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Pink Martini au Théâtre Sébastopol

La sonnerie retentit. « Embarquement immédiat ! »
Les hôtesses placent les derniers passagers. Le wagon théâtral au mur rouge est orné de vieilles bordures dorées.
Un vent lointain souffle les chansons attendues de Pink Martini.

Les cheminots en costard/cravate s’installent. Départ du train par un prodigieux classique.
Quand la séduisante conductrice China Forbes, en tunique noire des années 60 actionne sa voix langoureuse, sensuelle, subjuguante, ensorcelante (,…) le train semble franchir les frontières de l’espace et du temps.
Dès le 1er sifflement, les sourires béats montent aux lèvres de tous les passagers. Ils ne peuvent pourtant pas encore imaginer le voyage somptueux qu’ils vont vivre…

Pas de fenêtre, les chansons se succèdent à la vitesse des paysages. Leur fraîcheur aère tout le compartiment.
Chaque arrêt, comme un arrêt dans le temps, nous présente un nouveau pays, une nouvelle culture, une autre époque, une bride de film romantique.

Contrairement à la fierté américaine persistante, ces 12 artistes engagés préfèrent ouvrir les esprits, à travers leur musique, aux autres et au monde.
« Archéologues de la musique » comme ils se définissent si justement, ils nous livrent des standards d’antan et des compositions splendides aux sonorités retro.

Leurs mélodies varient entre jazz, latino, lounge, cha-cha-cha, calypso, polka, classique, swing de l’après-guerre, fanfare brésilienne, B.O. de film japonais ou américain, musique orientale et dernièrement pop-rock.
Polyglottes, ils chantent en anglais, espagnol, français, italien, portugais, japonais, grec moderne et nouvellement, arabe.

Cet orchestre symphonique nous invite avant tout à une évasion complète. On se laisse emporter par leur bonne humeur, par l’intensité de leur trip. Ils savent jouer avec nos sensations et parviennent à faire monter insidieusement les émotions en nous. J’ai même pu percevoir quelques larmes couler sur les joues des voyageurs lorsque le sentiment insufflé par nos prodiges était la mélancolie.

Les contrôleurs maîtrisent parfaitement leurs outils : voix, piano, trompettes, violons, vibraphones, percussions, congas, batterie, basse, violoncelle, guitare, grande cymbale,…
Des solos à bluffer, des violonistes qui utilisent leurs doigts comme archet, des cheminots polyvalents et une anecdote sur l’aventure à venir entre chaque prouesse technique… Quel bonheur !!

Certainement non gréviste ce soir ! Ils n’ont pas chômé pour nous faire explorer leur 3 albums, sans oublier leurs grands tubes !
Malgré les applaudissements insistants pendant tout le show (ce qui semblait gêner nos travailleurs de manière adorable), il a fallu atteindre le Brazil pour que les clients, huppés vu les prix du circuit, se lèvent de leurs confortables fauteuils, remuent les hanches et offrent la standing ovation tant méritée.

A notre grand regret, on arrive au terminus.
« Tous les passagers sont priés de descendre du train »
Alors que nous aurions voulu rester dans ce wagon migrateur au moins le temps d’une nuit…
Le reflet du monde qu’ils nous ont si joyeusement délivré, retentira longtemps dans nos esprits…

Pour les abonnés des transports ferroviaires, un peu d’histoire:

C’est pendant leurs études à Harvard que China Forbes et Thomas Lauderdale (fondateur, directeur artistique, arrangeur et pianiste du groupe) se sont rencontrés.
Ils créent Pink Martini en 1994. D’abord à 4, ce groupe de Portland (Oregon) va vite prendre de l’ampleur.
Ils débutent leur chemin par des sentiers sociaux (défense des homosexuels,…) pour ensuite parcourir le monde.

C’est en 1997 que sort enfin Sympathique, leur 1er album. Double disque d’or en France… Ils nous rendent donc régulièrement visite ! La chanson far résonne dans toutes les têtes : «Je ne veux pas travailler… »… Et oui, on est beaucoup à désirer les mêmes choses ! Mais ne nous reste t-il que ces paroles pour rêver ??
En 2004, Hang on little tomato, le 2ème album contient plus de compositions. Le titre de l’album présente une chanson d’espoir composée après visionnage d’une pub de ketchup... Comment créer si grand avec si peu ??
En mai 2007, Hey Eugene débarque dans les bacs. La chanson titre est une chanson plutôt pop-rock, fait inhabituel jusqu’alors chez PM. Elle évoque la rencontre de China F. et de Eugene, jeune homme rencontré dans une soirée New Yorkaise, qui a prit son numéro de téléphone, et n’a pourtant jamais appelé. Que peut-il bien se passer dans le cerveau d’un homme pour ne pas rappeler une telle femme ??
L’album présente Bukra Wba’do, leur 1ère reprise en arabe, créée en 1957 par Mourad et Qorah. CF a travaillé cette langue pour comprendre vraiment le sens et pouvoir y mettre l’intensité souhaitée. Malgré un discours amoureux, cette chanson transmet une réflexion politique... Petit « fuck » adressé bien volontiers à Georges Bush, père et fils, qui semble irriter les valeurs de PM.

Il est prévisible que le train, l’ouragan, repasse régulièrement par la France, non seulement parce qu’ils aiment ce pays qui les adule, mais parce qu’CF tient des origines françaises de sa grand-mère (elle a aussi des origines africaines et écossaises).

Après avoir entendue en live Amado moi, Hey Eugene, Hang on little tomato, Lilly, Una notte a Napoli, City of night, Syracuse, Autrefois, ¿Donde estas, Yolanda ?, Brazil,… Je suis encore plus convaincue de l’énorme talent de ces artistes ! A redécouvrir chaque jour !

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