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The Inspector Cluzo & Mr Marcaille à l’Aéronef

 La révolte gronde chez les bassistes du monde entier. Des informations circulent sur de possibles manifestations se préparant à l'entrée des salles de concerts. Des rumeurs alarmantes en provenance des RG laisseraient même entendre que certains adeptes de la quatre-cordes envisageraient de prendre les armes ou de perpétrer des attentats. Le niveau d'alerte est au rouge et les lieux de vie culturelle ainsi que les salles de répet' sont placés sous haute surveillance. La raison de cette colère? Le rejet pur et simple dont sont victimes, à l'heure actuelle, les bassistes. Déjà défavorisés par le fait d'être, dans un groupe, ceux qui attirent le moins les gonzesses, celles-ci trouvant plus glamour de se taper le chanteur, le guitariste ou, à la limite, le batteur, ils sont de plus en plus mis à l'écart. De nombreuses formations se passent de leurs services: The White Stripes, The Black Keys (en concert le 25 mars 2011 à l'Aéronef, déjà une bonne raison d'être l'année prochaine!), The Black Box Revelation... Et à l'écoute de l'excellence de leur musique, franchement, on se dit, qu'effectivement, un bassiste, ça sert à rien! Ce qu'affirment haut et fort les membres du groupe The Inspector Cluzo dont le cri de guerre est: « Fuck The Bass Player! ».

 

Mr Marcaille qui assure leur première partie, tel la vieille blonde décrépie aux idées rances sur son Harley Davidson, lui, n'a besoin de personne, ni de bassiste, ni d'autres musiciens, pour venir foutre le dawa. Juste de son violoncelle qu'il relie à un ampli distordu. Pourvu d'un physique imposant qui n'aurait pas fait tâche parmi les compagnons d'armes de Mel Gibson dans le film Braveheart et d'une voix qui ferait passer l'organe de Tom Waits ou de Lemmy Kilmister (chanteur de Motorhead) pour celui d'un choriste des Petits Chanteurs A La Croix De Bois, le bonhomme a adopté comme devise: « Des pieds pour frapper, des mains pour jouer, des cordes pour hurler ». Et sur scène, ça défouraille sévère. Ce Capitaine Caverne des temps modernes offre un freak show musical tout bonnement stupéfiant, livrant des compositions aux influences heavy ou punk dans une ambiance de cabaret mutant. Torse nu, poils au vent, Mr Marcaille maltraite son archet sur les cordes de son violoncelle dont les sonorités lourdes, déformées, cradingues, puissantes semblent surgir directement d'outre-tombe, remplaçant (oh surprise) idéalement des accords plaqués sur une banale guitare électrique, et éructe avec fureur des histoires de catcheurs (avec un hommage rendu au mythique André Le Géant) et de cascadeurs (« The Wall Of Death »). Il se payera même le luxe de reprendre le « You Suffer » de Napalm Death, morceau légendaire car étant le plus court de l'histoire de la musique (1s30)! Une prestation sauvage à l'image de ce solide gaillard enchaînant les bières, rotant entre deux chansons, marquant son territoire en mollardant aux quatre coins de la scène, voire même en direction du public, déjà maltraité par ses nombreuses vociférations, qui aura juste le temps de s'écarter au dernier moment... De quoi provoquer une descente d'organes ou une crise cardiaque aux amateurs de Pop Music aseptisée!

Les landais de The Inspector Cluzo ne se montreront pas beaucoup plus tendres avec le public, venu relativement nombreux pour un mercredi soir, signe d'un succès grandissant et largement mérité. Un des adages du groupe est: « Si certains ne sortent pas vexés de la salle, si la musique ne va pas trop fort et si on ne casse pas tout, ce n'est pas un vrai concert de Rock! ». Programme qui sera appliqué à la lettre! Mais on n'en attend pas moins de ceux que la presse australienne a baptisé les « French Bastards » après les avoir vus pulvériser systèmes auditifs et mettre le feu sur les scènes du pays du Rugby à 13. C'est que, nul n'étant prophète dans son pays, s'ils arpentent pour la première fois les routes françaises, Malcolm Lacrouts (guitare et chant) et Phil Jourdain (batterie et backing vocals) sont loin d'être des puceaux boutonneux tout juste sortis de leur local de répétition improvisé dans le garage des parents. Anciens membres des Wolfunkind, ils ont déjà sillonné une vingtaine de pays à travers le monde où ils ont été unanimement salués pour leurs prestations dantesques (jetez un oeil, par exemple, sur leurs vidéos live réalisées au Japon postées sur le net). Le même phénomène que pour le groupe Phoenix, en fait. Mais avec de la bonne musique, cette fois!

