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Prince au Main Square Special

Beaucoup en avait rêvé. Sans trop y croire. Et pourtant, le Main Square l'a fait. Le Main Square a réussi à créer l'événement en clôturant avec la venue d'un des derniers génies vivants de la musique : le Nain Pourpre, le Kid de Minneapolis, The Love Symbol, c'est-à-dire Prince. Un des derniers représentants de ce que l'on peut appeler les mega-stars de la musique. Un musicien surdoué, capable de sortir des albums indignes de son immense talent. Un artiste que l'on dit ingérable, capable de quitter une scène si un quidam ose le prendre en photo ou si la salle ne réagit pas comme il le souhaite. Une star inaccessible pour le commun des mortels (entendez ici, ceux ne faisant pas partie de la Jet Set ou n'ayant pas un porte-feuille doré) car, ces dernières années, particulièrement lors de son passage au Grand Palais de Paris en octobre 2009, les billets de ses concerts étaient vendus à des prix exorbitants. De plus, il fallait avoir les connaissances nécessaires pour savoir où et comment ils allaient être vendus. Énervant pour les fans. Surtout ceux n'ayant jamais eu l'occasion de voir la bête sur scène et ne se contentant donc que des nombreux DVD live et bootlegs de l'artiste.

Le concert d'Arras n'était donc pas à rater. Même s'il est vrai que le prix des billets (84 euros pour une place normale, 128 pour être placé dans le carré or) était quelque peu onéreux. Mais réaliser un rêve n'a pas de prix. Et quelques hésitants, fin juin, lors d'une opération spéciale, auront pu bénéficier de billets à prix réduits, 48 euros. Des milliers de spectateurs, de tous âges et tous horizons, auront ainsi fait le déplacement.

En bon maître loyal de son Funky Circus, Roger n'est pas venu seul. Ben oui, le véritable nom de Prince, c'est Roger, Roger Nelson. Ah, c'est moins glamour! Quoi qu'il en soit, il a pris dans ses bagages, pour assurer sa première partie, ses amis de Mint Condition et le légendaire Larry Graham et son Graham Central Station. Des premières parties qui auront soufflé le froid et le chaud sur le public en calmant difficilement son impatience. Car comme le rappelle le personnage de Ross Geller dans la série Friends, les premières parties, c'est comme les préliminaires en amour. Généralement, ce n'est pas pour cela que l'on a pris un « ticket ». Cela peut être plaisant mais c'est surtout la suite que l'on attend.

Mint Condition, groupe américain, fera preuve de professionnalisme mais on ne goûtera sa prestation que du bout des lèvres. Beaucoup trop de frime (surtout de la part de l'insupportable chanteur), des airs de crooner surannés et une musique mielleuse, insipide qui nous replonge vingt ans en arrière avec des airs de New Jack nous rappelant les affreux Boys II Men ou Color Me Badd. De la musique pour bobos blacks de la Big Apple.

Larry Graham relève le niveau. On en attend pas moins de ce bassiste mythique entré dans la légende car ayant officié dans Sly And The Family Stone, célèbre groupe U.S. multiracial de la fin des 60's et du début des 70's mélangeant le Funk à divers styles musicaux, et, principalement, car ayant inventé la technique du Slap, méthode consistant à donner un coup sec et rapide sur les cordes graves de la basse et créant ainsi un son percussif. Arrivant sur scène avec ses musiciens du Graham Central Station tels une fanfare, en passant devant les spectateurs du carré or, Larry Graham, costard et chapeau blancs, chemise pourpre, la parfaite tenue de l'American Pimp, offre un vrai show à l'américaine et se paie le luxe d'un bain de foule. Tout cela est énergique mais, malheureusement, trop démonstratif. La basse se fait trop présente, au détriment des autres instruments, particulièrement de la guitare. Néanmoins, le medley consacré à Sly And the Family Stone mettra tout le monde d'accord.

