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Steve Gunn à la Péniche

C’est la Péniche des temps chauds qui  nous accueille ce soir, celle de son ponton ouvert à tous pour profiter d’un peu de fraîcheur estivale avant la canicule annoncée. A l’intérieur, la climatisation est à fond, doux rempart contre les assauts épuisants du thermomètre. Yann est à la barre et accueille chaleureusement tous ceux qui se sont déplacés pour voir et apprécier Steve Gunn, le discret magicien aux doigts fins et subtils.

L’entrée du groupe sur scène est d’une retenue remarquable, on passe par la salle, très convenablement remplie, quelques bières à la main, en toute humilité. On monte sur scène comme on va faire son métier, avec la noblesse des artisans au savoir-faire avéré. Une toute nouvelle génération de musicien est là, celle qui n’a pas été habituée aux ors faciles de l’argent ruisselant. Vendre un disque tient du prodige et sortir plus de dix tee-shirts un exploit. Alors, on évite de se la jouer: Steve remercie sincèrement et chaleureusement tous les gens qui se sont déplacés en ce lundi soir, jour qu’il estime manifestement être le plus dur pour remplir une salle.

Le propos est très exclusivement musical, Steve et ses comparses jouant davantage comme des musiciens de jazz en club que comme des gars qui chiquent à la rock star. La musique est volubile et aérienne, la technique très spéciale, on joue avec tous les doigts à la main droite et la main gauche gambade en araignée savante sur le manche, extrêmement agile. C’est incroyablement dynamique. On plaque assez peu d’accords et si on vient pour le volume et la puissance, il faudra patienter un peu. Canal clair, sans saturation, ça tinte, ça carillonne, à l’électro acoustique comme à l’électrique, on joue assez peu avec les effets. Way out weather, le titre, est livré dans une version splendide, la voix fondue dans le mix général.

Le groupe manifeste un sens aigu de la construction de longues pièces psychédéliques, folk et jazzy, bluesy et toujours réussies. On est également parfois au bord de mélopées orientales rêveuses, le temps s’arrête, la musique s’installe et emplit tout l’espace. Steve Gunn conquiert totalement le public en lui demandant de s’avancer « parce qu’il se sent un peu seul ». Le groupe est soudé, très rôdé, une basse très ronde tenue par Tommy DeNys vient compléter la profonde humanité qui se dégage de l’ensemble. Erik Hesteermans est aux baguettes.

Pas de set list, on commence le morceau et tout le monde comprend tout de suite. La chaleur monte, Steve demande très gentiment si le groupe peut avoir quelques bières de plus et joue une « beer song » en patientant. Il décline son splendide Way out weather, gorgé d’arpèges cristallins et d’incursions au pays d’une électricité plus franche. On peut en effet envoyer du bois, en tricotant avec Paul Sukeena, le second guitariste, discret et très complémentaire, pas plus conventionnel dans son jeu que Gunn lui-même. On ne se partage pas les rôles sur le mode du guitariste rythmique et du soliste, c’est un échange passionnant. On cherche le bon dosage, la justesse, la finesse, au prix d’accordages un peu compliqués quand on n’a pas de technicien guitare embarqué en tournée. Ça bouge vite, les cordes et le bois, quand il fait chaud. Le public est ravi autant qu’il est varié, on surprend des tee-shirts de Motörhead et du Hellfest, en bord de scène. Ils viennent rappeler que les chapelles sont vaines en musique.

Steve revient au rappel éteindre les lampions de la scène  et rallumer les lumières de la salle par un passage solo, à l'acoustique et au bottleneck, dépouillé et humble. On s'égare en songeant à des paysages désertiques et immenses, à des lumières bleues et intenses, à des fonds de ciel électriques. 

Setlist complète sur Setlist.fm (avec des vidéos ou du son associés).

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