Aujourd’hui13 événements

Moriarty + l’hapax au Colisée de Lens

Sold out. Intégral, complet, au strapontin près. Bref, un véritable triomphe pour cette dernière date de la saison au Colisée de Lens, deux semaines après nous avoir offert le magnifique Big Sun de Christophe Chassol au théâtre du Louvre. C’est dire qu’on a envoyé du lourd toute la saison. Et 2016 s’annonce énorme. Stay tuned.

Lorsque l’hapax (pas de majuscule) arrive sur scène, la salle est plus que prête et les trois musiciens vont prouver très haut la main que l’intensité ne dépend pas de la puissance et du nombre d’instruments. On a dit ici tout le bien qu’on pensait de Cuttlebone mais l’épreuve de la scène est totalement différente. Disons le simplement, l’hapax gagne infiniment à être vu, ressenti et physiquement perçu. Leur musique est d’une réelle force et ils ont habité la scène avec une très forte présence, sont entrés immédiatement dans la vibration de leur musique étonnante, dans une formation peu conventionnelle. Toutes les préventions contre une musique éventuellement un peu opaque voire cérébrale tombent très rapidement. Sans batterie, le groupe envoie une pulsation qui n’appartient qu’à lui, jeu aux doigts sur le violoncelle pour donner plus d’appui à l’ensemble, chœurs enchevêtrés, c’est splendide. L’équilibre est remarquable et la précision sidérante, sans l’appui d’un quelconque repère rythmique. On rêve avec beaucoup d’impatience à leurs nouvelles aventures en écoutant la voix très expressive de Sven, les envolées lyriques tout autant que le contrôle de Timothée et le jeu nuancé de Tristan. Leurs influences, assumées, planent dans la salle, les éraillements de Tom Waits et les douleurs lancinantes et sublimes de Nick Drake. Un univers complet et personnel, une très belle vibration.

Quand Moriarty arrive après une brève pause, le Colisée est bouillant d’impatience. Immédiatement dans le ton, la formation joue de manière ultra compacte. Le groupe obtient des applaudissements cadencés en deux titres, pour saluer l’arrivée de Rosemary Standley. L'harmoniciste dégoupille les tonalités, harmonicas planqués dans une cartouchière, un batteur on ne peut plus rustique tape directement sur une grosse caisse posée à plat et joue sans charleston, c’est extrêmement roots, ne manquent que les Buffalos, qui ne tarderont pas tant que ça. Le groupe a un vrai public, on entend distinctement les gens se demander si tel ou tel titre va être joué. Impressionnant pour ce groupe qui n’écume pas vraiment les médias les plus exposés et qui continue à mener la salle à la façon d’une revue soul. La voix est sidérante, tendue et vibrante. Rien à voir dans les tessitures, évidemment, mais on pense au côté coupant comme un rasoir de la voix de Johnny Cash, quelque chose de précis, d’implacable, d'aiguisé. En robe longue, évoquant la soul sudiste, Rosemary Standley n’a rien à faire pour balayer d’un revers d’ourlet les clichés de la chanteuse, plus proche de la Maria McKee des Lone Justice que de n’importe quelle bimbo qui parade sur Youtube.

Les histoires sont tristes, les rivières de larmes sont profondes : Reverse évoque un enfant pris entre ses parents qui se disputent. Une chanson est dédiée aux personnes victimes de violence et qui « seraient mortes sans qu'on l'ait jamais su ». Voilà qui impose très soudainement le silence et le respect. On explore le grand livre de la musique américaine millésimée avec Hank Williams. On pense aussi à la soul brûlante du Springsteen de Darkness, celui des Pete Seeger Sessions ou de The Ghost of Tom Joad. La route est sèche, les cailloux sont durs, les photos de la grande dépression de Dorothea Lange, Migrant mother ou Cotton Pickers défilent sous nos yeux. L’ambiance est rapidement infernale, on danse debout pendant que la distillerie clandestine fabrique le Moonshine, alcool illégal fabriqué à la lumière de la lune. Le groupe se met en rond comme si on jouait dans une cave clandestine. On sort la Dobro, on joue un titre presque Cajun. On convoque Woody Guthrie. C’est parfait. Le rappel achève tout le monde. Personne ne veut partir. On s’y résoudra finalement, après cette superbe fête de fin d’année. On sourit en voyant la foule agglutinée autour des deux stands du merchandising et c’est Koko Taylor qui a le dernier mot dans les enceintes du bar en résumant tout ça en chantant, Yes, It’s good for you.

Setlist : Dying Crapshooter / Long live the devil / Ginger Joe / Diamonds / Reverse / History / Rambling man / Fire fire / Moonshiner / Little Sadie / Belle / Back in town / Buffalo skinners / When I ride/ (Rappel) Isabella / Jimmy / Lily / I will do / System.

 

Revenir aux Live report Concerts
A lire et à voir aussi
184 queries in 0,438 seconds.