Le groupe ne décevra pas ses fans, les curieux alléchés par leur réputation ou les novices profitant de leur abonnement à l'Aéronef et de l'entrée gratuite qui leur est réservée en livrant un concert explosif où partouzent allégrement Rock enragé et Funk endiablé. Tout aura pourtant commencé de la manière la plus sensuelle du monde avec une rythmique groovy et les vocalises de haute volée de Malcolm. S'il n'était pas aussi joufflu, barbu et blanc aspirine, on jurerait voir Prince devant nos yeux ébahis. Mais très vite, la machine s'emballe et les bombes sont lâchées: « Two Days », « Do you Make It Right », « Terminator Is Black In His Back », « The French Bastards »... Les guitares sont tranchantes, des riffs bien lourds succèdent à des accords plus catchy, Phil fait preuve d'une dextérité hors du commun matraquant ses fûts comme un CRS un pauvre étudiant, le feeling en plus, et Malcom impressionne avec ses voltiges vocalistiques, faisant tourbillonner dans une même bouche grosse voix de hardos et timbre fluet de Funky Boy. Ça groove comme jamais et ce sans aucune prise de tête. Les amateurs de fusion, style musical quelque peu passé de mode malheureusement, de Fishbone, de Living Colour, du RHCP des débuts sont aux anges. Les plus nostalgiques ou les plus vieux (snif!) se remémorent les concerts des anciens défenseurs de la fusion française, feus les excellents Silmarils ou FFF (au fait, Marco quand tu auras fini d'aller chercher ton chèque dans tes émissions de télé-crochet ou en sortant des albums solos indignes de ton talent, tu envisageras de te remettre sérieusement au boulot avec tes potes de la Fédération Française de Funk, parce que tu nous manques!!!).

Ayant adopté comme sobriquet le nom du « héros » gaffeur et complétement crétin de la saga cinématographique La Panthère Rose réalisée par Blake Edwards, les French Bastards développent, sur scène, un sens de la dérision et du second degré qui n'épargne personne. Leur hymne « Fuck The Bass Player », où sur la version album le bassiste de Fishbone, qui ne doit pas manquer d'humour, Norwood Fisher, est venu les épauler, est ainsi l'occasion pour eux de cracher toute leur venin sur les bassistes du monde entier, qualifiés de Nicolas Sarkozy ou de Brice Hortefeux de la musique! Mais s'ils s'arrêtaient là, les bougres... Ils n'hésitent pas à cracher sur les groupes, cités plus haut en introduction, partageant avec eux la formation guitare-batterie, sur les musiciens se considérant comme des « demi-dieux » alors qu'ils « font juste bien leur boulot »... Et invectivent le public quand il est jugé trop mou du genou, le punissant avec une chanson sur Carla Bruni sobrement intitulée « I Want To Fuck The Wife Of The French President », en faisant monter des victimes consentantes sur scène pour remuer du popotin. Victimes bien entendues ridiculisées ou incitées, quand il s'agit d'une représentante du sexe faible, à imiter les spectatrices hongroises, parait-il peu farouches et exhibitionnistes. Le tout saupoudré d'un nombre conséquent de « Fuck », faisant passer un film de Tarantino ou de Scorcese pour un épisode des Télétubbies, et de l'insulte bien française faisant référence à une pratique anale (forcée ou non, tous les goûts sont dans la nature). Mais comme l'affirme le chanteur, dans sa lucide crudité, la vrai vulgarité n'est pas dans le fait de prononcer ces mots orduriers mais plutôt dans celui de « fermer sa gueule devant le recul de l'âge de la retraite ou l'expulsion des étrangers du territoire français alors que ce sont eux qui, au 20e siècle, ont permis à la France de se construire et de se reconstruire ». Amuser la galerie n'empêche donc pas de pousser un coup de gueule bien placé.

Le concert se termine en apothéose avec le morceau « The Inspector Cluzo » ouvrant le premier album, avec une quinzaine de membres du public invités à monter sur l'estrade pour venir tout casser en jumpant comme des malades car « les salles de concerts ont des subventions pour pouvoir reconstruire » et aussi pour mettre dans le bain « les responsables de ces salles qui se trouvent généralement là par hasard et qui ne connaissent rien à la musique ». Pas sûr que cela les aide à se faire des amis dans le milieu fermé et élitiste de la musique. Mais en tous cas, cela les rend précieux aux yeux du public qui affiche une banane qui fait plaisir à voir.

Ne reste plus alors, pour conserver un maximum de souvenirs de cet épique concert, qu'à de se diriger vers le rayon « textiles » du groupe pour se procurer (à un prix réellement d'ami) un des nombreux t-shirts du groupe illustrés avec soin et talent par l'artiste coréen Chris Chaos, rencontré à Taïwan. Des design aussi originaux que réussis, à l'image du packaging des deux albums du combo, prouvant le perfectionnisme apporté à leur oeuvre par ces deux « bâtards ».

 

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