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Pale Grey + Son Lux au Grand Mix

La très festive soirée d’accueil des abonnés du Grand Mix est une célébration à laquelle il faut avoir assisté au moins une fois, enfin, pas tous en même temps puisque le nombre d’abonnés excède désormais la jauge de la salle. Présentation réellement affolante dans sa qualité et dans sa diversité, du Ghana d’Ebo Taylor à l’Amérique de Midlake, d’Anthony Joseph aux Strypes, des femmes qui s’en mêlent aux montagnes de l’Atlas de François, que de voyages, que de destinations soniques proposées… Reste à choisir. Ou pas. On veut tout. Extraordinaire. Sur le ring, Julien Guillaume, programmateur, Rémi Lefebvre, président de l’association La Passerelle et Frank Nouy, co-pilote de l’opération « Passe ta chronique d’abord » avec les lycéens de Colbert et la collaboration de Juliette Callot et d'Olivier Pernot. Trois frappeurs aux poings lourds, balançant noms d’artistes et vidéos comme Ali percutant Foreman à Kinshasa. Sonnés. Heureusement que Jean-Pierre Hochart est fidèle au poste au bar et que la bière est offerte.

Les Belges de Pale Grey avaient la lourde tâche de relancer la machine après ces minutes d’excitation, de calcul financiers pour voir le plus de concerts possibles, de manip’ fiévreuses d’agenda pour voir comment décaler le débriefing du boss pour venir voir untel… Armé d’une pop légère sous influences, d’Alt-J à Metronomy en passant par Phoenix, le groupe est très au point musicalement et propose un set très intéressant, à trois semaines de la sortie de son premier album. A suivre, sans aucun doute. On leur souhaite vraiment bonne route en espérant les voir souvent pour dessiner un chemin encore plus personnel, au milieu de ces groupes références, au sein desquels ils ne déparent absolument pas. Restait donc l’énigme des Lucioles. Quand un album tel que « Lanterns » atteint ce degré de perfection dans la construction, ce niveau d’empilement lumineux des strates sonores, cette intensité dans le travail de studio, ce soin obsessionnel du détail, qu’il fait appel à tant de technologie, on peut légitimement se demander si l’on va assister sur scène à une récitation froide, robotique, des éléments qui le composent ou si l’on va pleurer de rage devant un vague fantôme flottant et diaphane de ce même disque, du Pro Tools unplugged, réduit à une expression qui ne pouvait en aucun cas être simple. Nous avions parié sur l’intelligence du brillant Ryan Lott pour qu’il trouve une solution scénique à la présentation de cet album sans embarquer l’auditeur dans le genre de shows où l’on ne cesse de se poser une question qui ruine tout : « Mais qui joue vraiment ? ». La classe folle de Ryan Lott aurait pu souffrir d’une cruelle désillusion, le renvoyer dans la catégorie des architectes sonores qui ne peuvent tout simplement pas passer la rampe sous les feux du même nom. Les cathédrales ont leur beauté propre mais elles peuvent s’avérer difficilement transportables, même place Notre Dame. A moins de tout repenser, de ne pas même tenter de reproduire l’album… au fond, pourquoi rejouer note pour note et plus fort ce que nous avons tous déjà écouté dix fois ? Il fallait donc injecter de l’organique, du vivant, de l’ADN, du cellulairePari tenu. Haut la main. Ryan Lott est arrivé tendu et concentré, prêt à en découdre sur le mode qui lui est propre, en jeune homme fluet à qui le combat ne fait pas peur, tout en noir, sobre et réservé, à pas légers. Immédiatement en voix, d'une justesse sidérale, littéralement traversé par sa musique, habitant son album déconstruit pour la scène, il s’est envolé seul, très haut emmenant instantanément tout le monde avec lui, tout aussi haut, en conquérant fier et martial de l’Alternate world avec lequel il a ouvert cette performance.

Pour la conquête, les armes sont conseillées. Dans sa hotte et dans ses bottes deux armes ultimes, un bretteur extraordinaire : Ian Chang, batteur de Matthew Dear avec lequel il avait foulé le sol européen pour la première fois en venant jouer au … Grand Mix. Derrière une magnifique batterie Ludwig, un kit très simple, Ian Chang a joué autour des boucles, les contournant à contretemps, venant parfois les rejoindre, libéré des contraintes de la tenue du temps par la machine. On a très rapidement compris qu’il serait la pulsation organique et le battement de cœur de cette soirée. Son talent phénoménal, sa capacité à se glisser dans les moindres interstices du temps, son refus du moindre coup de baguette inutile ont attiré tous les regards et pétrifié les premiers rangs. A sa droite, la seconde flèche du maître archer, Rafiq Bathya, qui récuse le moindre cliché du grand catalogue du rock’n’roll, guitariste parti en Islande travailler avec Valgeir Sigurosson, le sorcier caché derrière Vespertine  et Medulla de Bjork… A aucun moment, Bathya n’a cédé à une quelconque facilité, tout est sculpté, pensé, posé, accordé avec les boucles et les loops de l’homme et de la machine, avec le chant de Ryan Lott. Rarement on aura vu un guitariste refuser à ce point le moindre plan un peu pratique, on a davantage pensé à John Scofield et Adrian Belew qu’à un quelconque riffeur. L’ensemble donnait envie que sorte très vite cette version scénique de l’album, parce que c’en est un autre, lanterne éclairée plus sobrement mais tout aussi brillante. Manifestement très heureux de ce concert, Ryan Lott rayonnait encore en signant ses disques avec Ian Chang. Quand on lui fit remarquer à quel point ce batteur était crucial dans sa configuration, il eut ce geste élégant et léger de s’appuyer sur ses épaules pour entamer un petit saut d’enthousiasme. C’est dire dans quelle estime il le tient. Une véritable soirée de conquérant, les réseaux sociaux s’affolant autour de cette découverte. Épreuve de la scène réussie Easy, Ryan Lott ne nous a pas fait prendre des vessies pour des Lanterns.

 

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