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Vampire Weekend & Shiko Shiko à l’Aéronef

Énormément de monde ce soir à l'Aéronef qui, pour l'occasion, pourrait être rebaptisé la Fournaise en raison de la moiteur estivale qui s'est invitée à l'intérieur de la salle et de la chaleur humaine provoquée par cette foule s'étant déplacée en masse (les accès à l'étage seront ouverts), alléchée par la venue d'un des groupes les plus hypes du moment, les New-Yorkais de Vampire Weekend. Une hype, une fois n'est pas coutume, des plus méritées. Car les deux disques du groupe, l'éponyme Vampire Weekend et le second essai (cap toujours difficile à passer et brillamment négocié par le combo) Contra, font partie de ce que la pop américaine nous a réellement offert de plus chouette, avec les albums de The Strokes et d'Adam Green (tous New-Yorkais et amis, décidément il fait bon vivre dans la Big Apple), ces dernières années. Des oeuvres fraîches, joyeuses, festives, mettant en avant un indie-rock métissé d'afro-pop, qui leur aura valu les louanges des critiques musicaux, n'hésitant pas à les comparer aux géniaux Talking Heads, adeptes également des sonorités africaines, ou au Paul Simon de la période Graceland, et qui a ouvert des portes à d'autres groupes américains actuels, tels les californiens de Fool's Gold, dont le premier album est fortement conseillé aux amateurs de métissages musicaux. L'excitation et l'impatience sont grandes dans la salle.

 

Excitation ressentie par le groupe lillois Shiko Shiko qui assume la première partie. Échappés d'on ne sait quel asile, libérés de leurs camisoles de force, ces doux dingues, Gilles au chant, clavier et percussions, Furansisu, au visage caché par un masque de catcheur mexicain, à la basse, Arekushi à la batterie et aux percussions et Alexis Yamaneko Z'Bique à la guitare, au laptop, aux percussions et au chant, influencés, comme leurs nom l'indiquent, par le Japon, ont délivré une prestation hors-norme, faisant fi de tout conformisme musical. Plutôt que de brosser dans le sens du poil les nombreux amateurs de Pop mélodique présents ce soir-là, ces énergumènes ont choisi d'offrir un set explosif, à la limite de l'expérimental, où influences Noisy, rythmes tribaux, chants énervés, sonorités synthétiques semblant sortir de consoles de jeux archaïques copulent dans un joyeux bordel savamment orchestré par ces sociopathes musicaux. Une performance complètement déjantée et que certains n'auront goûté, malheureusement, que du bout des lèvres. Mais on en attendait pas moins d'un groupe ayant nommé un de ces EP Bukkake, terme renvoyant à une pratique appréciée par les aficionados les plus esthètes d'un cinéma que l'on qualifiera pour adultes (bandes de petits cochons!). Ces gars-là mériteraient que Mike Patton et son label précurseur Ipecac se penchent sur leurs petites épaules...

Une fois cet uppercut lancé à la face du public terminé, l'attente se fait longue, très longue. Les New-Yorkais feraient ils leur Prima Dona? Ou seraient-ils amateurs de football (de soccer, sorry, n'oublions pas qu'ils sont américains) et auraient du mal à quitter les retransmissions de la soirée? On ne le saura pas. Quoi qu'il en soit, à 21h45 pétante, Vampire Weekend monte sur scène, illuminé par des lustres rococos identiques à celui présent sur la pochette de leur premier album, sous les explosions de joie du public. Une bâche installée sur le mur derrière la scène s'affaisse pour laisser place à une reproduction géante de la pochette de Contra, une photo eighties aux tons délavés représentant une blonde ressemblant à Katherine Heigh (en moins jolie, quand même!) habillée d'un polo Ralph Lauren. Ezra Koenig, le chanteur, est tout sourire et visiblement ravi d'être là, les bombinettes Pop composées par le quatuor s'enchaînent à une vitesse supersonique, font sautiller une grande partie de l'assistance et sont, à chaque fois, accueillies par des cris d'approbations (particulièrement « Oxford Comma », « A Punk », « Cape Cod Kwassa Kwassa » et « Cousins »). Pas de désagréables surprises, donc.

Mais pas d'agréables surprises non plus, malheureusement... Les morceaux, s'ils sont correctement interprétés, sont joués à l'identique de leur version studio. Le groupe, sur scène, ne se met jamais en danger, ne cherche jamais le fil du rasoir. Vampire Weekend fait partie de ces groupes qui n'ont pas compris que ce qui fait la différence entre un bon groupe live et un excellent groupe live est la prise de risque. Le fait de proposer des morceaux réarrangés pour l'occasion, transformés, chamboulés (à l'image, dans des styles musicaux différents, de Miossec transformant une poignante chanson d'amour en hymne Punk ou de Ben Harper métamorphosant un Blues en Reggae) au risque de déstabiliser, de décontenancer le public. Tout cela donne, ici, l'impression d'un karaoké géant organisé. Tout est trop carré et manque de spontanéité. Le groupe s'arrête de jouer pile poil (chrono en main) une heure après avoir commencé. Coïncidence? Et bien sûr, le groupe viendra effectuer un rappel, manquant de naturel (enfin, comme une majorité de rappels en fait...) de dix minutes. Sur albums, Vampire Weekend mérite certainement la comparaison avec Talking Heads; sur scène, le rapprochement est usurpé. Pour se le prouver, il suffit de se remater Stop Making Sense, film consacré à une date donneé par David Byrne et sa bande en 1983 réalisé par Jonathan Demme et probablement plus grand concert jamais mis en image (si vous ne savez pas quoi faire ce soir, tout cela a été réédité et remasterisé en DVD... à bon entendeur, salut...). Et si ce beau gosse d'Ezra a une réelle présence, les autres musiciens manquent de charisme et sont aussi passionnants à regarder que des poissons rouges dans un bocal.

Pinaillage, exigence musicale trop élevée? Peut-être? En effet, le public lillois, chaud bouillant pendant tout le concert, semblait ravi et les sourires étaient nombreux à la sortie. Mais de ci de là, on pouvait apercevoir, néanmoins, quelques signes de frustrations.

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