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Dominique A + Powerdove à l’Aéronef

Dominique A semblait surpris jeudi soir 12 avril de cet Aéronef empli de voyageurs pour l’accompagner deux bonnes heures. « Vous êtes plus nombreux que d’habitude » glissait-il au bout de trois titres… « Mais je ne veux pas dire que cela me pose problème », précisait-il aussitôt… Quelque part cela devait tout de même l’intriguer car il allait le répéter, quelques titres plus tard… « On t’aime depuis toujours », criait en réponse une voix dans la foule…

Des textes sur l'amour déçu/déchu

Comme les thèmes de l’eau ou des oiseaux, l’amour déçu/déchu se glisse toujours ici ou là dans les textes de Dominique Ané, et cela n’est pas un hasard si le seul repris en cœur et en douceur par le public de la salle lilloise fut Au revoir mon amour (Eléor, 2015), choisi par le compositeur pour débuter le premier rappel après un show de vingt titres à la tonalité rock et électro très soutenue par la boîte à rythme. Dans cette chanson, une femme seulement croisée, un instant fugace, est déjà perdue. Et puis il y a les amours échus/échoués : « Lorsque nous vivions ensemble », dans Toute Latitude, 2018, et son refrain « nous avions livré notre amour laissé à lui-même »… Les aveux d’échec aussi, avec Va-t’en placé en sixième position sur la set-liste de mardi : « Ce n’est pas la peine / de rester plus longtemps / Va t’en si tu m’aimes / Tu partiras à temps / Avant que je redevienne / quelqu’un d’horrible, de méchant ».

La poésie en colère de Dominique A

Deux belles heures d’un répertoire emprunté aux derniers albums et parsemé de perles plus anciennes, la boîte à rythme omniprésente donnant le tempo général. La tenue noire du chanteur-guitariste et de ses quatre musiciens (pas étonnant que l’homme ait été invité sept fois aux Black sessions de Bernard Lenoir sur Inter entre 1993 et 2009 !), la pulsion féroce des deux batteries dominant la scène (rares sont les groupes à jouer avec deux batteurs, en l’occurrence ici l’habituel Sacha Toorop accompagné d’Etienne Bonhomme), tout était en place pour une atmosphère sombre mais nourrie de cette mélancolique beauté imprégnant paroles et mélodies. On peut être ingénieur du son et un génie de l’âme. Triturant ses sonorités bien plus loin que lors de ses précédents disques, Dominique A parvient à garder la puissance poétique de ses textes. On est loin du bavardage pseudo intello, sur sons contemporains, de groupes actuels dont on taira le nom.

L’artiste a ouvert le concert comme il débute Toute Latitude par « Cycle », et son texte politique et pessimiste : « je dis de tout changer / ou de sauver ce qu’on pourra / … / et qui d’autre pour nous aider ? ». Rien n’est gai il est vrai dans les dernières compositions de celui qui fête cette année ses cinquante ans - lui né à l’automne 1968 à Provins, « après la bataille », comme il le soulignait dans la Grande table sur France Culture : ses disques sortent souvent entre automne et hiver, et le dernier opus manifeste, disait-il encore au micro d’Olivia Gesbert, « une certaine colère »…

Une poésie soutenue par la rage martiale de deux batteries

Entre planète menacée et amours déçus, Dominique A avance cahin-caha. Le ton martial imposé par les deux batteries souligne cette rage, et pourtant, et pourtant, il y a toujours cette belle voix, ces textes ciselés, qui offrent l’espoir, au moins, d’une évasion par la poésie. En ultime rappel, cette imploration : « Si seulement nous avions le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé » (Le Courage des oiseaux, tiré de son deuxième album, La Fossette, 1992) ne peut effacer la réalité : « Dieu que cette histoire finit mal / On imagine jamais très bien / Qu’une histoire puisse finir si mal / quand elle a commencé si bien ». Il restait d’ailleurs l’écho de la deuxième chanson qui avait ouvert la soirée, « La mort d’un oiseau »… « La mort d’un oiseau m’a tourné le cœur / Je l’ai vu mourir au fil des heures / J’ai pensé à lui toute la journée / Et même la nuit ça m’a réveillé ». Voilà toute la force des vrais song-writers : en un texte, en une chanson, raconter toute la fragilité du vivant, la fragilité de ce monde que l’homme cupide est en train de détruire…

Geoffroy Deffrennes

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