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Musique contemporaine – L’Atelier Lyrique de Tourcoing au MUBA

Mon ami Pierrot, prête moi ta plume... L'écriture de plusieurs œuvres de célèbres compositeurs est issue du choc produit par le Pierrot Lunaire d'Arnold Schoenberg. Ce 26 avril 2016, La Grande Écurie et la Chambre du Roy a produit un concert tout articulé autour de cette œuvre. Le Pierrot Lunaire, pourtant révolutionnaire dans l'histoire de la musique, n'est que peu exécuté. Au Musée des Beaux-Arts Eugène Leroy de Tourcoing, un instant rare et singulier s'est faufilé.

Les œuvres d' Eugène Leroy ont entouré la scène. L'énigmatique de ses créations artistiques a parfaitement servi le décor sonore. L'artiste tourquennois peignait de manière spontanée, dans un premier geste intuitif mais pouvait retravailler sur une même œuvre des années durant. Cette même impression de vie, d'instinct et de profondeur s'est aussi ressentie dans les œuvres musicales dévoilées lors de ce concert. Tout a semblé nous préparer à recevoir le Pierrot Lunaire.

Dérives... Notre écoute est dès le début du programme emmenée hors des courants, hors de la norme. Cette courte pièce de Pierre Boulez écrite en 1984 se joue de nos habitudes. La pulsation n'est pas ressentie et, nous entendons une mélodie de timbres plus qu'une mélodie de notes. La technique du Klangfarben de Schoenberg est comme invoquée. L'impression est celle d'une improvisation en temps réel. Moins qu'intellectuelle et formelle, l' expérience est surtout sensorielle .

Huit instruments, cinq instrumentistes... Malgré le relief de timbres et d'ambiances des 21 poèmes du Pierrot Lunaire, l'effectif est réduit. Le nombre et la nature des instruments étaient approximativement les mêmes dans les œuvres qui ont précédé le Pierrot Lunaire. La juxtaposition de mélodies dans une écriture à l'horizontale dans les Trois pièces de la lyrique japonaise d'Igor Stravinsky a préparé notre oreille à recevoir des timbres et des harmonies inattendues.

Une chimère... La voix fut hybride. Elle ne fut ni tout à fait chantée, ni tout à fait parlée. Le Sprechgesang porté à son expression la plus parfaite par Schoenberg a été subtilement invité. L'Initum sur les Poèmes Saturniens de notre contemporain Renaud François qui dirigeait ce soir-là, tout comme les Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé mis en musique par le moderne Maurice Ravel, ont été comme une promesse à encore plus d’impertinence vocale et, cette fois, en allemand. Salomé Haller, à la suite de l'artiste de cabaret Albertine Zehme qui avait commandé le Pierrot, a joué autant que chanté. Ce cycle musical et théâtral inspirés du poète belge Albert Giraud a été à la fois grotesque, drôle et tragique.

Beaucoup des musiques de notre environnement sont prévisibles. L'expérience de l’inouï et de l'inattendu a été vécue par nos contemporains présents au MUBA. L'indifférence était impossible. Ce répertoire nous ré-exerce à nous libérer du conditionnement opéré par les systèmes musicaux les plus usités comme les règles de la tonalité. La lune de Pierrot est la lumière dans l'obscurité. Ce concert a éclairé notre manière d'entendre. D'octobre 1912 à avril 2016, le Pierrot Lunaire est resté et restera sans aucun doute révolutionnaire.

  1. Davemiles3

    Tres belle critique. Spectacle décrit avec originalité.

  2. yves

    J'ai été écouter le pierrot lunaire : Musique impénétrable pour moi. Pourtant ,; j'ai écouté à l'onl ce genre de musique en 2014 et c'est l'orchestre et l'atmosphère de la salle qui ont donné du sens. Donc je reste ouvert mais pas fan.

  3. Balth

    Bel article .Çà donne envie d'y aller !

  4. boubou62

    encore une très belle critique , décrite avec passion tout est dit dans le commentaire, avec un peu d'imagination on pourrait presque entendre le concert sans s'y rendre.Merci pour ces belles lignes. Apprécier la musique contemporaine n'est pas à la portée de tout le monde

  5. Zerbib

    Merci pour cette présentation comme une invitation pour s'embarquer dans l'aventure. On ira voir !!!

  6. Pierre Jambon-Colline

    C'était un concert exceptionnel, le répertoire comme les interprétations. Kagel est peut être ce qui m'a le moins transporté. Mais Boulez et Schönberg, c'était inouï. Dommage que cette musique soit victime d'autant de préjugés et de ricanements.
    Jouer de la musique contemporaine en province, dans un lieu comme le MUBA c'est rendre possible sa démocratisation. Pourtant la fréquentation était plutôt grande-bourgeoise... Manque de communication autour de l'événement ? Mépris ou désintérêt populaire à l'égard du répertoire ? Quoiqu'il en soit, le mélomane aura pu s'échapper le temps de la musique, au delà du ricanement populaire généralisé, au delà du mépris bourgeois perceptible dans la salle.
    Entendu ce soir là (avec le plus grand flegme et un regard de mépris adressé) : "Si on ne m'a pas réservé de place au premier rang, je ne vois pas à qui d'autre on en aurait réservé". Hé mec, tu te prends pour le Christ ?!




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