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General Elektriks + Aloha Orchestra au Théâtre d’Arras

Il est des « au revoir » que l'on a plaisir à vivre. Même sous un ciel gris et menaçant. Comme cette clôture de saison organisée par la Scène Nationale Tandem Arras-Douai qui a eu la brillante idée de convier pour l'évènement le groupe General Elektriks. Initialement prévu en extérieur, le concert, en raison des intempéries, a du être relocalisé à la dernière minute à l'intérieur du Théâtre d'Arras. Sous peine d'être annulé. Un couac pour les organisateurs, sans nul doute. Car limitant le nombre de spectateurs. Mais une véritable aubaine pour les 300 chanceux ayant réussi à obtenir (gratuitement) leur sésame pour la soirée. Car quel plus beau cadre qu'un véritable théâtre à l'italienne pour assister à un concert. De quoi remercier, pour une fois, le peu de clémence des cieux nordistes.

Un doute subsistera néanmoins en entrant dans la salle. La nature humaine étant paresseuse par nature, les strapontins viendront-ils limiter les effusions du public et réduire l'impact festif de la soirée? Une tendance malheureusement déjà observée en d'autres lieux. Aloha Orchestra, en à peine un morceau, viendra balayer cette inquiétude.

Diabétique musical assimilant très mal le glucose 80's, Lillelanuit n'aura, soyons honnête, goûter que du bout des lèvres la musique de ces normands, lauréats du Prix Inrocks Lab en 2015. Une musique qui laisse régner en maître les synthétiseurs et  les codes de la Pop à épaulettes. Il faudrait néanmoins afficher la plus solide des mauvaises fois pour ne pas convenir que le groupe maîtrise indéniablement son sujet. Les compositions, si elles brossent dans le sens du poil, font preuve d'une réelle efficacité mélodique et ne tombent jamais dans le mauvais goût ou des kitcheries infâmes à la Hot Chip. Certaines expérimentations s'avèrent même très intéressantes. De plus, Aloha Orchestra démontre sur scène un savoir-faire certain. Les musiciens jouent le jeu à fond et témoignent d'une foi en leur musique qui est très plaisante à voir, même pour les plus réticents. Emmené par la belle énergie son chanteur, le groupe chauffe à blanc le public et rend très vite superflue la présence de sièges dans la salle. Provoquant un chahut digne d'Hernani, mais en version dance-floor.

C'est par l'irrésistible 'Angle Boogie', issu du dernier album 'To Be A Stranger' qu'Hervé Salters et ses fidèles compagnons de route prennent le relais. Un démarrage en trombe qui, dès les premières notes de clavier, impose le groove particulier du General Elektriks, son Funk complexe et fantaisiste truffé de micro-détails. La qualité du son est frappante, d'une précision et d'un relief rare. On sent que, du côté de la technique, rien n'a été laissé au hasard.

La set-list est parfaitement agencée. Sans temps morts, le groupe alterne chansons récentes ('Whisper To Me', 'Waltz #2', 'Boucin' Off The Wall', 'A Misunderstanding'...) et classiques attendus impatiemment ('Raid The Radio', 'Helicopter', 'The Spark', 'Tu m'intrigues'...). Chaque morceau se pare de nouveaux atouts et de nouveaux arrangements. Acquiert une énergie supplémentaire par rapport à sa version studio. Le public est euphorique, ne tient pas en place, réagissant à chaque intro, totalement emporté. Décidément, il était gravé dans le marbre qu'aucune fesse, ce soir, ne viendrait alourdir le moindre strapontin.

Une fois de plus, General Elektriks prouve qu'il fait partie des formations live les plus brillantes et exaltantes de l'hexagone. Le plaisir ressenti et exprimé par les cinq musiciens est évident, presque physiquement palpable. Hervé Salters, au bord de la scène, debout derrière ses claviers Vintage, fort d'une présence extrêmement dense, accapare évidemment les regards. Toujours impressionnant de voir ce génie des touches noires et blanches s'acharner avec virtuosité sur ses instruments pour y développer, avec une précision diabolique, des gammes extraterrestres au groove imparable. Tout en virevoltant. Pratiquement en apesanteur. Incarnant le chaînon manquant entre le Jerry Lee Lewis des années 50 et le Stevie Wonder du début des 70's.

Derrière lui, ses camarades de jeu tiennent leur rôle à la perfection. Il est d'ailleurs amusant de les voir sur une scène de théâtre. Car General Elektriks est un groupe qui a su se forger, au fil des années, une identité visuelle qui lui est propre. Où chaque musicien incarne à sa manière un personnage. Un peu à l'image des groupes Glam d'antan. A la guitare, Eric Starczan, dans son costume endosse le rôle du Dandy Rock N'Roll. Au vibraphone (que l'on a pas entendu sonner aussi sexy depuis les albums Blue Note de la grande époque) et à la batterie, Norbert Lucarain amène une touche Punk contrebalancée par l'attitude impassible de son compère de fûts Jordan Dalrymple, que l'on retrouve également à la MPC (son instrument de prédilection quand, dans une autre vie, il opère sous le nom d'Antonionian). Avec sa coupe afro, son legging bicolore argenté et son look androgyne hérité du Rocky Horror Picture Show, Jessy Chaton à la basse et au synthé basse est un régal pour les yeux. Se mouvant tel un félin sur scène, se déhanchant sensuellement, il incarne son rôle avec un mélange de premier degré et de recul ironique follement réjouissant. Excessif dans le moindre de ses gestes. Même les plus stoïques.

Le concert passe à la vitesse de l'éclair. Même après trois rappels, le public se fait prier pour quitter la salle. Ravi d'avoir assister à une telle cavalcade. Mais déçu de devoir quitter les lieux et le groupe. Car General Elektriks fait partie de ces groupes qui prennent vraiment toute leur dimension en live. Presque au détriment des disques quand on les réécoute par la suite.

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