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Oxmo Puccino + Rapsodie à l’Aéronef

Il était une fois un roi sans carrosse. Qui avait décidé d'abolir les frontières de son royaume musical, le Hip Hop, afin de mieux le reconstruire et de le faire évoluer. Un souverain nommé Oxmo Puccino. Un véritable électron libre dans le paysage du Rap français. Ayant quitté le format classique du Hip Hop pour venir se confronter au Jazz ou à la chanson française. Avec le souci constant de se renouveler et de pousser son art le plus loin possible.

Des prises de risques royales qui lui ont permis d'assujettir une cour beaucoup plus large que celle des seuls fans de musiques urbaines. Comme en atteste la frappante diversité des looks et des générations qui règne au sein de L'Aéronef en ce soir du 3 mai 2013. Les traditionnelles casquettes à visières larges et autres codes de la soi-disante street-credibility y côtoient en effet des apparences beaucoup plus classiques et neutres. Et la moyenne d'âge se montre plus élevée que pour un concert de Rap mainstream, le public allant de la petite vingtaine à la large quarantaine.

Pour ouvrir la soirée, adoubés et soutenus par Oxmo Puccino en personne, les nordistes de Rapsodie. Le jeu de mots n'est ici nullement gratuit. Car le groupe, formé autour du pianiste issu du conservatoire de Lille, Sofiane Pamart, tente ambitieusement d'allier le Rap à la musique classique. Autour du fondateur, deux MC's, Tikaby et Paranoyan, et deux musiciens supplémentaires : un batteur et un bassiste (il manque malheureusement ce soir le violoncelliste). A défaut de convaincre pleinement, en raison de flows et de lyrics manquant de réelle personnalité, la formation interpelle par sa démarche et sa volonté de métissage. Un work in progress prometteur et singulier.

Extinction des lumières. Sur une minimaliste introduction basse/batterie, une sensuelle voix off se fait entendre dans les enceintes : «Bienvenue sur Oxmo Puccino Airlines, le chef de bord vous souhaite un agréable concert». Les projecteurs se rallument. Tel un pilote de ligne, Oxmo Puccino siège dans un fauteuil installé au fond de la scène. Prêt a faire décoller son public.

Que l'on soit proche ou non de la scène, impossible de ne pas être marqué par l'indéniable charisme du chanteur. Il a ce quelque chose de naturel et d'indéfinissable que l'on ne retrouve que chez les plus grands. Une présence qui en impose, une lumière intérieure éblouissante mais qu'on ne peut quitter des yeux. Le surnom de Black Jack Brel n'est pas usurpé. Il exerce sur son audience une ascendance tout simplement fascinante. On reste suspendu à ses lèvres, on savoure ses mots, sa poésie, on se délecte de ses apartés philosophiques entre les chansons. La performance scénique fait alterner des moments joyeux, des instants mélancoliques, de subtiles touches d'humour...

 Grâce à une set-list parfaitement maîtrisée. Privilégiant bien évidemment le dernier album en date, avec des titres comme 'Le Mal Que Je N'Ai Pas Fait', 'Artiste', 'Pas Ce Soir', 'Le Vide En Soi', 'Toucher L'Horizon', 'Les Gens De 72', 'Le Sucre Pimenté', mais n'oubliant pas pour autant les pépites du passé : 'Black Popeye', 'Où est Billie', 'Soleil Du Nord', 'J'ai Mal Au Mic', 'Le Cactus De Sibérie'. Des chansons à mille lieux des figures imposées ou des poncifs pouvant gangrener le Rap de l'intérieur.  Aux thématiques humaines et pas artificielles (l'enfance, la solitude, l'amour, la paternité, le temps qui passe...). Des textes précis dans les propos et les images, poussant la rime toujours plus loin et faisant naître par petites touches l'émotion.

Ayant fait avancer, voire exploser, les limites de son art, Oxmo Puccino ne peut plus être considéré uniquement comme un Rappeur. L'étiquette serait trop réductrice. Pourtant, il reste un puriste. Sa volonté de se nourrir des autres musiques est issue de la culture du sample, fait partie intégrante des valeurs originelles du Hip Hop. En cela, il est aidé par quatre musiciens (un guitariste, un bassiste, un clavier et un batteur) tout bonnement incroyables. Passant avec maestria de sonorités acoustiques à des ambiances Jazzy, Funk ou Rock. Le quatuor impressionne par sa virtuosité nonchalante. Le plaisir pris sur scène est évident. Particulièrement lors de ce que Oxmo appellera son « quart-d'heure américain ». Un medley où, sur des classiques du Rap US, le chanteur interprète ses propres textes. Gratifiant ainsi, le public d'un mash-up joué live entre son 'Masterciel' et le 'Still Dre' de Dr Dre ou encore d'une interprétation de sa chanson 'Equilibre' sur le 'Lose Yourself'  d'Eminem. Un très grand moment. Rappelant, ce qui n'est pas le moindre des compliments, la puissance dantesque des concerts du groupe américain The Roots, également adepte de ce genre d'exercice.

Devant tant de royauté, même sans carrosse, impossible de ne pas s'incliner.

 

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