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John Butler Trio & Robert Francis au Zénith

This is a public service announcement. Non, il ne s'agit pas de la célèbre intro de l'album Combat Rock des Clash. Simplement d'un avertissement. Par souci d'honnêteté, l'auteur de ces lignes se doit de vous avouer qu'il aime courir nu enduit de yaourt nature dans les bois les nuits de pleine lune en chantant des comptines autrichiennes... Euh, non... Ça, on va le garder pour le psy... La confession est tout autre. Votre serviteur se doit de vous avouer qu'il... qu'il est... qu'il est un... fan pur et dur de John Butler. Du genre à attendre en se rongeant frénétiquement les ongles la sortie de ses albums, à piétiner d'impatience à l'annonce des concerts de l'artiste dans la région, à se ruer directement sur le stand merchandising en entrant dans la salle quand le grand soir arrive finalement, à casser les pieds de ses amis avec les disques de son idole... Cette chronique pourra donc paraître douteuse, suspecte, subjective, pleine de parti-pris... Et pourtant, et pourtant... Tous ceux ayant eu la chance d'assister au concert du grand John ce 1er mai 2010 au Zénith de Lille pourront témoigner à mon procès que je ne dis que la simple vérité.

Cependant, la soirée débuta par une déception. Le Zénith était loin d'afficher complet. Malgré le succès mondial que peut rencontrer l'australien et sa réputation de show-man, seule la fosse accueillera les spectateurs. Faute de public, les gradins ne seront pas ouverts. Étonnant lorsque l'on sait que son frère spirituel américain Ben Harper, avec qui on peut faire de nombreux rapprochements, tant humains que musicaux, avec John Butler, a rempli deux fois cette grande salle lilloise. Les amateurs de concerts économiseraient-ils pour pouvoir s'offrir les tickets d'entrée, de plus en plus onéreux au fil des ans, des grands festivals estivaux (Werchter, Main Square, Belfort...)? Mais, très vite, la déception s'amenuise car on se rend compte que l'on est entre gens de bonne compagnie. L'assemblée est constituée de fans et cela se ressent fortement. La joie d'être présent ce soir-là (qui représente en fait la dernière date de la tournée européenne du groupe) est palpable, des sourires se lisent sur tous les visages et l'impatience grimpe peu à peu.

Dur dans ces conditions pour Robert Francis d'assurer la première partie. Mais fort d'un second album, Before Nightfall, qui, grâce au bouche à oreilles, fonctionne très bien, contrairement au premier, One By One, qui malgré d'excellentes critiques n'eut qu'un succès confidentiel, l'américain s'en sort avec brio, ce qui n'est pas une mince affaire. Les réactions du public confirment tout le bien que l'on peut penser de son album. La voix chaude de ce beau gosse viril à la chemise de bûcheron, dont le physique rappelle à la fois le regretté Patrick Deware et Emir Kusturica, conquiert immédiatement nos oreilles de même que ses compositions renvoyant à ce que l'Americana a de mieux à offrir, nous faisant penser à Ryan Adams (attention, je dis bien Ryan, pas Bryan, le blaireau canadien qui nous a cassé les oreilles avec son Robin Des Bois d'« I Do It For You »), à Jesse Malin voire Bruce Springsteen, comparaison plus qu'honorable. Son dernier single, le très beau et sombre « Junebug », sera même accueilli avec un tonnerre d'applaudissements. Une fois n'est pas coutume, on jugera la première partie trop courte (la prestation ne comportera que cinq morceaux). A la fin du set, le prénom Robert sera ainsi scandé par le public. Nul doute qu'avec sa belle gueule, sa voix impeccable, son jeu de guitare électrique, ses compositions Rock (en fait, quelque part, il est énervant ce mec!), Robert Francis a toutes les cartes en mains pour faire une belle carrière.

20H55 se lit sur nos montres quand John Butler et ses acolytes montent sur scène. Le concert débute par « I Used To Get High » de l'album Grand National. Morceau on ne peut plus judicieux. En effet, les spectateurs auront l'impression de planer et de ne plus toucher le sol tout le long de cette prestation, parfaite de bout en bout. Une crainte se dissipe très vite. Crainte inspirée par le changement de line-up récent (comme, encore lui, Ben Harper jouant désormais avec les Relentless 7 et non plus les Innocent Criminals) de l'australien qui n'est plus accompagné par Michael Barker (considéré en Australie comme le meilleur batteur de l'histoire du pays, et qui a vu le gaillard sur scène sait que cette réputation n'est fortuite) et Shannon Birchall à la basse, véritables bêtes de scène. Le bassiste et contre-bassiste Byron Luiters (qui jouera également du didgeridoo) et le batteur Nicky Bomba se révèlent être excellents, véritable euphémisme devant l'étendue de leurs talents. Le nom du batteur se justifie d'ailleurs pleinement car, comme dirait notre ami Joey Starr: « Nicky Bomba, c'est de la bombe, baby! »

