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The Fleshtones & The Bellrays au Centre Culturel Gérard Philipe à Calais

En soirée, dès que l'on se met à parler musique, ça ne manque jamais, il y a toujours un gars qui vient vous casser les oreilles avec des sentences réac et caricaturales telles que: « La musique, c'était mieux avant! », « Aujourd'hui, la musique, c'est juste des machines et du boum boum! » ou encore « Le rock est mort! ». Agaçant. On se dit donc qu'une date réunissant les Fleshtones et les Bellrays, deux groupes gardiens du temple du rock à l'ancienne, réputés pour leur énergie scénique et leur son garage et old school va réunir du monde. Surtout que le billet d'entrée est moins cher qu'un paquet de clopes (5 euros). Que nenni, les amis! Le centre culturel Gérard Philipe de Calais est aux deux tiers vide en ce soir du 12 mars 2010. Énervant et décevant.

Mais cela ne va nullement refroidir les Fleshtones, qui en ont vu d'autres tout au long de leur carrière chaotique. Formé en 1976 à New York, ce groupe est composé, après de multiples remaniements, de Peter Zaremba au chant et à l'orgue, Keith Streng à la guitare et au chant, Bill Milhizer à la batterie et Ken Fox à la basse et au chant. Jouant un garage punk avec un son sixties (guitare Fuzz et orgue Farfisa) et des influences diverses (surf music, rockabilly, rhythm and blues), les Fleshtones, malgré un succès confidentiel, se voient vouer un véritable culte par les esthètes estomaqués par leurs prestations live considérées comme orgiaques et orgasmiques.

Ils ne dérogeront pas, ce soir, à leur réputation. Leur entrée est fracassante. Alors que les instruments commencent à résonner, personne n'est sur scène. Le groupe surgit, en fait, du fond de la salle par une porte de service. Le batteur tape sur une caisse claire. Le bassiste et le guitariste jouent de leur instrument sans câble. Ils traversent la salle et le public surpris et médusé. Un mur de distorsion commence à se construire. Le batteur s'installe derrière ses fûts, ajuste sa caisse claire: le premier morceau est lancé. La magie opère instantanément.

Nul besoin de connaître leurs morceaux pour se laisser embarquer dans leur « magic bus ». Chaque chanson est une déflagration sonique qui vous emporte tel un tourbillon. Les mélodies sont entraînantes, enjouées et se révèlent être d'imparables machines à danser portées par l'incroyable voix chaude et canaille, que l'on devine patinée par des excès en tous genres, de Peter Zaremba qui, tel Iggy Pop, ne cesse de se démener sur scène, avec l'énergie des survivants revenus de tout, gesticulant comme un damné, malmenant son pied de micro, n'hésitant pas à descendre dans le public, sautant par dessus son orgue, s'excitant sur son harmonica, enlevant sa chemise pour en révéler une autre à paillettes que même les Bee Gees n'auraient pas oser porter...

Les musiciens ne sont pas en reste. Le guitariste et le bassiste ont visiblement révisé l'encyclopédie de la Rock N' Roll attitude et prennent, sans se prendre le moins du monde au sérieux, 15 000 poses iconiques à la seconde, de quoi faire passer feu James Brown, Mick Jagger ou Angus Young pour des paraplégiques. La scène se révélant trop petite pour eux, ils n'hésitent pas à descendre de nombreuses fois dans le public, lâchent même leurs instruments en les confiant à un roadie et au bassiste des Bellrays pour aller improviser un concours de pompes avec les spectateurs. Ces mecs sont tout simplement timbrés.

A cinquante ans passés, les Fleshtones continuent de jouer leur musique avec l'énergie et la hargne d'éternels adolescents tombés dans une fontaine de jouvence. Le show durera une heure et quart et à aucun moment la tension ne retombera, les chansons se succédant frénétiquement. Juste le temps de brailler « one, two, three, four » et un nouveau morceau est entamé. L'expression peut paraître galvaudée, surtout lorsque l'on est un concert addict légèrement blasé, mais il faut se rendre à l'évidence: qui n'a jamais vu un concert des Fleshtones n'a jamais vu un concert de Rock n' Roll de toute sa vie.

Dur dur donc de succéder aux Fleshtones. La prestation des Bellrays, trois mois après le passage de leurs leaders Bob et Lisa en acoustique à La Péniche Du Pianiste, se révèlera ainsi quelque peu décevante. Pourtant, leur rock énervé mélangeant influences soul et garage a tout pour plaire en live, surtout quand on apprécie leurs albums. Il est vrai que, musicalement, les Bellrays respectent leur public, se donnent à fond, ont un son brut de décoffrage, que Bob derrière sa guitare ne ménage pas ses efforts et a tout du guitar hero, que leur nouveau batteur, sorte de Dave Grohl aux origines asiatiques et au corps de karatéka, est impressionnant de puissance et de technicité, que Lisa est une véritable tigresse derrière son micro... Mais, mais... On ne peut s'empêcher de faire la fine bouche, de trouver cela trop bien huilé et de penser qu'il manque un léger je-ne-sais-quoi. Sûrement le côté soul et groove qui caractérise leurs albums et leur donne tout leur charme. Lisa devrait ainsi se montrer moins panthère et plus chatte sur scène afin d'apporter une petite note sexuelle, érotique à leur musique. Et aussi de moins donner l'impression de faire la tronche, désagréable sensation renforcée par le fait qu'elle ne communique pas avec le public, mis à part les traditionnels « We Are The Bellrays And We Play rock N' Roll! ».

Cela, néanmoins, n'enlèvera rien au plaisir que l'on a pu éprouver lors de cette soirée mémorable. Seules nos oreilles où le cérumen fut violemment liquéfié à coups de décibels et les tympans martelés par tant de distorsion ne diront pas merci. Mais comme le dit le dicton, si la musique est trop forte, c'est que tu te fais trop vieux. Et nous, comme les Fleshtones, on veut rester éternellement jeunes !

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