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Grandaddy + Amber Arcades à l’Aéronef

Il y a sûrement peu d'artistes qui furent autrefois juristes au Tribunal International des Nations Unies. Pourtant telle était la vie antérieure de la néerlandaise Annelotte De Graaf qui, depuis, a troqué ses livres de droit contre une guitare électrique et une carrière de chanteuse sous le joli nom d'Amber Arcades. Un parcours atypique pour une musique qui l'est malheureusement beaucoup moins.

Ouvrant la soirée devant un public encore clairsemé, l'hollandaise a du mal à convaincre et à faire monter sa sauce. Distillant une musique exagérément aérienne, Amber Arcades reste en effet prisonnière du registre essoré d'une Pop downtempo qui se veut rêveuse et atmosphérique. Et des canons établis par des artistes telles que Broadcast, Beth Orton ou Bat For Lashes.

Le fil est tenu entre ambiance mélancolique et ennui profond. Et sur scène, Amber Arcades s'avère une bien piètre équilibriste. Mille fois entendue, mille fois endurée, sa musique peine autant à décoller qu'à saisir l'attention. Le groupe manque de dynamique et d'éclat. Les compositions, trop linéaires et évasives, confondent langueur et torpeur, lenteur et monotonie, sensualité et consensualité. Sans relief, elles se révèlent incapables d'établir le moindre climat. Et si le brin de voix est certes plaisant, le chant, maniéré et faussement fragile, se montre beaucoup trop désincarné pour pouvoir charmer. Bref, on baille aux corneilles...

C'est avec beaucoup d'émotion et une certaine nostalgie que l'on voit apparaître en fond de scène le nom du groupe Grandaddy. Parce que l'on se souvient que c'est dans cette même salle que le groupe avait donné son premier concert lillois. En 1998, déjà. Et aussi parce que l'on est tout simplement heureux de pouvoir retrouver une formation aussi brillante, ayant profondément marqué de son empreinte les années 2000. Épuisé par des tournées et des albums qui n'étaient injustement pas assez rémunérateurs, le quintette s'était malheureusement séparé en 2006. Depuis, on se consolait en ne ratant aucun des rendez-vous donnés par son génial frontman, Jason Lytle, venu au Grand Mix pour présenter son deuxième album solo ou au Théâtre Sébastopol pour rendre hommage à son ami, le regretté Elliot Smith, au sein du magnifique projet Color Bars Experience.

Réactivé en 2012 pour une poignée de concerts dans des festivals d'été, c'est avec l'acclamé et inespéré 'Last Stand', sorti au mois de mars, que Grandaddy fait son grand retour à L'Aéronef. Entamant leur set sur l'instrumental 'Under The The Western Freeway', les cinq musiciens californiens reprennent le plus naturellement du monde une histoire laissée en suspens. Effaçant instantanément les années d'absence. Comme une amitié qui renaît de ses cendres. Bien évidemment, sur scène, comme dans la salle, les visages ont quelque peu vieilli, les barbes sont désormais grisonnantes et les silhouettes moins émaciées. Mais la magie dégagée par le groupe, elle, est intacte. Une magie indescriptible. Qui défie l'entendement. Car l'âge n'arrangeant rien à l'affaire, Jason Lytle et ses acolytes sont ce qu'il y a de plus éloigné de l'imagerie glamour que l'on peut donner, souvent à tort ou péjorativement, à la musique Rock. N'incarnant en rien des bêtes de scène extraordinaires, ils restent, avec leurs bobines de routier ou d'ouvrier agricole fan de base-ball, de drôles de zèbres totalement dénués de charisme. Des tue-l'amour donnant l'impression d'être mal à l'aise sur une scène. Totalement placides. Bourrus. Peu communicatifs. Avec un jeu de scène inexistant.

Loin de tout barouf, le groupe joue la carte de la sobriété et du minimalisme. Ne s'accorde qu'une seule coquetterie. Un écran qui projette des vidéos exprimant ses obsessions. Avec des images super 8 de chemins de fer solitaires, de rues américaines inquiétantes ou de vastes étendues naturelles et désertiques. Marquant une volonté délibérée de ne pas attirer le regard et de rester dans l'ombre d'une musique dont l'identité reste parfaitement reconnaissable. Un Rock touchant et naïf entremêlant guitares rugueuses et vieux synthétiseurs. N'ayant rien perdu de sa superbe, Grandaddy déroule un set sans accroc et plein de maîtrise qui n'a pas manqué de ramener de vieux souvenirs, titres phares à l'appui: 'Hewlett's Daughter', 'The Crystal Lake', 'Levitz', 'AM 180', le mythique 'He's Simple, He's Dumb, He's The Pilot' qui a imposé un silence quasi-religieux dans la salle. Le morceau restant un Everest infranchissable.

Les nouvelles chansons, elles, sont révélatrices d'une inspiration toujours intacte : le single 'Way We Won't', 'I Don't Wanna Live Here Anymore', 'The Boat Is In The Barn', le futur classique 'Evermore'... Bien qu'effacé derrière sa musique, le groupe n'en est pas moins envoûtant. Sachant, sans se forcer, créer une véritable proximité avec son auditoire. Car, comme le diable, le génie chez Grandaddy se cache dans les détails. Cette manière bien particulière d'allier la simplicité d'une mélodie à la complexité d'une émotion. Un mélange qui s'opère grâce à la voix sensible et fragile, toujours sur le fil du rasoir de Jason Lytle, évoquant fortement celle d'un Neil Young jeune. Mais aussi à la beauté de l'orchestration. Cette superposition minutieuse et délicate de claviers vintage, aux sonorités parfois anachroniques, et de bidouillages électroniques discrets à des guitares, qui se font tour à tour lancinantes ou incisives, et une batterie sachant toujours donner du coffre au bon moment. Faisant de ces musiciens de dignes héritiers des Beach Boys ou d'Electric Light Orchetra, mais en version Lo-Fi.

Si les années ont passé et que les come-backs ne sont pas toujours de bonnes idées (qui a dit Pixies ?), la soirée a permis de constater avec bonheur que le Grandaddy, lui, n'a pas eu le temps de vieillir. Qu'il se porte toujours aussi merveilleusement bien. Espérons donc, après ce très beau retour, que l'histoire soit relancée pour longtemps. Très très longtemps.

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