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Stupeflip à l’Aéronef

Stupéfiant. La tournée précédente à peine terminée, le Stup repart sur les routes. A l'occasion de la sortie d'un nouvel EP : 'Terrora'. Une pièce très courte, 6 titres, accompagnée d'un DVD live. Un prétexte pour remplir de nouveau les caisses du CROU ? Une opération purement mercantile pour se faire du pognon sur le dos des petits lapins répondant toujours présents à l'appel du Stup. On serait tenté de le croire. Surtout lorsque l'on connaît le peu d'amour que peut éprouver Julien Barthélémy, tête pensante du mystérieux collectif, pour l'exercice de la scène. Une aversion qu'il n'a jamais cachée en interview, critiquant les concerts pour leur côté « bête de foire ».

Cette réticence presque maladive ne l'aura néanmoins pas empêché de repenser méticuleusement le show. Car c'est bien à un spectacle entièrement remanié auquel sont conviés les spectateurs. Nouvelle scénographie, nouveaux costumes, nouvelles cinématiques, nouveaux morceaux et anciens titres totalement réarrangés, l'homme qui se cache derrière le masque de King Ju a encore peaufiné dans les moindres détails la manière avec laquelle son univers particulier et les nombreux personnages qui le composent peuvent s'incarner sur scène. Prouvant une fois de plus, si besoin en est, que « Stupeflip, c'est pas n'importe quoi ».

La mise en scène du spectacle retranscrit à merveille l'atmosphère foutraque et cohérente des albums. Se succèdent ainsi, au rythme des chansons, différents tableaux. Inquiétants, apocalyptiques, d'une profonde noirceur quand King Ju, Cadillac ou MC Salo prennent le micro pour cracher leur haine du monde. Ou d'un kitsch et d'une mièvrerie absolus quand Pop Hip, minable chanteur de variétés assassiné lors de la tournée précédente, revient d'outre-tombe pour entonner ses ritournelles ridicules sous les huées du public. Un bal nihiliste et régressif faisant tournoyer ensemble jusqu'au malaise Mad Max et Oui-Oui.

Jouissif et drôle pour certains. Simplement consternant pour d'autres. En effet, comme en écho aux paroles de 'Hater's Killah', de nombreuses voix s'élèveront sur les réseaux sociaux, ou sur le site même de L'Aéronef, pour critiquer cette prestation. Jugée bien trop courte et mollassonne. Plutôt surprenant. Car le groupe aura joué une heure et quart. La durée habituelle d'un concert de Stupeflip. Qui, rappelons-le, prend un malin plaisir à frustrer son public en refusant les rappels. Et injuste. Car le Crou, à grands renforts de guitares saturées, aura fait preuve d'une énergie résolument plus rock et agressive que sur la tournée précédente.

Trop dadaïste et avant-gardiste, totalement barré et imprévisible, naviguant entre 1er et 36e degré assumé, osant tout, même la médiocrité musicale, sans se soucier du soi-disant bon goût et de la bienséance, Stupeflip reste finalement un grand incompris. Divisant. Déchaînant les passions. C'est ce qui fait sa force. Et fascine.

Naïf, sincère, pataphysique, provocateur, refusant le compromis, violent et tendre, Stupeflip est tout cela à la fois. Mais il est avant tout un souffle de liberté artistique. Un spectacle de marionnettes décadent. Un théâtre de masques exprimant les angoisses d'adultes pas réellement sortis de l'adolescence, un peu geeks sur les bords, paumés et déçus du quotidien qui s'offre à eux. Derrière la gaudriole, le délire puéril se cache un spleen contemporain. Un existentialisme futile. Mais touchant. Car lié à la perte de l'enfance et de l'innocence.

Ecouter Stupeflip, assister à l'un de ses shows, c'est accepter de faire un replay sur sa propre vie. De retourner dans son adolescence. Un âge un peu bête et difficile à vivre mais néanmoins formidable car porteur de tous les espoirs. Pas étonnant donc de voir le concert se terminer en portnawak généralisé avec un DJ set débile (le Super Crou Disco!) où King Ju et Cadillac font les cons sur du Hip Hop, du Hardcore, du Punk, des morceaux idiots ou même leurs propres chansons. Transformant L'Aéronef en gigantesque chambre d'ados.

Stupeflip, c'est un gars bien. Parce qu'il refuse de grandir.

 

 

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