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Shaolin Temple Defenders à la Péniche

La France, nouveau paradis de la Black Music? La question peut porter à sourire tant ce style musical semble être uniquement l'apanage de nos cousins américains. Mais ces dernières années, les galettes d'artistes bien de chez nous (Ben L'Oncle Soul, Bibi Tanga, Les Gréements De Fortune, Fanga, Mr Day, The Dynamics, Sly Johnson, Uptown Funk Empire...) ont changé la donne. On pourrait, d'ailleurs, rapprocher cette émergence d'une nouvelle scène musicale nationale au mouvement Northern Soul né à la fin des années 60 en Angleterre. Et le groupe Shaolin Temple Defenders, avec son nouvel album « Take It Slow » (succédant à « Chapter I: Enter the Temple » et à « Chapter II: Gettin The Spirit ») et la tournée qui en découle confirme qu'il est un des fers de lance de cette tendance de ce que les historiens appelleront peut-être plus tard la « Froggy Soul ».

Biberonnés aux sonorités sixties de la Tamla Motown et de la Stax, les Shaolin Temple Defenders, avec l'énergie et l'agilité de Gordon Liu dans le film "La 36e Chambre de Shaolin", défendent avec acharnement l'héritage du temple de la Soul et du Funk. Et pour eux, nul besoin d'user du « Kung-Fu Fighting » chanté par Carl Douglas ou de distribuer des tatanes dans la gueule. Juste de se poser en disciples humbles et généreux, aguerris aux techniques foudroyantes des sonorités vintage et à l'art ancestral du groove. Ce qui leur a permis de gagner leurs dans et une crédibilité en Angleterre (l'autre patrie de la soul), de leur ouvrir les portes du Festival International de Jazz de Montreal, des Francofolies et même d'ouvrir pour Sly And The Family Stone à l'Olympia.

Ainsi, malgré l'heure tardive (23 heures), la Péniche du Pianiste fait très vite le plein de personnes prêtes à en découdre avec ces moines d'une nouvelle espèce. Dans l'étroitesse de la petite scène qui fait tout le charme de cette salle de concert et lui donne un aspect club, les musiciens font leur apparition: Jérémy Ortal à la basse, Mickey Fourcade à la batterie, Laure Fréjacques à la trompette, Vincent Le Fort au saxophone, Cédric Lacaze à l'orgue et à la flûte et Pierre Petit à la guitare. Surnommé Le Prêtre, celui-ci, dans la plus grande tradition des concerts Soul, ouvre la messe en chauffant le public, en présentant le groupe et en faisant monter la pression avant l'arrivée du chanteur (Lion Of Bordeaux) en usant de nombreux superlatifs pour préparer sa venue sur scène. Des superlatifs qui ne seront pas du tout superflus, tant ce quasi-sosie de Mouloud Achour, véritable bombe d'énergie, se révèle être un formidable chanteur, aussi à l'aise dans les rugissements Funk (« International Soul », « Watch Your Step ») que dans la tendresse Soul (« Take It Slow », « Something To Share »).

Et tandis que cela feule et rugit au micro, le groupe derrière vient défier les formations historiques du genre (les JB's, les Funk Brothers, The Meters) sur leur propre terrain. Les cuivres sont au diapason avec des envolées solitaires de toute beauté du saxophoniste ou de la trompettiste, l'orgue nous chatouille les tympans avec des sonorités venues du passé, le batteur et le bassiste groovent comme des malades tandis que le guitariste, malgré son surnom, livre des riffs sexys qui ont plus avoir avec le diable et le pêché qu'avec la bienséance catholique mais devant lesquels on ne peut que tirer sa révérence. Rajoutons à cela l'intervention de Christelle, une amie du groupe, pour un duo plein de charme et de sensualité. Le concert transpire (au sens propre comme au figuré) l'authenticité et fait souffler un réel vent de nostalgie dans le public, bien trop jeune pour avoir connu l'âge d'or de la Black Music.

Nul doute qu'avec de pareils défenseurs, le temple de la Soul a encore de beaux jours devant lui et ne risque pas de s'éffondrer. Et que la France peut, sans conteste, oublier ses complexes d'infériorité vis-à-vis des productions d'outre-Manche ou d'outre-Atlantique.

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