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Lenny Kravitz + Gabriel Garzon Montano au Zénith de Lille

25 ans qu'on le suit le Lenny Kravitz. Et qu'on ne peut s'empêcher d'éprouver une sincère affection pour lui. Cela même si ses derniers disques, pourtant loin d'être inintéressants, ne sont pas forcément restés très longtemps sur nos platines.
25 ans qu'on balaie de la main les propos sarcastiques de certains vieux aigris voulant clouer l'artiste au pilori en prétextant qu'il n'est qu'une vulgaire station de pompage et un faussaire. Car si, effectivement, Lenny recycle, où est le souci ? En se référant sans cesse à une période qui l'a construit personnellement, les Seventies (rappelons que le chanteur est né en 1964), en privilégiant les sonorités analogiques au tout numérique, Lenny Kravitz ne fait preuve que de bon goût et de discernement. Qui plus est, son savoir-faire et son talent sont irréfutables. Les musiciens ayant composé des morceaux de l'acabit d'un 'Sister' ou d'un 'I Built This Garden For Us', n'auront pas été légion ces 25 dernières années, convenons-en.

En fait, pour beaucoup, Lenny est à l'image de ce grand frère idolâtré ou de ce tonton bien cool qui, en nous ouvrant les portes de sa discothèque personnelle, a permis de nous forger une véritable culture et sensibilité musicales. Ainsi en 1989, après une horrible décennie marquée par d'abominables sonorités synthétiques et des riffs de guitare permanentés, le premier album de Kravitz, Let Love Rule, permis à une cohorte de lycéens imberbes et en rut d'ouvrir leurs chakras à des artistes tels que John Lennon, Jimi Hendrix, Jeff Beck, Stevie Wonder ou encore Curtis Mayfield. Il y a pire leçon à prendre dans la vie ! Un esprit revival salvateur, très vite épaulé par le fabuleux Shake Your Money Maker des également anachroniques Black Crowes, en 1990. Les vieux cons râlent, ricanent. Mais en toute humilité, Lenny Kravitz leur a permis de trouver des héritiers, garants des mêmes valeurs musicales.

A vouloir être Prince à la place du prince, Gabriel Garzon-Montano, qui assume la première partie, s'expose lui aussi à la vindicte des ayatollahs de l'originalité. Difficile de le défendre, par contre. Malgré un joli brin de voix, étonnante de facilité et héritée du gospel, aucune étincelle ne vient embraser la salle ou même, provoquer un soupçon d'intérêt. Son Néo-Funk laisse de marbre et plonge le Zénith dans la torpeur. La faute à des compositions mollassonnes qui a force de ressasser des mélodies minimalistes, aux atmosphères ouatées et artificielles vaguement électro, finissent par tourner en rond. De plus, celles-ci ne sont nullement aidées par une formation instrumentale rachitique (deux synthés, une basse et une batterie) manquant de dynamisme et de prestance.

Cheveux courts, lunettes noires, veste en cuir sur une chemise échancrée, Lenny Kravitz, lui, en impose dès son arrivée sur scène. De par son élégance, son charisme, sa manière d'accaparer la lumière. Et son indéniable sex-appeal, capable de faire ressurgir la femme profondément enfouie dans le corps du plus bourru et macho des spectateurs mâles présents ce soir-là. A se demander s'il n'existe pas chez certains artistes un gène qui les prédestine naturellement à devenir une Star. C'en est presque écoeurant.

'Dirty White Boots', issu de dernier album, Strut, ouvre le concert. Une intimité débonnaire et comme coulant de source s'installe entre le chanteur, son groupe et le public. Un public des grands soirs. Des vieux de la vieille. Fans de la première heure. Dont, on se plaît à l'imaginer, certains ont dû perdre leur virginité sur une des chansons de Tonton Lenny. Et peut-être même fait un enfant. On remarque aussi des spectateurs plus jeunes. Un rapport de cause à effet ? Des jeunes fans de Rock. Pas mal de filles aussi, venues en groupe pour admirer ce sex-symbol.

Lenny fait le chaud, frime juste ce qu'il faut pour assurer le spectacle. A une ère post-Radiohead (il faudra un jour gloser sur tout le mal qu'a eu l'influence de ce groupe sur la scène actuelle), où les musiciens triturent plus leur cerveau que leurs instruments et font preuve d'un sérieux rébarbatif, voir un artiste penser son concert en terme de bacchanale dionysiaque fait un bien fou. Le Rock N'Roll n'est qu'un cirque après tout. Alors autant y aller à fond. Monsieur Loyal à la voix impeccable et malléable à merci, Kravitz jongle avec ses guitares et se contorsionne de la plus sensuelle des façons.

Un véritable showman. Entouré d'une troupe loin de faire de la simple figuration. Des cadors. Des acrobates de première classe. L'impressionnante et intimidante Gail Ann Dorsey à la basse, que l'on croise également sur scène aux côtés de David Bowie. La batteuse, au jeu incroyablement punchy et sexy, Cindy Blackman, épouse de Carlos Santana et qui a enregistré avec les jazzmen Steve Coleman, Joe Henderson ou Mike Stern, excusez du peu. Et, fidèle collaborateur depuis l'album Are You Gonna Go My Way, le guitariste Craig Ross. Un tueur, s'inscrivant dans la grande tradition des guitar-heroes, balançant la sauce avec des riffs assassins et des solos fin et racés, faisant preuve d'une emphase à l'ancienne. Le tout sur un tapis d'orgue et de cuivres des plus classieux.

La set-list est intelligemment agencée. Les morceaux du dernier album ('Strut', 'New York City', 'The Chamber', 'Sex') côtoient les classiques tant attendus ('It Ain't Over 'Til It's Over', 'Sister', 'Let Love Rule', 'Fly Away'). Un joyeux catalogue de musiques populaires : Funk, Soul, Rock, Pop Psyché... Le tout envoyé de main de maître. Sur la scène, on sent l'euphorie. Chacun y va de sa petite démontration. A l'instar d'un 'Always On The Run' étiré sur plus de 10 minutes, faisant alterner solos d'orgue, de trompette, de saxophone, de guitare et de batterie. Deux heures de concert sans blablas inutiles, privilégiant l'efficacité et la puissance. Se concluant par un explosif 'Are You Gonna Go My Way' faisant littéralement décoller le public du Zénith. Les lumières rallumées et les pieds de nouveau au sol, une seule déception. Que le concert n'ait pas duré une demi-heure ou une heure de plus. Le signe d'un concert réussi.

Alors, Lenny un plagiaire ? Franchement, on s'en bat les steaks. It's only rock N'Roll, baby ! Et quand c'est aussi bien fait que cela, avec amour et générosité, on cesse de ricaner, on s'incline et on dit merci. La moindre des politesses.

 

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