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KKC Orchestra, Lyre LeTemps & Dub Pistols – Le Père Noël est-il un Rocker ?

Pour bon nombre de français marqués par ce classique du cinéma comique, le Père Noël est une ordure. Mais pour les lillois, il en est tout autrement. Car, sous les cieux de notre région, le Père Noël est un rocker. Et un rocker qui a du cœur !

En effet, sous l’égide de deux associations étudiantes de l’EDHEC, Ad Lib, l’association musicale de cette école de commerce lilloise réputée qui s’occupe de promouvoir l’ouverture musicale au sein de la vie étudiante en organisant des scènes ouvertes dans les bars de la métropole pour promouvoir de jeunes artistes, et Vive Les Vacances, une association caritative s’occupant des enfants des centres sociaux lillois en leur offrant du soutien scolaire et en organisant des sorties tout au long de l’année et une semaine de vacances pour 120 enfants, s’est monté, en 1994, un projet qui s’articule autour d’une idée simple mais aussi lumineuse que les décorations de Noël : organiser un concert où les spectateurs se verraient offrir une place en échange d’un jouet neuf. Ceci afin d’offrir à des enfants défavorisés un Noël comme les autres.

Depuis, cet événement musical, qui prenait place dans différents cafés lillois, a pris de l’ampleur en investissant des salles telles que l’Aéronef ou le Splendid, en faisant intervenir des artistes renommés comme Tryo, Asian Dub Foundation, Luke ou Marcel et son Orchestre et en prenant le nom percutant de « Le Père Noël est-il un rocker ? » Ce succès grandissant et mérité permet ainsi à plus de 20 centres sociaux ainsi qu’à des structures d’aide à l’enfance de la métropole de bénéficier de la générosité des spectateurs du Nord-Pas-de-Calais car comme le chante l’illustre poète Enrico Macias, « les gens du Nord ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors ».

Pour les 15 ans de cette manifestation, c’est donc pas moins de 6 soirées aux univers musicaux divers qui ont été organisées du 23 au 28 novembre 2009. Et cette soirée du jeudi 26 novembre, qui avait lieu au Splendid, était placée sous les auspices du jazz, de l’electro et du reggae. Des auspices malheureusement peu propices à un déplacement massif de spectateurs mélomanes car la salle du Splendid était, montrons-nous optimistes, à moitié remplie avec un public majoritairement (exclusivement ?) composé d’étudiants. Les trentenaires et autres générations semblaient, en effet, avoir déserté la soirée.

Soirée qui débuta avec la prestation d’un jeune groupe toulousain du nom de KKC Orchestra composé de quatre musiciens : Mika à la guitare, Marie (qui est, excusez du peu, premier prix de conservatoire), Aurel aux machines et samplers et Julien au chant et au scratch. Un groupe qui tente d’allier guitare manouche, beats electro, clavier jazzy et textes hip-hop. Et si KKC Orchestra bénéficie d’une aisance certaine sur scène, il n’a que partiellement convaincu le public lillois. La faute à un chant quelque peu faiblard (Julien semblait par moment courir après ses paroles, était-il fatigué par les 10 heures de camion auxquelles il a fait référence ?), à une sono défaillante (il était difficile de comprendre toutes les paroles pourtant chantées en français) et, surtout, à un répertoire musical qui, bien que pétri de bonnes intentions avec sa volonté de faire fusionner différents genres musicaux, rappelle trop celui de groupes confirmés tels que Java et Hocus Pocus et amène à une comparaison inévitable qui défavorise l’impact que ce groupe peut avoir sur le public. On ne serait trop conseiller à ce groupe, toutefois bien sympathique et faisant preuve d’humour entre les morceaux, de se trouver une réelle identité musicale afin de provoquer autre chose qu’une attention polie de l’audience.

La soirée débuta réellement avec l’intervention du groupe strasbourgeois Lyre Le Temps qui, en deux temps trois mouvements, fit remuer les têtes et lever les bras d’une grosse majorité de l’assistance. Sous ce curieux patronyme se cachent 3 musiciens talentueux : Amorphe, DJ, rappeur et instrumentaliste hip-hop, Seconde à la programmation et aux batteries électroniques et Ry’m, chanteur et pianiste qui a l’originalité de tenir son clavier debout, posé sur son épaule, à la manière d’une contre-basse ou d’un violoncelle. Leur univers musical très marqué par la musique noire américaine et la musique jamaïcaine se dévoile à travers un electroclash puissant et énergique invoquant les spectres du jazz, du swing, de la soul, du hip-hop ou encore du rocksteady jamaïcain. Le tout porté par la voix rocailleuse et déchaînée de Ry’m, au timbre proche de celui de Wilson Pickett, capable de reprendre le classique Hit The Road Jack de Ray Charles sans souffrir de la comparaison avec celui que l’on surnommait The Genius. Ces trois blancs-becs, à l’instar des Beastie Boys ou, dans un temps plus lointain, d’Elvis Presley, osent se frotter à la quintessence de la black music pour réussir à se l’approprier et offrir une musique chaleureuse et diablement excitante. Une véritable révélation !!! Il ne fait aucun doute que ce groupe rejoindra la cour des grands et réussira à se faire une place dans la brèche de l’electroclash groovy ouverte par des artistes français comme Wax Tailor, Le Peuple de l’Herbe ou Birdy Nam Nam. Il est d’ailleurs fortement conseillé de se pencher sur leur album Differente Universe ou leur site Internet.

D’autres petits blancs gorgés de musiques noires vinrent conclure les festivités : les Dub Pistols. Ce groupe formé en 1996, auteur de 4 albums joyeux et échevelés, ne pratique pas, comme son nom pourrait l’indiquer, le dub au sens strict du terme. Ces héritiers de Madness et des Specials (il est à noter que le leader légendaire de ces derniers, Terry Hall, a souvent collaboré avec le groupe) offrent une musique éclectique mélangeant allégrement ska, dub, reggae, hip hop et le big beat anglais tout en réinjectant dans ce cocktail déjà explosif un peu de la science immémoriale des dub masters originels. Et s’il est vrai que ce groupe ne révolutionne nullement l’histoire de la musique, il ne mérite pas l’appellation de « Specials du pauvre » que certains lui ont donné. Le set fourni en apporta d’ailleurs la preuve. Barry Asworth, leader du groupe et ancien promoteur de clubs en Angleterre, et ses musiciens ne cherchent en fait qu’à s’amuser (et comme tout anglais qui se respecte à écumer le maximum de bières) et à donner du plaisir à leur audience. Objectif qui fut parfaitement rempli vue que les spectateurs ne cessèrent, durant tout le show, de danser et de sautiller dans la joie et la bonne humeur, portés par les basses massives du combo. Tout particulièrement pendant le morceau Ganja que beaucoup reprirent en cœur (bande de petits coquins !). S’il fallait, en conclusion, poser une étiquette sur ce groupe, ce serait, pour reprendre une expression tirée du vocabulaire cinématographique, celle de groupe de série B. Et ce dans le sens noble du terme (c’est-à-dire tarantinesque) par l’utilisation habile de codes connus de tous, ici les gimmicks musicaux des genres cités plus hauts, avec pour unique ambition d’offrir un plaisir instantané.

Merci donc aux étudiants de l’EDHEC pour cette soirée placée sous le signe de la générosité qui permettra à des enfants défavorisés de vivre des fêtes de Noël avec des étoiles dans les yeux et a permis, à ceux ayant fait le déplacement, d’avoir « dans les yeux le bleu qui manquent à leur décor » (Arrghh ! Enrico sort de ce corps !!!!).

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