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Jagwar Ma + Beau Fun au Grand Mix

Entre phénomène de l’été, « promis à l'immensité » (les Inrocks, juin 2013) ou petit groupe aux tics anglophiles à la durée de vie plus qu’anecdotique, on ne savait pas trop où en seraient les Australiens de Jagwar Ma un peu moins d’un an après la sortie de leur premier album. En ce dimanche 25 mai, c’est au Grand Mix qu’on les retrouve et en tête d’affiche. Car oui, Jagwar Ma a passé sans difficultés le cap de l’été. On en a beaucoup entendu parler, autour d’une bière avec des amis aux références musicales sûres, en lisant des critiques plus laudatives les unes que les autres, en admirant le nombre de scènes qu’ils ont écumées. On se devait donc de prêter une oreille attentive mais méfiante à un groupe en passe d’atteindre le sommet de la Hype.

A la première écoute de leur album Howlin’, on serait en droit de penser que l’album n’est qu’une pâle version réchauffée des grandes heures du psychédélisme mancunien de la fin des années 1980. Mais Jagwar Ma, c’est bien plus que ça. Entre rock à guitare à la Kinks, groove dance et refrains pop fédérateurs à la Beach Boys, les Australiens sont allés plus loin que le Madchester des Happy Mondays et des Stone Roses. A New-York peut-être ? A Chicago ? En Californie même ? A savoir où nous serons transportés ce soir…

Mais avant de retrouver l’ambiance de nos années baggy, c’est Beau Fun, le nouveau projet du Lillois Sylvain Przybylski (ex-Curry & Coco) que nous attendions de découvrir ce soir. Encore discret, mais déjà avec quelques belles dates à son actif, Beau Fun nous a régalé d’une pop solaire mais travaillée, sexy mais contrastée, décontractée mais furieusement intelligente. De quoi vriller en hula hoops toqués et nous faire oublier qu’on est venus voir Jagwar Ma… enfin presque.

19h40, la salle s’assombrit, les basses résonnent, les cris d’un public déjà conquis retentissent quand Jono Ma déboule sur scène lançant les synthés démentiels de What love, nous faisant presque oublier les premiers résultats des élections européennes. Puis le chanteur et guitariste Gabriel Winterfield fait son entrée, en tenue de circonstance, baggy, casquette et cheveux sales, à l’image de la pochette de l’album, pour cette très acide introduction. Le groupe enchaîne sur la mélodie implacable d’Uncertainty, suivi de l’efficace Man I need dub et des percussions presque tribales d’Exercice.

Les nappes synthétiques, les basses dub et les effets de voix rendent l’atmosphère plus planante que jamais. On regrettera toutefois que le parti pris très électro du live étouffe quelque peu les harmonies dissidentes et nerveuses des guitares. Les Stones Roses galantisent dangereusement avec les Chemical Brothers ce soir. On est donc contents de retrouver la pop colorée 60’s de Let Her go, ça chante à l’unisson, ça danse frénétiquement, ça suinte malgré un jeu de scène plutôt discret. Mais quand le bassiste se met à sauter en rythme, on se débride ! Et ça continue sur le tubulaire et tubesque Come Save Me qui n’est pas sans nous rappeler la pop débridée de Django Django. La bassline fougueuse nous donne encore plus envie de nous remuer et nous fait oublier les faiblesses vocales du chanteur, toujours à la limite de la justesse, violentant ses cordes vocales ou se mussant derrière des delays pour faire comme si de rien n’était.

Il se décide finalement à dire quelques mots, remerciant le public et la salle avec une timidité presque naïve mais tellement touchante ; « It’s so amazing to be here ». Pas étonnant, pour un groupe qui réunit à sa façon cinquante ans de musique en neuf morceaux, quelle salle choisir sinon le Grand Mix ? Puis l’obsédant « Four » résonne, convertissant la liesse mancunienne à la liturgie dancefloor qui a tant fait danser l’Underground berlinois. Et c’est tout ce qui rend Jagwar Ma intéressant, ce don de passer du kitsch au capiteux, du psyché au rythmé avec une facilité déconcertante presque exaspérante.

Le concert touche à sa fin, les Australiens ne nous laisseront tout de même pas partir sans l’addictif « The Throw », premier single de l’album, liquéfiant littéralement les premiers rangs avant d’enchaîner sur un des titres les plus psyché de l’album, That Loneliness, où l’on retrouve l’esprit de leurs Compatriotes Tame Impala en plus juvénile. Un rappel extatique qui leur permet de zinguer une dernière fois leurs boites à rythmes et de refaire la déco du Grand Mix, au lance-pierre.

Violence rock, pop sémillante, rythmes 60’s ou hédonisme dance, l’équilibre des saveurs qui nous avait tant ravis sur Howlin’ n’était ce soir, pas totalement au rendez-vous. Le parti pris du plus électro - plus dance a certes donné une nouvelle dimension à l’album, plus dans l’air du temps, mais a quelque peu minoré le génie du groupe ; des tubes en apparence sans grande prise de risques mais qui renferment d’incalculables idées de production tant rétros que futuristes, d’habiles subterfuges jamais ronflants, dans un joyeux gloubi-boulga finalement plus digeste que le live.
L’album était gavé de fantasmes, le live un peu moins. Ils ont toutefois tenu une de leurs promesses, celle de nous faire croire que dimanche soir c’est vendredi soir et lundi matin c’est doliprane et pas jus d’orange. On en redemande.

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