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Jamie Lidell au Splendid – Ground Zero

Un engouement critique n'est pas toujours signe d'un emballement du public. Alors que son dernier album Compass bénéficie de critiques dithyrambiques, le Splendid a bien du mal à se remplir pour la venue de Jamie Lidell, artiste britannique adepte d'une neo-soul atypique où les machines ont leur mot à dire. La salle est aux trois-quarts vide. Étonnant lorsque l'on sait que le concert précédent de Jamie Lidell au Grand Mix au mois de novembre 2008 affichait complet. Le public aurait-il été déconcerté par le dernier opus de l'anglais qui, après le classicisme Soul du merveilleux Jim invoquant l'esprit du Stevie Wonder du début des années soixante-dix, revient aux bricolages électroniques qui lui sont chers? N'oublions pas que l'artiste est une des signatures du fameux label WARP, grand pourvoyeur de musiques synthétiques (Flying Lotus, Aphex Twin, Squarepusher, Hudson Mowhawke...).

C'est cette signature qui explique sûrement la présence de Krikor, musicien electro français, en première partie. Un choix peu judicieux avec un set d'un peu plus d'une demi-heure qui laisse perplexe et visuellement inintéressant. Aussi fascinant à regarder que le spectacle d'un enfant autiste tentant de faire rentrer des carrés dans des ronds. De la musique expérimentale, ni dansante, ni planante, accumulant les pires clichés du genre (et vlan que je te mets un petit vrombissement, et maintenant des petits bip bip auxquels je rajoute des son aigus que je reverbère...). Cela se veut avant-gardiste mais ne raconte aucune histoire, ne dégage aucune émotion, n'est nullement structuré... Dans un public déjà bien clairsemé, certains préfèrent s'en jeter une au bar, prenant leur mal en patience.

Dans un jeu de lumières d'un bleu intense, Jamie Lidell et ses musiciens apparaissent, tels des ombres chinoises, devant une toile dorée dressée au fond de la scène, et entament le morceau titre du dernier album, « Compass ». Une chanson pop, superbe dans sa version studio avec ses cordes à la Ennio Morricone, interprétée ici de manière quasi-religieuse, chantée tel un gospel. Mais l'émotion n'est pas au rendez-vous. Et ne le sera, malheureusement, jamais.

Il serait stupide de reprocher quoi que ce soit au chanteur, au timbre de voix sucré et agréable, faisant preuve d'une réelle énergie, tapant sur scène, avec ses baguettes, sur tout ce qui lui tombe sur la main, dansant, tapant des mains, improvisant des numéros de Human Beat Boxing, échantillonnant en direct pistes de chants et percussions buccales. Mais tout semble trop décousu et le concert est bien trop hésitant. La volonté de créer une musique hybride naviguant entre Pop, Electro, Soul et Funk ne crée qu'un résultat en demi-teinte. Cela ressemble parfois à du Beck (qui a participé au dernier album, avec entre autres Gonzales ou Feist) qui s'essaie à la Disco Electro branchouille mais sonne trop souvent comme de l'Easy-Listening. On ne retrouve nullement la chaleur et l'âme de la musique Soul, l'érotisme dansant de la Funk ou la sensibilité Pop que l'on perçoit dans les albums. « It's A Kiss », « Completely Exposed », « I Wanna Be Your Telephone », réarrangés à l'occasion du live, s'écoutent avec un intérêt poli. « Enough Is Enough », à l'origine idéal pour se déhancher, perd de sa superbe. Seuls les tubes « Another Day », repris en choeur par le public, et « Multiply », joué pour le rappel, amènent un semblant d'émotion.

La faute à un son catastrophique privilégiant les aigus et où les basses étaient difficilement perceptibles (un comble quand on se frotte à la musique Black), des sonorités désuètes rappelant l'enfer des années 80 et donnant l'impression d'assister à un concert de Darryl Hall And John Oates. On est loin de la modernité dont fait preuve Jamie Lidell sur son dernier album. Mais le gros point noir de la soirée reste le groupe médiocre (à l'exception de l'improbable claviériste, chauve aux cheveux longs et à la dégaine très seventies) qui accompagne le britannique, ne montrant aucun charisme et aucune complicité avec le chanteur. Les solos de guitare manquent cruellement de force, le bassiste de groove et le batteur, au jeu extrêmement basique, de feeling et de technique.

On savait, par les critiques, que Jamie Lidell, en live, était inégal, capable du meilleur (des shows transformés en tourbillon de funk blanc) comme du pire (des concerts expérimentaux et froids). Aucun de ces deux cas de figure ce soir à Lille. Juste un concert plat dont on ressort avec la désagréable et tenace impression d'être passé à côté de quelque chose de bien meilleur et de plus ambitieux, plus en accord avec le travail effectué en studio.

 

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