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Laura Gibson + Amanda Bergman à la Péniche

Que le pas était lourd, garé à des kilomètres qu'on était et surtout, surtout, alourdi par le poids de la nouvelle tombée la veille... La Péniche va fermer après sept ans de très bons et de très loyaux services assurés par Yann et Pierre, acharnés de la première heure. On n'arrive pas du tout à croire que personne, au sein d'instances qu'on dit publiques, n'ait jugé bon de sauver notre navire préféré, dans la ville des vaisseaux musicaux, du Biplan à l'Aéronef. Stupéfiant, quand même, de ne pas comprendre que la musique à Lille sans La Péniche, ça ne peut plus être tout à fait la même chose. On va s'y précipiter encore quelques fois, le cœur plombé par l'ancre qui se barre dans la Deûle. On comprend bien qu'on ne peut pas sauver tout le monde, tout le temps, à coups de chèque et de subventions mais quand même, quand on sait ce qui était demandé, pour un an, et ce que peut coûter, au hasard, la sécurité de la Foire, on a très mal au cœur. Les réseaux sociaux se sont agités bien plus vivement que les flots calmes sur lesquels danse notre bateau préféré. La soirée était quand même belle, le champ de Mars noir de monde, une vie grouillante et vive. Lille, le soir, à la Citadelle. Centaine de runners, bars bondés, histoires en cours. On a fini par aller s'amarrer quand même.

Ambiance douce mais pas amère, La Péniche de toujours même si ce n'est plus pour toujours. On s'amuse de voir que l'album d'Amanda Bergman est disponible en cassette. Ça chuchote doucement. On ne peut que penser à quel point cette capsule maritime va nous manquer. Amanda Bergman est à coté de son guitariste quasi mutique, caché sous un dérivé de Stetson aux cheveux nattés de chaque côté. Son album, Docks, est très séduisant, mais elle préfère en plaisanter elle même : ils n'ont pas du tout l'habitude de jouer dans cette formation. Ils sont d'ordinaire en groupe et ont réarrangé un set pour pouvoir, selon sa propre expression, tenir plus de 10 minutes. Tout le monde en rigole. Ils vont d'ailleurs très bien s'en sortir malgré une touche Work In Progress à peu près constante. Amanda Bergman compose bien et chante avec une réelle expressivité, son guitariste la relaie en jouant de toutes les pédales d'effet qu'il a à sa disposition, un peu comme d'un clavier. On craignait une prestation un peu sèche et il n'en a rien été, notamment grâce à un joli toucher au piano. Très prometteur et à suivre, cristallin et splendide, au gré des nouvelles chansons, littéralement écrites sur de petits morceaux de papiers. On se dépêche de démonter, une fois le set fini, à la main, en s'y collant tous.

Laura Gibson discute tranquillement au milieu des gens, avec ses musiciens, au degré zéro d'un vedettariat déplacé. On vient même faire de petits réglages directement sur la scène. Ce sera aussi élégant et racé raffiné que l'album. La formation est très équilibrée et on se passe tout un tas d'instruments si nécessaire. Derrière des apparences de folk sage, l'ensemble swingue très subtilement, un peu comme peut le réussir un Lyle Lovett par exemple. L'orchestration est très américaine, vintage et... ça groove doucement, subtilement. On jouera même avec un violon et son grand frère l'alto pour travailler les tessitures et dessiner des contours plus fins à cette belle musique. Le chant est très tendu, regard clair lancé au loin pour ne pas attraper celui d'un spectateur. De belles émotions planent dans la salle, on comprend les paroles ou pas, mais ce n'est pas très important, le feeling passe parfaitement. C'est vibrant d'intelligence. L'humour n'est pas loin, elle nous autorise à lui dessiner des moustaches sur l'album au merchandising tant elle trouve que son visage est grand sur cette pochette en jaune vif. Le concert est splendide et retenu, c'est une très belle forme incarnée de l'album servie par une jolie ferveur. Tout le charme vient de la voix de quelqu'un qui vous parle, directement, qui semble s'adresser à vous. Laura annonce en riant un faux rappel et revient avec sa violoniste immédiatement pour une session unplugged gentiment loupée puisqu'elles ne jouent pas dans la même tonalité. On a oublié de poser le capodastre sur la guitare. On est entre nous, pas de problème. Intense et intimiste. On n'a pas du tout envie de partir. Il faudra que La Péniche change. Nous, on ne bougera pas. On va même revenir vite. Merci les gars. On a regardé A Gauche de La Lune en sortant. 

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