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Habib Koité et Eric Bibb + Malted Milk au Métaphone

Lorsque Habib Koité arrive sur scène avec son percussionniste et Eric Bibb, nous sommes immédiatement plongés dans ce que nous préférons dans la musique : la mixité, l'échange, l'amitié. Entre ce Malien de Bamako et cet Américain de New York, entre ce bluesman classique et acoustique et ce griot moderne, une fraternité réelle, construite de longue date, loin des haines continentales, raciales... et des armes. Nous nous sentions protégés, choyés, bercés par la précision folle du jeu de Koité et le feeling bluesy et volontairement traînant de Bibb. Nous étions dans l'enceinte d'une de nos salles préférées, une salle où tout est possible, ou tout est joli. Habib Koité racontait des anecdotes extrêmement drôles, la quête éperdue d'un plat, un soir de tournée, à Los Angeles et la rencontre incongrue d'un restaurateur belge qui leur fait des belgium fries par sympathie, la révélation pour une américaine de l'existence réelle de Tombouctou, qu'elle croyait être une ville aussi imaginaire que Pétaouchnok.

C'était fantastique, magnifique de toucher, les cordes claquaient, l'écoute était exceptionnelle et Habib en remerciait le public. La musique était totalement incarnée, totalement virtuose et simple en même temps, loin de tout boucan cache misère. On entendait les doigts glisser sur les cordes, Going down the feeling road feeling bad n'était pas encore un présage et Friday the 13 th n'était encore qu'un album live des Stranglers. Les portables ne captaient pas près de la scène. Le trio jouait à Oignies, on attendait Malted Milk, Le Grand Mix faisait son festival, Les Eagles of death metal régalaient leur public au Bataclan. Des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, des blancs, des noirs, unis, Bamako Brothers. Et toujours pas de réseau. Eric Bibb annonce alors une prière, Send us brighter days, chantée en anglais et en français, magnifique, on tutoyait les anges, on avait les larmes aux yeux, on frissonnait pour de vrai. On se disait qu'il y avait peu de communions plus réelles que celle-là, à l'heure ou d'aucuns nous promettent des lendemains crispés, régionalistes au pire sens du terme, on en profitait. On ne vérifiait même plus si on avait du réseau. Le jour brillait encore. Le ciel était bleu, on se baignait dans le Mississipi autant que dans le lac Nabi. 

Le temps d'aller boire une bière extrêmement locale pour seule concession au régionalisme, on était reparti sur des rivages soul blues avec l'incroyable gang de Nantes, Malted Milk, encore une histoire de mélange. C'est immédiatement très impressionnant et une illusion d'optique temporaire nous laisse croire que les Dap Kings sont sur scène, tant c'est en place, funky, syncopé, chaleureux et groovy. Si ce n'est pas totalement justifié musicalement, c'est juste que pour situer le niveau de ce qu'on a vu hier soir, ça peut aider. C'est dire.  Et ce n'est pas terminé, on pensera aussi aux fantastiques Meters et à ce groove unique, celui de la Nouvelle Orléans, à cette manière reconnaissable entre mille de conduire le beat, de le tenir au chaud, très serré, rendant impossible toute immobilité, on bouge forcément comme quand Zigaboo Modeliste tenait les fûts pour les Meters. Toni Green n'est pas là ce soir mais ça ne donne qu'une envie, les voir et les revoir avec elle. Ça claque comme chez Buddy Guy, le clavier assure une pulsion chaude et continue, la main gauche en ballade permanente pour groover, comme le Ian McLagan des immenses Small Faces. La Setlist est impeccable. Les cuivres sont rutilants, le bassiste vient nous rappeler ce que c'est qu'une pulsation rythmique. On termine à fond sur Doin the Dirt... 

On se dirige vers la sortie, heureux.

Petite lueur dans la poche, un blanc bleu qu'on connaît bien, le réseau nous rattrape. Message d'un ami anglais avec qui on est allé au Bataclan, où on a des souvenirs de rencontres folles avec Paul Weller, là où on a mangé tranquillement avec François Long : "Crazy news from Paris. Are you safe ?".

Stupéfaction, refus de comprendre, visages blêmes de ceux qui savaient, dehors. Nuit d'horreur, localisation maniaque des amis comme si notre recherche allait les sauver. La soirée soul se termine sur un tout autre titre.

Send us brighter days, send us blue sky, envoyez nous des jours meilleurs, envoyez nous des ciels bleus... des chemins de paix...

  1. O.Galan

    Merci pour votre très bel article. L'humanité, la liberté, l'ouverture de ces artistes, détonnent tellement en ces périodes troubles et c'est pour cela que nous les accueillons...

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