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The Monochrome Set à l’Espace Hélios de Lambres-lez-Douai

Se réjouir à l’idée de regarder la télé en noir et blanc un samedi soir à Lambres-lez-Douai relèverait d’une étonnante pathologie : une nostalgie effrénée de la France des années 70, quand il fallait subir « Numéro un à… » de Gilbert et Maritie Carpentier, pathologie qui n’aurait d’égale que de posséder la collection complète des aventures de Derrick en VHS. Oui, mais… si Monochrome set peut signifier Télévision en noir et blanc, c’est aussi le nom de l’un des groupes les plus brillants de sa génération, toujours en avance, jamais calé, honteusement oublié...même cette chronique est en retard…

La proposition change du tout au tout. Il s’agit soudainement d’aller voir l’un des groupes les plus outrageusement sous estimé de toute l’histoire de la pop anglaise alors qu’ils ont étendu leur influence jusqu’aux… Smiths eux-mêmes. Si on s’étonne souvent de la manière qu’à Morrissey de porter la note et de roucouler, il faudrait sans doute commencer par reprendre toute l’histoire du groupe. Les Monochrome Set y ont cru, ont désespéré, se sont remis à y croire avant de jeter l’éponge, écœurés par tant d’insuccès. Thierry Margerin a écrit là-dessus un papier absolument fabuleux qui raconte comment un groupe pétri de talent, inventif, audacieux, ne rencontre finalement jamais son public. Sauf que le Monochrome a des fans, des vrais, capables d’engager leurs deniers et toute leur énergie pour les faire jouer. Ce sont eux Les Héros oubliés du rock’n’roll pour reprendre à notre compte le titre du livre de Nick Tosches:Flup Cola et Blackgirl, qui officient sur les ondes de Radio Scarpe Sensée dans leur Baroque Bordello Show. Ils ont mis toute leur belle énergie dans ce projet fou: amener le Monochrome set sur nos terres à l’heure ou surgit un excellent nouvel album, Super Plastic City. They did it.

Le concert commence et comme il ne se passe jamais rien normalement avec Le Monochrome, il manque Lester, leur très inventif guitariste : il est encore à l’hôpital après s’être cassé la jambe… deux jours plus tôt. Bid von Bid (Ganesh, dans la vraie vie), vêtu d’une sobre tunique indienne égrène sans se démonter ses arpèges magiques et ses accords en cavale. La setlist est absolument impeccable et l’on ne cesse de se poser les mêmes questions : pourquoi cette chanson n’a-t-elle pas aussi bien marché que Shine on de House of love, que n’importe quel titre des Smiths, que les arpèges des La’s de There she goes, que les enchaînements d’accords graciles des Pale Fountains… que la pop enluminée d’Aztec Camera ou d’Orange juice ? Mais pourquoi ces légères inflexions indiennes n’ont-elles pas reçu l’accueil de la musique de Cornershop et de son Brimful of Asha, par exemple?

Magique, intense, sobre, anglais, retenu. Un peu désespérant de penser que cette musique a quasiment systématiquement atterrie dans les bacs des soldeurs. Cela dit, nous étions là, au premier rang d’un concert d’autant plus précieux qu’il ressemblait au partage d’un secret : il existe donc un groupe dont on peut remonter toute la discographie pour s’occuper quelques mois, le ravissement au cœur et la béatitude au creux d’oreilles soudainement arrachées à une torpeur indue. Bid ne surjoue pas, le propos est musical, strictement. Andy Warren tisse de belles lignes de basse, élastiques, rondes et rebondies qu’un certain Andy Rourke des Smiths a du entendre, ici ou là…Soudainement, Steve Brummell, le batteur s’interrompt pour deux titres et file devant la scène prendre des photos…sous l'oeil amusé de John Paul Moran, le clavier. C’est là que l’on comprend que tout s’est inversé, tout le monde bosse au sein du groupe et le Set ne cherche plus la reconnaissance, il joue ici ou là, sous la forme d’un groupe amateur incroyablement bon. On fait autrement pour gagner sa vie et tant pis pour ce train tant de fois raté.

Comme l’écrit Thierry Margerin : Ces gens avaient tout : la classe, le look, l'humour et surtout, un SON : merveille de synthèse et d'intelligence, leur style est demeuré unique dans les annales de la pop anglaise. Lisez les paroles distanciées, suintantes d’ennui anglais de Time I’ve spent doin nothin et vous aurez compris. On peut toujours commencer par Black and White Minstrels, la compilation des singles Rough Trade, ou commencer à l’envers par… le dernier album. Ou revoir Strange boutique. Ou Love Zombies.

Le Monochrome, après ce show racé et sans fard, fit de leur ville d’accueil une Super Plastic City saupoudrée d’arpèges lumineux et d’étoiles pop scintillantes reflétées dans les yeux des chanceux aux pupilles plus dilatées que par le LSD du groupe, The Lighter side of dating, l’un de leur meilleurs titres.

Setlist : The Monochrome Set / LSD / The Jet Set Junta / Lefty / Alphaville / Strange young alien / Hip Kitten / Christine / Bliss / Spring / Streams / Walking with the Beast / The ruling class / Super Plastic city / BID / Time I've spent doin' nothing / Wallflower / Waiting for Alberto / The Mating Game / Cowboy country / Eine Symphonie. Rappel: "Goodbye Joe"-"He's Frank"-"They Call Me Silence" et enfin "Cast A Long Shadow"

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