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Other Lives + Sijosaï au Grand Mix

C'est le cœur à la fois joyeux et serré qu'on file le lendemain du concert de Steve Gunn voir ses cousins de l'Oklahoma, Other Lives, en vrai, quatre ans après le passage remarqué de Jesse Tabish et de ses comparses. Il le dira lui même pendant le concert, le cœur sur la main, c'est la France qui a donné en premier un véritable écho à la musique du groupe. Sans en rajouter, il est quand même très très fréquent de voir les artistes rappeler à quel point leur passage au Grand Mix a été marquant. Le coeur joyeux, donc. Serré, aussi. C'est le dernier concert de l'année dans la salle... Il faudra attendre la fin août pour revenir. Oui, bien sûr, les festivals, etc. Mais bon, c'est pas pareil.

Comme pour nous donner encore plus de regrets, le Grand Mix nous a réservé une très très belle surprise avec la prestation magique de Sijosaï, mélange savant entre l'image et le son, proposant un univers onirique et coloré, évoquant les grands espaces, les Wide Open Spaces. C'est très composé et l'image projetée sur l'écran n'est pas un vague scopitone décoratif, c'est un élément essentiel de la prestation, un élément essentiel de la combinaison. Ce n'est peut être pas tout à fait la même démarche que celle de Christophe Chassol, la fameuse Harmonisation du réel mais c'est très intéressant et on s'est franchement régalés. Des rouges vifs comme le sang viennent barioler l'écran, pendant que les structures rythmiques évoluent vers de savantes répétitions métronomiques pour coller aux martèlements des voies ferrées et des métros trépidants qui surgissent de l'image. L'ensemble se colore de couleurs psychédéliques et de nappes synthétiques. Bluffant et très loin d'une démarche arty un peu creuse. On y croit pour de bon. 

C'est Bob Dylan qui joue les passeurs entre les deux univers, celui de Desire, très enlevé et porteur d'un folk agile parfait pour cette soirée. C'est Isis  qui passe et les paroles semblent annoncer la couleur : nous allons partir : I rode straight away for the wild unknown country where I could not go wrong (...) a high place of darkness and light. C'est exactement là qu'on va. En attendant, les membres du groupe, en pleine lumière, viennent finir de câbler leur matériel tranquillement et adressent des saluts amicaux et presque timides au public qui ne peut que reconnaître Jesse Tabish. On fera un peu les vedettes tout à l'heure mais là, on monte le matos. Light.

Le groupe revient, dans sa formation de concert, sous des lumières plus conformes aux canons classiques du concert rock. DarknessOn attaque fort en envoyant directement Reconfiguration, l'un des grands titres de Rituals, un album plus orchestral que Tamer Animals. Avouons que Rituals est moins dense en chansons et sans doute plus riche dans la déclinaison des atmosphères qui font aussi la réputation du groupe. L'ensemble est immédiatement compact, on est arrivés sur scène concentrés, denses, soudés. Jesse Tabish n'y peut rien mais il attire toutes les lumières, son charisme scénique est impressionnant. Devant tant de subtilités orchestrales, de déclinaisons pop, de folles envolées rythmées par les gestes du bras du chanteur, on est très séduits. Le son est un peu étrange, aucun instrument ne prend le dessus, et c'est parfois un peu déconcertant, voire brouillon. On sait, pour les avoir vus plusieurs fois jouer en live, que c'est un vrai choix : personne ne dépasse et chacun s'approprie un rôle qui ne sert que la chanson. On est bassiste, batteur, guitariste, violoniste, etc. et on voit sur scène des configurations très rares : deux violons, un claviériste qui joue de la trompette de la main gauche pendant qu'il plaque des accords à droite sur un clavier. On ne pense pas en termes de personne, les musiciens ne cherchent pas à faire étalage d'un style précis à titre individuel, ils jouent ensemble et ce groupe s'appelle Other Lives.

On reprend une guitare, on va chercher une basse, on pose un violon... On atteint de ce fait des sommets de densité orchestrale. On pousse les percussions si on a besoin de puissance, on double les violons si on veut davantage de tension lente, c'est très réussi. L'engagement dans le concert ne fait aucun doute. Même les curieux, parfois incroyablement bruyants pendant ce concert, finissent par écouter plus attentivement. C'est Tamer Animals et Rituals qui charpentent le set, à parts à peu près égales. Le batteur tient toute cette folle équipe en évitant toutes les embardées possibles, même quand les claviers, disposés face à face au centre de la scène, sont martelés au poing ou que la Gretsch rouge décolle vers le ciel. On pense à la formule de Tabish quand il parle de sa musique "Nous essayons de faire de la musique classique au petit bonheur"...

Derniers titres au rappel, on glisse le Something in the way de Nirvana et on file en douce sur Dust Bowl Three. Personne ne veut partir et comme souvent au Grand Mix, on file derrière le bar refaire tout le concert ou au merchandising derrière lequel se tient déjà une partie du groupe, Tabish en tête. On est contents que les vacances approchent : on n'a jamais été aussi près de la reprise avec Baroness et Mark Lanegan en deux jours. Et on joue toujours sur la Péniche.

Setlist sur Setlist.fm.

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