La set-list est irréprochable. Elle pioche allègrement dans les anciens albums (« Treat Yo Mama », « Company Sin », « Betterman », « Zebra », « Better Than »..., la liste est trop longue pour citer tous les morceaux) et dans les chansons du dernier album en date April Uprising (« One Way Road », qui donne son nom à cette tournée, « C'Mon Now », « I'Do Anything », « Close To you » ...) et offre une reprise de « Across the Universe » des Beatles jouée avec Robert Francis. L'artiste prend le temps de présenter ses textes, de raconter le contexte dans lequel ils ont été écrits. Ainsi explique-t-il avec humour que « Take Me » est une supplique amoureuse, le genre de celle que l'on fait avec insistance après avoir trop bu, ou que « Revolution » qui débute le dernier album avec son intro à donner le frisson fait référence à la signification première, au sens étymologique du terme qui signifie un retour à la normale. Écologiste et militant politique convaincu, il en profite pour transmettre des messages de paix et d'union et ce, sans clichés ni démagogie.

Formidable chanteur, en passant de la guitare acoustique, à l'electro-acoustique, à la guitare électrique, à la 11 cordes, au banjo, au dobro, John Butler prouve aussi, une nouvelle fois, quel merveilleux instrumentiste il peut être. Particulièrement dans ce passage acoustique, où seul sur scène, il interprète «  Peaches & Cream », émouvante chanson composée pour sa fille, et, surtout, « Ocean », long instrumental de plus de 10 minutes jouée sur une 11 cordes, variant à chaque interprétation, ode à la nature vous donnant la chair de poule et que de nombreux apprentis guitaristes, à l'instar du « Starway To Heaven » de Led Zeppelin, rêvent de savoir jouer. La force de John Butler est d'être un technicien virtuose capable d'offrir de long solos sans jamais être dans la démonstration car ce qui prime, pour lui, c'est la mélodie et l'émotion qui peut en découler. Au contraire de tous ces masturbateurs de manche tel que Steve Vai ou Joe Satriani qui en mettent la plein la vue avec leur technique en gesticulant mais cassent les oreilles en laissant le feeling et la chaleur humaine au vestiaire.

En fait, dans le petit monde des guitaristes, il y a Dieu. Non non, pas le petit barbu soi-disant dans le ciel. Mais le barbu à lunettes britannique à qui les critiques (et les critiques ont toujours raison, surtout moi!) ont donné, à la fin des années soixante, le surnom de God (et qui, il faut le rappeler parce que c'est important, vital même, est en concert avec le grand Steve Winwood le 25 mai à Paris, à Bercy): Éric Clapton. Avec Ben Harper (et oui, encore lui) et Xavier Rudd (formant ainsi avec eux une sainte trinité guitaristique), John Butler est de ceux susceptibles de reprendre le flambeau et de mériter à leur tour ce surnom lourd à porter. D'ailleurs, ces jeunes artistes partagent avec God le même goût de la spiritualité et la volonté de mêler le Blues originel à d'autres mouvements tels que le Reggae, la Folk ou le Country.

Mais l'australien quasi-sosie de Sean Penn (mais si, mettez-lui une petite barbichette pointue et un chapeau, vous verrez...) n'est pas le seul à impressionner car ses musiciens sont au diapason. Nicky « c'est de la bombe, baby » Bomba délivrera un solo de batterie de plus de 10 minutes d'anthologie. Alors que le solo de batterie peut se révéler un exercice ennuyeux à l'écoute, Nicky réussira, par son groove de folie, à faire danser tout le public et, également, à le faire chanter avec lui de nombreuses onomatopées rigolotes ou ce surprenant « Omelette au fromage » faisant rire toute la salle. Se démenant et criant comme un damné, il en perdra même la voix, devant poser ses baguettes quelques secondes pour pouvoir s'humidifier la gorge en buvant un peu d'eau! Byron Luiters ne sera pas en reste avec un solo de basse diaboliquement funky.

Généreux, John Butler et ses comparses joueront 2 heures et 30 minutes. Oui, 2 heures et 30 minutes! Et ce en ayant toujours le sourire aux lèvres. Sourire qui ne quittera pas non plus le visage des spectateurs, conquis par tant de talent, de gentillesse, d'humour et de sincérité. Les plus timides remueront de la tête durant tout le concert tandis que les autres ne cesseront de danser, de sautiller, de jumper, voire de slamer... Un concert de John Butler est décidément une expérience inoubliable que l'on a envie de revivre le plus vite possible et de partager avec des amis qui n'ont pas encore été initiés.

Sachez donc que notre australien préféré participera à quelques festivals l'été prochain (Festival de Poupet à Saint-Malo Du Bois le 21 juillet, le Big Festival de Biarritz le 22 juillet, le Paleo Festival de Nyon en Suisse le 24 juillet, le Cognac Blues Passion à Jarnac le 27 juillet) et sera, à quelques encablures de chez nous, en concert à Anvers, au Olt Rivierenhof, le 28 juillet. A bon entendeur, salut!

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