Arrive enfin le moment tant attendu. Les musiciens de Prince s'installent sur scène, sous le gigantesque écran ovale installé pour l'occasion, multicolore et dans lequel se dessine le fameux Love Symbol sur un motif de mandala, symbole tibétain invitant à la transe, et entament un long instrumental. Le Kid de Minneapolis arrive du fond de la scène. Il est habillé d'un kimono de soie où, bien sûr, sa propre silhouette est dessinée (kimono de « soi », donc...). Il se poste devant le public et fixe la foule les bras ouverts, tel un messie, sous un tonnerre d'applaudissements et d'acclamations. Il saisit sa guitare et entame son set avec des tubes immortels comme « Let's go Crazy », « Delirious », « 1999 », « Controversy », « Little Red Corvette »... La température, déjà bien élevée, monte encore d'un cran. Et c'est à un concert MA-GI-QUE que l'on assiste...

Et paradoxal, à l'image de l'artiste. Le show est spectaculaire mais les effets sont simples, se limitant à cet impressionnant écran géant rivé au-dessus de la scène et à des jeux de lumières bien pensés et réalisés. L'artiste est mégalomane, égocentrique mais il laisse une énorme marge de manoeuvre à ses musiciens qui démontrent toute l'étendue de leurs talents: Cora Coleman à la Batterie, Joshua Dunham à la basse, Morris Hayes aux claviers, Fredérique Yonnet, génial à l'harmonica (instrument que l'on découvre sur le coup incroyablement funky), et Elisa Dease, Shelby Johnson et Olivia Warfield aux choeurs. Il convie également Larry Graham et le chanteur de Mint Condition sur scène pour un medley endiablé où sont repris des tubes de Michael Jackson, Sly And The Family Stone, Chic... Le concert alterne moments médiocres (bah, juste 5% du set avec des passages aux claviers faisant appel à des sonorités trop désuètes, une batterie quelques fois trop synthétique et ce passage de micro inutile à l'une des choristes pour un mièvre morceau solo) et purs instants de grâce (les 95% restant, donc!). Prince démontre qu'il est un multi-instrumentiste virtuose (et qu'il est à considérer comme un véritable guitar hero) mais n'est jamais dans la démonstration gratuite, privilégiant toujours la mélodie à la technique. Et s'il est inaccessible (particulièrement pour les journalistes qui ont refusé de signer une convention contraignante quant à la parution de photos du concert), le Kid se montre, sur scène, incroyablement ouvert, souriant, communicatif et généreux avec son public. Il descendra même de scène pour venir saluer les spectateurs des premiers rangs et leur serrer la main.

Prince, d'ailleurs, joue de nombreuses fois, et avec humour, de sa personnalité de Prima Dona. Il prend la pose, fait la starlette, fait mine de quitter la scène, se retourne et regarde la foule avec des yeux de biche interrogateurs disant: "Voulez-vous que je reste?", reprend ironiquement, avec le recul nécessaire, le gimmick de la chanson « Everybody Loves Me »: « I Love Everybody Tonight And Everybody Loves Me ». Car le chanteur est visiblement ravi de jouer ce soir en France. Il clamera, de multiples fois, son amour pour notre pays dans lequel il souhaite, prochainement, s'installer. Ainsi, ce n'est pas à un mais à quatre rappels qu'aura droit le public. Avec un « Kiss » d'anthologie où Prince, déchainé, montrera ses talents de danseurs et un magnifique « Purple Rain ». Une chanson que l'on connaît par coeur, sur laquelle on a tous dragué, emballé, conclu, fait des bébés et que l'on a l'impression, pourtant, d'entendre pour la première fois ce soir. On voit les spectateurs fermer les yeux, frissonner de plaisir, des couples s'embrasser... Un vent d'érotisme parcourt La Citadelle... On consent à ce que cela dure toute la nuit... Et en amant émérite, l'artiste sait prendre son temps et faire durer le plaisir. Alors que l'on croit le concert fini, que le public commence à sortir du site, Prince, au bout de dix minutes, remonte sur scène pour un dernier coup de reins et une ultime éjaculation sonore. L'orgasme est total !

Après plus de deux heures de concert, les spectateurs, n'ayant jamais vu auparavant le chanteur sur scène, ressortent ravis, exténués, des étoiles plein les yeux et les oreilles, comme des jeunes filles en fleur, heureuses d'avoir perdu leur virginité dans de si belles conditions. Prince, du haut de ses 52 ans, n'aura pas déçu, aura démontré pourquoi il est une légende et pourquoi il peut se permettre de jouer la Star. Tout simplement, quoi qu'en disent ses détracteurs, parce qu'il est un GÉNIE !

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