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The Musical Box (Genesis Tribute) au Théâtre Sébastopol

L’Allemagne de l’Ouest va gagner sa coupe du monde de football malgré le début tonitruant du carrousel hollandais emmené par le génial Johan Cruyff, et des tas de gamins vont aller rejouer immédiatement la finale dans les rues, sans smartphone ni internet. Ça chauffe grave pour Tricky Dicky à la maison blanche et le Washington Post, encore propriété des Graham, va forcer Nixon à démissionner, Georges Pompidou n’est pas en forme du tout, il y a trois chaînes en tout sur la télévision française et Genesis est en tournée nord-américaine, nous sommes en… 1974. The Musical Box nous propose ce soir au Sébastopol une véritable capsule temporelle, le show, à l’identique de Peter Gabriel et les siens dans cette version US : le Black show. Aucun lieu ne pouvait mieux s’y prêter. C’est ce qu’on se dit en entendant à 19 heures 55 la sonnerie à l’ancienne du théâtre. Quelques smartphones seulement nous rappellent que nous ne sommes pas en 1974… On ne s’étend pas sur le phénomène des Tribute Band, des Rabeats à LetZ Zep, en passant par d’autres. On le sait, ce ne sont pas les vrais, ce sont des rôles. Personne ne nous met un flingue sur la tempe pour y aller. On peut adorer ou ne pas comprendre mais au fond, on ne fait suer personne parce que Mozart n'est pas là quand on le joue. OK, c'est très différent mais bon, allez, fin du débat. Concert, donc.

On est en 1974, totalement et intégralement, dans la reconstitution historique complète : déplacements et gestuelle de Peter Gabriel sur scène, son vintage, décor, yeux fluorescents d'archange elfique, tout y est. Le mimétisme vocal est très impressionnant, le chanteur poussant le jeu jusqu'à ne pas utiliser la voix légèrement plus voilée que Gabriel développera par la suite en solo. C'est un rock ultra théâtralisé qui ose tout, on a peine à croire qu'on est à trois ans du no future et que les Pistols sont à deux ans de leur premier concert. C'est réellement hallucinant, halluciné, hallucinogène, perturbant. Les trames sont très narratives, on raconte l'histoire de Britannia,  la grande fille assise sur les vagues entre la France et l'Angleterre. On lance Dancing with the moonlit knight en casque à plumeau et armure anglaise colorée par l'Union Jack avant de longues digressions instrumentales. Les percussions étonnantes rappellent que Phil Collins est un batteur incroyable, impossible de s'y retrouver, de compter les temps, un drumming tout en polyrythmies très élaborées pendant que le Mike Rutherford tient la basse et l'une des guitares sur une Rickenbacker 4003 double manche pour gaucher. Le seul exemplaire au monde ?

On enchaîne les costumes les plus improbables, la scénographie prête forcément à sourire parfois, tant on peine à savoir si on est en plein héritage shakespearien ou chez les Monty Python. On se doute bien que ce n'est pas du tout l'intention initiale mais le temps a fait son oeuvre et le décalage est énorme. Loin de nous l'idée d'un ricanement stupide, on imagine que tout concert de 1974 très théâtralisé n'évite pas cette coloration sépia. On continue à explorer de longs espaces de liberté formelle absolue, on se rend compte que telle partie qu'on croyait jouée au clavier est en fait une partie de guitare. Les musiciens originels de Genesis, fans du tribute band et parfois sur scène avec eux, sortent totalement grandis de l'affaire : la splendeur spectrale des solos clairs de Steve Hackett est évidente, ce jeu tellement particulier, pas du tout plombé par les clichés du rock: décalages savants, harmoniques en cascades d'une précision folle, rien de trop, rien ne manque, c'est plein et totalement épuré en même temps. C'était médiéval, théâtral, shakespearien, extrêmement britannique, très daté, totalement barré, audacieux, désuet et carillonnant, comme une boîte à musique. 

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