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Konono N°1 & I Love Sarah au Grand Mix

Ben alors Lille! Que se passe-t-il? On ne te voit plus aux soirées! On était à peine une soixantaine au concert de Konono N°1 et I Love Sarah au Grand Mix le 2 mai 2010. On ne te reconnaît plus Lille. Tu sembles avoir terriblement changé. Es-tu devenu tellement flemmard que tu as du mal à quitter ton canapé un dimanche?

Peut-être crains-tu l'inconnu? Le méconnu groupe belge I Love Sarah t'a peut-être ainsi fait peur? Il est vrai que ce groupe qui définit sa musique comme du Flamenco/Trash/Trance et les morceaux mis en écoute sur Myspace n'étaient pas, aux premiers abords, des plus engageants. Pourtant, Jeroen Stevens à la batterie et au chant (enfin, ce qu'on pourrait appeler du chant) et Rutger De Brabander ont livré une performance (au sens artistique du terme) inoubliable par son originalité. Leur musique ne ressemble, en effet, à rien de connu. Juste peut-on faire quelques rapprochements avec des groupes de Math-Rock tels les Battles ou avec les sonorités utilisées par Death From Above. Les morceaux joués sont quasiment tous des instrumentaux et ne dépassent jamais les trois minutes. Le guitariste précurseur Frank Zappa, qui était loin d'être un idiot, déclarait: « Parler de musique, c'est comme danser sur de l'architecture ». Phrase qui convient parfaitement à I Love Sarah et à leur musique expérimentale difficilement définissable mais qui cependant, par un art subtil du bricolage sonore, arrive à nous interpeler et à nous faire danser.

Pour essayer de résoudre les inconnues de cette équation cosmique, il faut invoquer les spectres du Death Metal, en raison de la présence de guitares lourdes et de grognements inintelligibles, du Free-Jazz, du Rock Progressif (Jeroen Stevens fera, d'ailleurs, référence, lors d'une de ses nombreuses interventions, au groupe allemand Gong) et de l'avant-garde-post-machin-truc...Tambouille qui paraît, certes, à première vue indigeste. Le talent du groupe est de rendre cette potion parfaitement digeste et, qui plus est, addictive. Cette musique psychotrope interpèle nos neurones ravies d'être ainsi bousculées et cette étrangeté noisy-groovy s'impose comme une évidence. Tout cela est potache et, en même temps, cultivé. Pour réussir cet équilibre précaire et nous faire danser sur le fil du rasoir avec ces mélodies précaires faites de bric et de broc mais parfaitement maîtrisées, ces gars-là doivent avoir une sacrée culture musicale. Et, en plus, ils enrobent tout cela d'humour. Jeroen Stevens, avec un français approximatif des plus charmants, ponctue chaque morceau avec une touche humoristique. Ainsi apprend-t-on que pratiquement chaque morceau est, en fait, un hommage à des groupes chers aux musiciens (sans les citer bien sûr, débrouillez-vous avec ça...), qu'en 6 ans ils sont devenus des professionnels de la première partie et aimeraient bien, un jour, avoir eux-même une première partie. Ils nous achèvent en nous demandant de reprendre en choeur les paroles d'une de leurs rares chansons (si on peut les qualifier ainsi) spécialement traduite en français pour l'occasion, ce qui donne ces magnifiques paroles: « Vomir Café, Vomir Lasagnes ». Fume, c'est du belge!

Toujours pas convaincu, Lille? Oh! Alors peut-être n'aimes-tu pas danser? Ça m'étonne. Tu t'es déplacé en masse pour l'Electro rance de l'Eurodance des Bloody Beetroots à l'Aéronef et tu as acheté tes tickets pour les beats de supermarché rayon charcuterie grasse de David Guetta et de Black Eyed Peas au Main Square le 2 juillet (journée affichant complet, pauvre toi!). Avec les Konono N°1, tu aurais pu te déhancher! Comment ça, tu ne connais pas?! Un groupe qui connait un succès mondial, qui a joué au Radio City Music Hall de New-York, qui a eu une nomination aux Grammy Awards avec son Live At Couleur Café, qui travaille avec Herbie Hancock ou avec Bjork, qui les a invités sur son single" Earth Intruders"... Ne te fais pas passer pour un inculte.

Avec les Konono N°1 et ses rythmes congolais, tu aurais dansé, je te le promets. Tu aurais même été en transe. Car, c'est à la transe qu'invitent ces musiciens d'Afrique noire avec leur musique basée sur la répétition et née du hasard. Née du hasard car si le style du groupe, utilisant des likembés (cet instrument parfois nommé piano à pouce, composé de lamelles métalliques fixées à une caisse de résonance) emprunte largement aux musiques traditionnelles de transe bazombo, la distorsion, au départ non voulue mais obligatoire, qu'imposa l'amplification des instruments a permis de créer un genre musical que l'on peut qualifier de tradi-moderne. Traditionnel de par ses origines mais moderne par le rendu sonore qui rapproche le groupe des formations Electro les plus extrêmes avec son brutal d'une redoutable efficacité.

Composé de trois joueurs de likembés électriques (médium, aigu, basse), d'une section rythmique axée autour d'un batteur et d'un percussionniste (véritables lapins Duracell du rythme), d'une danseuse percussionniste, faisant intervenir trois de ces musiciens au chant, utilisant une sono munie de mégaphones datant de l'époque coloniale, Konono N°1 a, au sens propre du terme, ensorcelé, pendant une heure trente la soixantaine de spectateurs présents. Dès le premier morceau, leur corps, comme envoûté, par un sortilège vaudou, se désarticulèrent sur les rythmes frénétiques et répétitifs de ce Sound System fabriqué grâce au système D. Invectivés à danser par le leader et doyen du groupe, Mingiedi Mawangu, le public sera réduit à l'état de marionnettes dont les fils seront tirés avec malice par les musiciens. Pas étonnant alors qu'ils soient acclamés par des artistes tels que Beck, Animal Collective, Tortoise ou encore Matthew Herbert qui s'apprête à les remixer.

Alors, Lille? Pas trop déçu de ne pas être venu? Allez... Promets-le moi... Tu vas revenir aux soirées, hein? Parce que c'est chaud-bouillant et ton corps n'attend que ça...

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