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Jacco Gardner à la Péniche

En attendant l’apparition de Jacco Gardner sur la plus barge des péniches du Nord, ornée d’une marelle sur son sol, on se demandait quelle mouche pique ce qu’on appelle rapidement la musique rock. Vampire en manque de sang frais, elle se nourrit aux veines gorgées de son illustre passé. La bande son d'accueil était plus qu’éloquente : Le Pink Floyd de Lucifer Sam, Le Velvet de All tomorrow's parties, Little Ann avec son Who are you trying to fool ? et même l’incroyable Summer of love des Fresh and onlys. Jacco Gardner, tee shirt marin pour coller au lieu, pantalon de velours mille raies bordeaux et Clarks aux pieds semble effectivement sortir de Carnaby Street et du Swinging London. Sa musique évoque de fait de nombreux amoureux de la petite symphonie au format pop et les références ont plu dès l’apparition du très soyeux « Cabinet of curiosities ». Les critiques se sont emparés de l’objet pour y entrevoir les fantômes des Zombies, de Syd Barrett, Harper’s Bizarre, Tame Impala et plus généralement de toute formation de la mouvance psychédélique.

Jacco Gardner
porte donc un lourd héritage sur ses jeunes épaules. Et si on oubliait tout ? Et si on se contentait d’une bien belle et pour une fois salvatrice inculture totale ? Et si on admettait enfin une fois et pour toutes que le serpent pop se mord définitivement la queue et qu’aucune œuvre ne tombe du ciel de l’Art pur tel un météore inédit ? Ne reprochons pas à Jacco Gardner et à sa pop de chambre ce qu’on encense pour la soul « vintage » quand Lee Fields, Charles Bradley, Nicole Willis et Sharon Jones montent sur scène. On peut profiter du disque et donc du live, sans arriver bardé de diplômes imaginaires en musicologie, on peut admettre tout autant que l’hommage qui frôle le pastiche échappe à qui ne connaît pas les références de Jacco Gardner.

 

  

Restait le défi du live après un disque aussi bariolé, patiemment produit et artistiquement coloré, au demi-ton et à la nuance près.
On pouvait craindre une simplification réductrice de la potion savamment élaborée dans le laboratoire pop de l’esthète hollandais. Seulement voilà…L’incroyable force de Gardner et de ses jaccolytes est de croire obstinément et très visiblement dans leur musique, servis par leur propre ingénieur du son qui élabora un son cristallin et étagé. Sans que l’ensemble ne devienne synthétique, le groupe restitue les subtilités inouïes de l’album. La section rythmique (Jos Van Tol on drums, Jasper Verlhulst on Bass) enrobe ces délicatesses et donne une belle élasticité dynamique à l’ensemble, on sait panacher le jeu à l’ancienne, la basse collée à la grosse caisse, et de très présentes réminiscences de la face 2 d’Abbey Road tant on pense à Paul McCartney dans cette manière d’étouffer la note de basse dès qu’elle est jouée. Le guitariste, Keez Groenteman, égrène les notes fines et arpège sans cesse pour colorier les nuances de la musique proposée.

Habitués aux petites scènes, les musiciens s’en accommodent et jouent comme on devrait toujours le faire : ensemble, serrés, soudés. Jacco campe derrière le synthétiseur, souvent penché de manière à trouver un abri salutaire derrière un chapeau à larges bords. A des airs d’adolescents heureux et encore surpris d’être là s’ajoute une réelle fraîcheur, celle que l’on peine parfois à retrouver après 12 tournées mondiales. Le rêve est encore là, réunir 100 personnes un soir orageux de juillet reste un vrai bonheur et les musiciens en semblent parfaitement conscients, comme très souvent à La Péniche d’ailleurs. Le lieu génère d'excellents concerts, engagés et intimistes.

Le chant est intégré au mix général, comme un instrument. C’est le meilleur moment du concert, plus besoin de fines références et de révisions dans la grande encyclopédie : la musique qui se joue devant nous se suffit, peut suffire, doit suffire et Jacco sourit très largement à l’accueil du morceau phare. Ce qui s’est joué ce soir n’a pas besoin de lettres de recommandations issues du passé et dépasse le simple recyclage. C’est tout le pari réussi : sortir de la référence, oublier les révérences, et exister pour soi, passer du paysage musical daté à l’intemporel. Autre écueil soigneusement évité par ce concert, la surenchère, sucrée ou baroque, justement. Après tout, nous avons vu ce que nous étions venus voir, l’étalage discret et aérien d’une collection d’objets Hétéroclites et inédits dans la chambre merveilleuse du cabinet de curiosités de ce jeune dandy hollandais. Céleste et aérien au point de reprendre parfois les Skywalkers, son groupe précédent…Walking on the (dark side of the) moon ? Sans doute mais de retour au Grand Mix avec Valerie June et Lucius dès le 8 Novembre
(La location est ouverte, c'est ici.

 

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