent le fracas des armes, la dissonance pour accompagner la souffrance, tout ceci crée comme un second décor à l’œuvre. Le figuralisme du combat de Tancrède et Clorinde ne laisse pas de doute sur l'appartenance au genre représentatif (genere rappresentativo). Ce madrigal se sera doucement et subtilement vu suivi par un opéra. Une autre histoire d'amour dont la musique est, elle-aussi au service du drame.

Didon et Enée aura été donné la première fois en 1689 dans un pensionnat de jeunes filles accompagnées par Purcell lui-même au clavecin. La production de l'Atelier Lyrique de Tourcoing a, elle-aussi, associée de jeunes gens des écoles de danse et de lycées professionnels de la métropole. Les décors réalisés et les lumières ont donné une vision très esthétique à chaque moment de l'opéra en faisant évoluer les plans tout en subtilité. L'accentuation de la perspective et un jeu sur les points de fuite ont projeté le regard en avant et donné l'illusion d'une grande profondeur comme suggérant le départ imminent d'Enée quittant la reine de Carthage. La courte durée de cet opéra de chambre et son effectif relativement réduit n'enlève rien à l'intensité. Véronique Gens interprétant Didon et la remarquable Hasnaa Bennani sous les traits de Belinda, la suivante de Didon, ont incarné une palette de sentiments aussi juste et sincère musicalement que scéniquement. La douceur émanant de ces deux femmes a contrasté joyeusement avec les sorcières présentées comme de détestables fashion victims. Purcell et les hommes de cet opéra, Enée (Nicolas Rivencq) et ses marins, ont courtoisement laissé une grande place à l'exaltation des sentiments et des passions des rôles féminins. When I am laid in earth... L'aria final précédant la chute de Didon accompagné superbement par une basse obstinée laisse toute la place à la prosodie et résume l'intensité de la composition et de la production artistique de ce soir-là.

Monteverdi a écrit le premier opéra de l'histoire de la musique et Purcell a été le premier anglais à écrire un opéra. Pour ces deux compositeurs, le théâtre, la musique, la danse restent avant tout au service du texte et de l'action qui dépeignent des sentiments et des émotions. Andreas Linos, Jean-Claude Magloire et l'ensemble de l'équipe artistique ont permis la continuité de leur art. Ils nous ont aussi permis de vivre un théâtre en musique d'une grande fraîcheur. Ces œuvres renaissantes et baroques ont été vécues comme appartenant à notre époque. Shake the cloud from off your brow... On eut plaisir à contempler les nuages de ces tristes récits.

  1. Mado

    Merci+++ pour ce "live report", brillant et fidèle reflet d'une magnifique soirée à l'Atelier Lyrique de Tourcoing.
    NB: la remarquable soprano Hasnaa Bennan revient dans notre région, en soliste avec l'ensemble Stravanganza dimanche 1er mai, 16h30, en l'église d'Aubry du Hainaut (place Charles de Gaulle), dans le valenciennois. Programme: cantates françaises des 17è et 18è siècles sur les thèmes mytiques d'Ariane et d'Orphée. Rens: www.embaroquement.com ; billetterie: 07 81 86 94 68.

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