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Morrissey à l’Aéronef

« This Charming man », puis « Cloud », pour ouvrir en force… Et un poster d’acteur rétro comme décor, rappelant que les albums des Smiths, et l’imagerie de Morrissey, se sont largement inspirés du cinéma, français notamment. « Je suis Alain Delon », lancera même plus tard un Morrissey blagueur, après avoir présenté son groupe - cinq gars à la même chemise à carreau façon rockabilly-country. Ceci pile à la moitié du set, dans l’intro de la chanson « Ask ».

Le Moz reste un crooner, mais aussi un rocker, cela explique ce public large, sans âge, vu mardi soir à l’Aéronef. Remy, 26 ans, se réjouissait d’en être. « C’est mon disquaire qui m’a fait découvrir les Smiths, et Morrissey. J’adore, car il sait mélanger les influences, là j’ai entendu du rock retournant aux racines, du rockabilly, et même du métal. »
Il y en avait effectivement pour tous les goûts mardi, le Swords Tour alternant intelligemment les morceaux carrés, très « revival british du rock à guitares », mais aussi ces mélodies, ces pop-songs dont les vrais songwriters anglais comme Morrissey ont le secret.

Après un « Carol » très chicano rappelant que le Moz possède un fan club latino renforcé lors de son installation à Los Angelès (acoustic guitar brandie par son guitariste favori), dès le quatrième titre - Is it reallly ? – le chanteur tombait la veste. En chemise brune il enchaînait justement sur un titre écrit à LA, et le public d’entonner avec lui « First of the gang » (« Hector was the first of the gang, with a gun in his hand and the first to do time, the first of the gang to die… »), histoire d’un voyou, le premier à prendre l’arme au poing, mais aussi le premier à mourir… Morrissey hoquetait par moment son texte, effet voulu – lui dont le phrasé est d’ordinaire impeccable.

Aux anges, la foule entonnait les titres suivants, Anglais et Belges anglophones au premier rang : Ganglord, Cemetery gates (la très shakespearienne évocation de l’immense cimetière de Manchester-Sud), et le joliment mélodique « I’m throwing my arms around Paris » qui devrait avoir du succès demain 12 novembre au Zenith de la capitale…

Le temps de prendre une lettre tendue par un fan et de l’enfourner dans la poche arrière de son pantalon, puis de présenter sa formation largement renouvelée, les perles s’enfilaient, son puissant, groupe soudé : Teen dad, One day goodbye, Elbow, Education, The World is Full of Crashing Bores, The Loop (contrebasse endiablée, et tambourin pour Morrissey)… Les rythmes syncopés, les morceaux métalliques éloignaient parfois le concert des mélodies propres à Morrissey, mais sans réel bavardage bruitiste. « Irish blood, english heart » et « I’m OK by myself » achevé dans un déluge de basse pouvaient encore faire chanter la salle avant le rappel, dans cette soirée nerveuse qui avait offert large part aux titres rassemblés sur la compilation de face B intitulée Swords. Morrissey, qui avait troqué depuis longtemps la chemise brune pour une blanche, pouvait retirer celle-ci et l’offrir au public, finissant torse nu - il l’avait largement mouillée mardi à Lille.

« Mieux qu’à Nimègue la veille»

Liverpool a la poisse cet automne : en football où les Reds ont coulé en Ligue des Champions, mais aussi sur la scène rock, puisque c’est au Liverpool Echo Arena, que Morrissey a reçu une bouteille en pleine tête le 7 novembre. Morrissey n’avait eu le temps d’interpréter qu’un titre, « This Charming Man », avant de quitter la scène au milieu de « Black Cloud », et de ne plus revenir, l’ultime concert de sa tournée anglaise annulé !

Mardi 10 novembre à l’Aéronef de Lille, un groupe d’Anversois, t-shirts noirs à l’effigie du Moz, semblait donc un peu inquiet. Les Flamands avaient vu un Morrissey peu en forme la veille devant 1500 personnes à Nimègue aux Pays-Bas, pour la première date du « Swords Tour 2009 » sur le Vieux Continent. « Il était tendu, crispé, comme s’il avait peur. Et puis il glissait sur un parquet peu approprié, sa gestuelle si particulière s’en ressentait… Quant à l’acoustique de la salle, c’était horrible. »

Une heure et vingt minutes plus tard, au terme de 18 titres puis un unique rappel (Skull), les mêmes Belges souriaient aux anges. Un couple d’une cinquantaine d’années s’extasiait : « On l’a retrouvé ! Il était cool, souriant, radieux. Hier il devait vraiment être encore sous le choc de Liverpool ; et puis ici à l’Aéronef le son nous a semblé parfait comparé à Nimègue. »

De fait, même si l’acoustique accentue parfois les stridences métalliques, le jugement des spectateurs quittant lentement la salle lilloise semblait unanime : un bon concert venait de relancer la tournée d’automne de l’ex « lead singer » des Smiths.

Les vrais fans pouvaient alors rejoindre la rue Royale, pour l’After. Parmi eux, Nick et Edwin, deux Anglais découvrant Lille depuis la veille. Dans la cave de l’Autrement Dit, les deux potes descendus de Stonehenge reprenaient en chœur les chansons. « C’est le cinquième concert que nous voyons cette année. Et l’un des meilleurs ; il adore ce genre de petite salle où le public répond bien », racontait Nick, un tout jeune papa qui n’hésite pas à délaisser ses triplés ( !) pour suivre Morrissey… Edwin, t-shirt noir « Je suis Morrissey », chaine tatouée au bras, avouait pourtant une plus grande passion encore pour Paul Weller, l’ex-Jam, méconnu à son avis. Dans la cave, les refrains symboliques s’enchaînaient, des Smiths, de Morrissey, ou d’autres groupes de Manchester. On chantait à tue-tête « I’m the last of the famous international play-boy », et un sosie de Morrissey (parmi d’autres) entraînait dans la danse une brune moulée dans une robe noire, bras gauche entièrement tatoué d’une végétation exotique et rougeoyante. Morrissey aurait apprécié.
 

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