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John Butler Trio + Brett Dennen à l’Aéronef

L'air de rien, c'est une belle relation de complicité qui s'est construite entre le public lillois et le John Butler Trio. Une histoire qui a commencé quelque peu sur le tard. Avec le troisième album de l'Australien, Sunrise Over Sea. Le disque de la consécration. Voyant enfin l'artiste acquérir une notoriété dépassant largement les frontières de son pays.

La première rencontre eut lieu un soir d'automne 2005. Au Grand Mix de Tourcoing. Et depuis, au gré de ses albums et de son succès grandissant, John Butler n'a jamais boudé la métropole. Après deux Zénith consécutifs (en 2008 et en 2010), c'est à L'Aéronef (dont il avait déjà foulé les planches en 2007) qu'il est venu, cette fois-ci, poser ses multiples guitares pour présenter live son petit dernier, Flesh And Blood. Une nouvelle fois, le public est au rendez-vous. Les places se sont arrachées comme des petits pains et le concert affiche sold-out depuis plusieurs semaines. Signe d'une indéniable fidélité et popularité.

Le public est hétérogène et hétéroclite. Des Lillois. Des Belges. Des fans de la première heure. Des aficionados. Des curieux. Des jeunes. Des beaucoup moins jeunes. Des babacools rastas attirés par le discours écologique et alter-mondialiste de l'artiste. Des VRP en costard tout juste sortis du bureau. Des vieux briscards mélomanes séduits par le jeu de guitare du musicien. L'ambiance est bon enfant... Mais l'impatience est palpable et se fait entendre...

Difficile alors pour Brett Dennen, jeune artiste Californien, déjà auteur de cinq albums, de s'imposer avec son set intimiste à deux guitares. Sa Pop-Folk est loin d'être désagréable. Des mélodies pleines de miel, délicieusement sucrées, gorgées de soleil aux harmonies simples, douces et efficaces. De la joliesse enfantine dans le timbre de voix. On pense par instants à Jack Johnson. Des chansons qui donnent envie de se retrouver autour d'un feu de camp sur une plage de sable fin, en comité restreint. Et qui donc ont du mal à trouver leur place devant une assemblée de 2000 personnes. Not the right place. Not the right time. Dommage...

21 heures. Les lumières s'éteignent. On siffle de joie. L'excitation du public est à son comble. L'heure de la « Revolution » a enfin sonné. Mais pas d'entrée flashy. Aucune violence anarchiste. Seulement trois musiciens robustes et humbles qui prennent sagement place sur scène. Sous un torrent d'applaudissements.

La chanson « Revolution », premier titre de l'album « April Uprising », débute donc le concert. Une ouverture douce, avec des paroles chuchotées d'une voix soyeuse, qui gagne en puissance avec sa construction paroxystique. Une entrée en matière permettant de juger du talent fou des deux acolytes de John Butler : le bassiste Byron Luiters (déjà présent lors de la tournée précédente) et derrière les fûts, le nouveau venu Grant Gerathy. Les fans sont habitués : le format jam band du trio implique pour l'Australien un changement régulier des musiciens qui l'accompagnent. Histoire de toujours conserver une certaine fraîcheur et de ne pas s'enfermer dans des collaborations qui lui sembleraient à la longue routinières.

Sans reprendre son souffle, le groupe enchaîne sur le plus optimiste « I Used To Get High ». Le rythme de la soirée est donné. Peu de répit entre les chansons. On prend juste le temps de changer d'instrument, de troquer sa guitare contre un banjo ou sa basse contre un clavier... Intelligemment, la set-list revient sur une discographie riche de six albums I'D Do Anything », « Pickapart », « Better than », « Don't Wanna See Your Face », « Zebra », « Funky Tonight »...) tout en se concentrant essentiellement sur le dernier-né (« Cold Wind », « Spring to Come », « Only One », « Devil Woman », « Blame It On Me », « How Do You Sleep At Night », « Livin' In the City »...).

Un tour de force où chaque chanson est brillamment réinventée, réarrangée pour apparaître sous un nouveau jour. Le meilleur exemple, « Ocean », longue pièce instrumentale jouée sur une 11 cordes, toujours interprétée de manière différente car laissant à chaque fois une grande place à l'improvisation. Maître du finger-picking, du slide ou encore des percussions guitaristiques, taquinant aussi bien le dobro, la Telecaster, le banjo ou la guitare acoustique, qu'il utilise alternativement de manière conventionnelle ou avec des pédales et un ampli Marshall pour lui donner un côté électrique, John Butler fait preuve en concert d'une virtuosité estomaquante.

Mais celle-ci est presque secondaire. Car en mêlant au fil des morceaux des riffs ravageurs à des mélopées intimistes, ce qui transparait principalement c'est l'attachement profond du musicien à un certain héritage Folk, Blues et Country qu'il revisite en explorant d'autres courants musicaux comme le Funk ou le Reggae, dans un harmonieux mariage de respect des traditions et d'émulation artistique. A la manière du Eric Clapton des 70's ou de Ben Harper, à qui on l'a souvent comparé à ses débuts.

La musique du JBT possède ampleur et relief. Elle respire, elle vit, elle cogne. Tout en sachant se faire plus tendre. Révèle une aisance que des musiciens de Rock n'acquièrent que sur scène et pas ailleurs. Musicalement, le spectacle est réjouissant. Humainement également. De par sa jovialité, son énergie et sa générosité, le trio inspire le respect. Nul syndrome du musicien-fonctionnaire jouant soir après soir le même set sans aucune passion. Encore une fois, les fans de la première heure ressortent ravis, Les novices, eux, sont conquis.

Le lien de complicité qui unit le groupe à son public n'est pas prêt d'être ébranlé.

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