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Ewert and the two dragons + Rozi Plain à la Péniche – Ground Zero Festival

Rozi plain investit timidement la scène de la péniche pour ouvrir une soirée solidement ancrée à quai. Son folk minimaliste se nourrit de nombreuses collaborations et on lui reconnaît un goût pour le jeu collectif très affirmé. C’est peut être cette solitude acoustique d’un soir qui a laissé l’impression qu’elle restait calfeutrée à la proue, pour partager un désir de délicatesse suave, un folk retenu, presque prude. Humans, dans sa version studio, respire une humanité qui touche au son des doigts sur les cordes mais se renforce d’un martèlement rythmique qui lui donne tout son sens, tendu par cet équilibre entre la fragilité et ce tempo urgent. Le même titre, délesté de son urgence rythmique ne tient pas les promesses du disque. Un peu timide, un peu sage, on demande sincèrement à la revoir, emportée par les flots de la Deûle et un percussionniste, débarrassée d’un pull immense sous lequel elle semblait vouloir disparaître.

La pop fraîche et légère d’Ewert and the two dragons a été saluée dans de très nombreux journaux et autres espaces blogosphériques pour d’excellentes raisons. L’Estonie a beau être le pays de la « révolution chantante » de 1988, avoir gagné l’Eurovision en 2001 (Si.), la pop a une violente tendance à lorgner obstinément du côté de la mère patrie anglaise au risque de bégayer… Jan Kirsipuu remporta autrefois quelques étapes du Tour de France, et restait sans doute l’Estonien le plus connu en France jusqu’à ce soir. C’est dire. Avouons-le, L’Estonie ne nous a pas franchement habitués à gronder sourdement de plaisirs pop. Jusqu’à ce soir.

Cette pop poids plume, née en cette détonante contrée peut déconcerter à la première écoute et on a vite fait de rater la musique du petit peuple des dragons nés sur les bords de la mer baltique. La pop réinventée d’étonnants Estoniens ne pèse ni ne pose et il faut insister, un peu, se laisser bercer, charmer par l’entrelacs des compositions subtiles d’Ewert et de ses cracheurs de feu. Ne cherchez pas, le nom n’a aucun sens.

Ewert devait donc baptiser son public lillois sur la Péniche et l’épreuve de la scène peut se révéler extrêmement périlleuse quand on ne pratique pas le feu nourri, le lance roquettes et le missile mais plutôt les arpèges de cristal et l’harmonie vocale. Il n’y a pas de honte à l’évoquer, on peut être un excellent architecte de studio et ne pas tenir les feux de la rampe. C’est un doux euphémisme que de dire que c’est avec panache qu’Ewert a fait de la Péniche un vaisseau naval de première force pour que nous partions, tous, loin, aussi légers et aériens que les chœurs tissés par les deux hommes en charge des voix célestes, sur Jolene par exemple. D’une blondeur diaphane, il semble que tout soit parfaitement accordé chez le chanteur qui reçoit un soutien patient et toujours parfaitement juste de son guitariste, musicalement comme dans l’intention, arpèges et parfaits accords en bandoulière vaporeuse. Quelques réminiscences flottent dans l’air mais n’obscurcissent jamais les compositions puisqu’on ne retrouve pas immédiatement la référence en suspens, elle reste à distance raisonnable, c’est une source lointaine, désaltérante, jamais tarie.

La Péniche se transforme d’ailleurs en Madison Square Garden pour les quatre membres du groupe qui n’ont pas décidé de quantifier leur effort, ils s’engagent aussi sûrement que si 20 000 personnes scandaient leur nom en Estonien et c’est d’une grâce tout à fait touchante, la musique les porte autant qu’elle emporte les spectateurs, les envolées progressives de You had me at alone font décoller une péniche devenu vaisseau intersidéral en larguant des amarres faites de cascades d’accords graciles. Une fois dehors, les applaudissements du cirque voisin, représentation finie, laissaient croire que la fanfare du Sergeant Pepper allait résonner. Un peu égarés par cette communion harmonieuse avec la musique d’un groupe qui vient partager son bonheur simple avec le public, nous bipons dans le noir pour retrouver nos voitures. Deux lueurs orangées comme les yeux d’un dragon estonien clignotent et nous guident une dernière fois.

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