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Gilberto Gil + Natalia Doco au Théâtre Sébastopol

L'équation est des plus basiques.

Considérons que A = la musique brésilienne, une des plus belles du monde. Et que B = Gilberto Gil, un de ses plus talentueux ambassadeurs. De l'addition de A et de B résulte donc, tout simplement, une date inratable. Fort en maths, le public lillois a ainsi logiquement occupé avidement le moindre des sièges du Théâtre Sébastopol.

L'occasion pour lui de faire une bien charmante découverte en la personne de Natalia Doco. Une jeune bourlingueuse, native de Buenos Aires qui, après avoir vécu au Mexique, est venue poser ses valises en France. Une nature cosmopolite audible dans les chansons de son premier album, Mucho Chino, qu'elle décline en espagnol, en portugais ou en anglais. Des compositions empruntes de nomadisme, habitées par un esprit à la fois énergique et apaisant.

Uniquement accompagnée de sa guitare, c'est avec une belle aisance que l'artiste réussit à imposer son univers coloré et métissé, avec en trame de fond Samba et Bossa Nova bien sûr, mais aussi des influences Pop ou Reggae. Avec son timbre de voix solaire, Natalia Doco rend hommage à tous les genres qui ont teinté un parcours qu'elle relate avec humour. Un bel instant de plénitude et de légèreté. Doux et reposant comme le clapotis des vagues sur une plage tropicale quand vient le soleil couchant. Convenons-en, il est des premières rencontres beaucoup plus désagréables...

72 ans. 50 ans de carrière. Et pourtant, ce qui frappe en premier quand Gilberto Gil monte sur scène, c'est l'incroyable vitalité qui se dégage de son être. D'ailleurs, c'est un peu comme un jeune hippie qu'il vit sa nouvelle tournée européenne. Voyageant léger, uniquement accompagné de son épouse et productrice, Flora Gil, et de ses guitares. S'attardant sur les routes pour faire du tourisme entre ses différents concerts. Privilégiant le plaisir et allant à contre-courant des grandes tournées marathons où les dates s’enchaînent de manière industrielle et automatique.

Une philosophie, un hédonisme empli d'une sagesse demi-séculaire qui irrigue une soirée féérique. Où, tel un magicien, Gilberto Gil, met le temps en suspension. En invitant son auditoire à vagabonder dans son impressionnante carrière, il fait en effet se confondre passé et présent. Prouve à quel point sa musique, et celle du Brésil en général, est intemporelle. Et universelle. Car se nourrissant de diverses cultures musicales.

Souriant, détendu, loquace, l'artiste explore de la plus simple des façons son parcours. En guitare-voix. Sans fard ni outrance, c'est un éloge de la douceur qui se dessine peu à peu. Porté par un timbre suave, feutré et des doigts d'orfèvre. Le toucher est sensible, délicat, élégant, aérien. D'une grâce fragile et enchanteresse. Cette sobriété dans l'interprétation sied à merveille aux thèmes d'amour et de tolérance abordés par le compositeur. De même qu'aux nombreux hommages rendus aux grands maîtres de la musique brésilienne (Joao Gilberto, Caetano Veloso...). Des classiques que Gilberto Gil épure à l'extrême en récusant toute superficialité, tout artifice. Samba et Bossa Nova s'affichent dans un dépouillement total. Ainsi dénudées, leur authenticité et leur raffinement n'en est que plus manifestes.

Comme souvent chez les musiciens voyageurs ou exilés (pour des raisons politiques, celui qui deviendra ironiquement ministre de la culture du Brésil, sous la présidence de Lula, avait du fuir son pays à la fin des années 60), les chansons sont teintées de nostalgie, de mélancolie. Un sentiment que les Brésiliens nomment Saudade. Terme renvoyant à la présence de l'absence. Mais le soleil et l'azur étant eux omniprésents, cette nostalgie n'est jamais triste. L'air reste léger. L'ambiance lumineuse. Une langueur bienveillante dont le public se repaît avec délice. Jusqu'à une standing ovation des plus méritées.

Une soirée de maître. Tout simplement.

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