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Miossec à l’Odéon d’Auchel – Festival Les Enchanteurs

Ceux qui suivent Miossec depuis le début (« Boire », son premier album est sorti en 1995, que le temps passe vite!) le savent: on ne peut jamais prévoir à quoi va ressembler un concert du breton. Artiste et homme complexe, il cultive l'art du paradoxe et masque sa grande timidité derrière une attitude souvent provocatrice. Personnage touchant car perfectible et toujours sur le fil du rasoir, il peut, sur scène, se montrer tendre, sensible, généreux, plein d'humour, communicatif ou, au contraire, quand il est rattrapé par ses démons, renfermé sur lui-même, peu loquace, peu respectueux de son public, de lui-même et de son répertoire. Il peut, selon l'humeur, faire preuve d'une sobriété exemplaire (et oui, ses plus grands fans l'ont déjà vu boire de l'eau!) ou, encore, monter sur scène en état d'ébriété avancée, avoir du mal à se tenir debout et oublier la plupart de ses paroles. S'il s'est assagi avec les années, Christophe n'a pas totalement, pour reprendre les paroles du « Défroqué », « déserté les champs de bataille, les nuits qu'il connaissait trop bien ».

Reflet de sa personnalité, sa musique, en live, est à son image. Ainsi, Miossec, en concert, peut privilégier les ambiances acoustiques, calmes, tout miser sur ses magnifiques mélodies, mettre en avant le piano et magnifier de manière apaisée sa fragile poésie. Ou, à l'inverse, livrer des prestations électriques, tendues, violentes comme une scène de ménage, pousser les décibels à leur maximum, jouer avec malice au rocker braillard. On se souvient encore de son concert du 22 octobre 1999 à l'Aéronef à la limite du punk.

En ce soir du 09 mars 2010, à la salle Odéon d'Auchel, pas trop le temps pour le public de se poser des questions et de faire des prédictions. En effet, Miossec monte sur scène seulement 10 minutes après l'ouverture des portes. Pas de chance pour les retardataires! Le breton, pour l'occasion, est accompagné de Robert Johnson à la guitare, Bobby Jocky à la basse, Arnaud Dieterlen à la batterie et Nicolas Stevens aux claviers et au violon. Christophe a l'oeil vitreux mais il semble en forme et détendu et affiche son plus beau sourire.

Le concert démarre calmement avec des titres mélancoliques (« Nos Plus Belles Années » et « Les Joggers Du Dimanche ») issus de son dernier album « Finistériens » écrit avec Yann Tiersen, l'un des plus beaux albums de sa discographie pourtant conséquente. Un album qui, bizarrement, a été injustement oublié des nominations des Victoires De La Musique 2010. Mais connaissant le gaillard, il doit s'en moquer comme de sa première cannette de bière. Sûrement intimidé par la proximité avec les spectateurs qu'impose la petite salle de l'Odéon, le brestois, au début, se montre peu bavard.

Heureusement, très vite, on retrouve le Miossec que l'on aime, gouailleur et tchatcheur. Il se moque avec gentillesse de son public: « Vous devez être sacrément sinistrés pour bénéficier d'un concert à si bas prix » (l'entrée du concert, organisé dans le cadre du festival des Enchanteurs, est à 12 euros) avant de rappeler que sa région natale, elle aussi, est touchée par la crise. Il demande avec ironie s'il y a des brestois dans la salle, se dit, sûrement influencé par la présence d'un bassiste black, qu'il devrait composer un morceau « funky ». Miossec chantant du funk, on payerait cher pour voir ça!

Pas de vent dans les voiles, ce soir. L'ambiance est conviviale et le capitaine tient fermement la barre de son navire et ne tangue pas. Il navigue habilement entre les flots agités du rock et les eaux plus calmes de la chanson intimiste, évitant avec l'adresse d'un loup de mer tous les écueils et les récifs. Il offre des versions énervées et rugueuses de différents morceaux: « La Fidélité », « Les Bières Aujourd'hui S'ouvrent Manuellement (quel titre!), « La Facture D'électricité », (titres toujours favorablement accueillis par le public), « Jésus Au PMU » » ou encore « Le Défroqué ». Des morceaux portés par la voix plus rocailleuse que jamais de Christophe, réarrangés pour porter haut et fort le pavillon du rock le plus brut et parfaitement joués par son groupe avec une mention spéciale pour le guitariste Robert Johnson, maniant avec dextérité la six cordes et Nicolas Stevens. Son violon apporte une touche folk cradingue qui sied à merveille à la musique du breton et invoque l'esprit cabaret déglingué de Tom Waits.

Miossec sait également instaurer des moments de plénitude, relâcher la barre pour offrir des instants où se dévoile sa sensibilité à fleur de peau (et permettre aussi « aux piliers de bar du fond de s'en jeter une »). Comment ne pas avoir la chair de poule quand il interprète de manière très minimaliste « Je M'en Vais » (inspiré du film « Le Mari De La Coiffeuse» de Patrice Leconte) et chante « Je n'ai aimé que toi / Je t'embrasse à en mourir / Je m'en vais bien avant l'heure / Bien avant de te trahir » avec la conviction des hommes se sentant trop faibles et n'ayant pas le courage pour aimer pleinement? Comment ne pas être ému par les paroles des « Chiens De Paille » où pointent les préoccupations sociales de l'artiste qui rend hommage de façon bouleversante au monde ouvrier: « Les hommes qui travaillent / Qui ne sont plus que chiens de paille / Qui émergent au petit jour / D'un sommeil un peu trop lourd / De la poussière plein les paupières » ? Comment ne pas sentir poindre les larmes quand il reprend « Osez Joséphine » pour rendre hommage à une de ses idoles, Alain Bashung?

La sélection des morceaux joués ce soir-là est irréprochable. Elle pioche allégrement dans les différents albums du finistérien et ne peut que ravir les fans pendant l'heure quarante que durera le concert. Avec des textes qui nous vengent de toute cette nouvelle chanson française, bien trop lisse, naïve, superficielle et imbue d'elle-même. La poésie crue de Miossec nous touche car elle est vraie, parle des sentiments humains sans fioriture ni concession. Elle sent la sueur, le sang, les draps sales d'une nuit d'amour bestiale, le sel des larmes qui coulent quand pointent les regrets et la bière froide que l'on a ingurgitée pour oublier ses erreurs passées.

Il est vrai que la voix de Miossec n'est pas toujours juste, qu'il court des fois après ses paroles ou les fait entrer avec un chausse-pied dans les mélodies, mais, chose rare à l'heure actuelle, il chante avec ses tripes et son coeur, n'a pas peur de montrer ses faiblesses et se montre tel qu'il est, un homme simple, avec ses qualités mais aussi ses contradictions. Et c'est bien pour ça qu'on l'aime et qu'on le chérit, le Christophe.

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