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Why? & Josiah Wolf à l’Aéronef

Why? Un nom de groupe qui interroge. Tout comme sa musique. Comment la définir? Comment lui rendre justice sans la trahir avec de simples mots? Pourquoi? Car l'univers de ce groupe californien, fondé par leur chanteur et parolier Jonathan "Yoni" Wolf, est totalement atypique et échappe à toute classification. Impossible de lui apposer la moindre étiquette.

Le groupe appartenant au label Anticon, dont Yoni est d'ailleurs l'un des fondateurs avec, entre autres Alias, Dose One et Sole, on pourrait, dans un premier temps, tenter de rapprocher leur musique avec le hip hop alternatif et expérimental qui fait la marque de fabrique de cette maison de production, chère aux yeux des amateurs de geek music. Mais ce serait peine perdue. En effet, tout au long de sa discographie, commencée en 2003 avec l'album Oaklandazulasylum, Jonathan Wolf et ses acolytes, dont son frère Josiah à la batterie, ont pris leurs distances avec les sonorités électroniques du label, préférant privilégier les instruments et les sonorités folk. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?

Délaissant ses fûts, c'est Josiah Wolf qui ouvre la soirée. Seul sur scène, simplement accompagné d'une guitare acoustique, il présente les morceaux de son premier opus solo, Jet Lag, fraîchement sorti le 2 mars de cette année et produit par son frère. L'air visiblement intimidé, il montre que l'on peut être batteur, avoir une barbe de bûcheron et, pourtant, faire preuve de tendresse et de délicatesse. Ses compositions, que l'on devine très personnelles, ont la fragilité et la douceur des chansons ou des poèmes que l'on peut écrire quand on est adolescent et conviennent parfaitement à la scène de la petite salle du Club à l'Aéronef où se déroule la soirée. Ne cherchant nullement à révolutionner la musique, Josiah Wolf, avec son joli timbre de voix, doux à l'oreille, cherche tout simplement à partager des émotions et des sentiments, heureux ou malheureux, qu'il a pu vivre pour les faire ressortir de la manière la plus touchante possible. Mission réussie.

Le temps d'une petite pause, il revient pour s'installer derrière sa batterie, accompagné bien évidemment de son frère Yoni et des multi-instrumentistes Andrew Border, Mark Erikson (tous deux membres du groupe Fog) et de Doug McDiarmid pour entamer le set de Why? avec le morceau « Sad Assassin ». Avec leur look de nerds trentenaires un peu timides, ils conquièrent le public lillois avec leur maîtrise imparfaite mais charmante de la langue française entre les morceaux.

« Elle est bien ta musique! » crie au bout du deuxième morceau, à l'intention du chanteur, l'un des spectateurs. Elle fait du bien, pourrions-nous même ajouter. D'une grande richesse, renvoyant autant à la Pop, qu'au Folk, à l'Americana, à l'Indie Rock et au Hip Hop par le phrasé saccadé bien particulier de Yoni, définissable que par des néologismes (Hip Pop, Folk Pop, Psych Rock, tous les choix sont permis), elle se révèle, par ses rythmiques faussement fragiles et l'apparente naïveté de ses lignes de chant et de ses mélodies, d'une extrême douceur et propice à la rêverie. Elle agit un peu comme des comptines enfantines, sensation exacerbée par la finesse des arpèges et l'utilisation du xylophone. Mais des comptines agréablement souillées par une toile de fond lointaine aux accents glauques et morbides. La joie s'y mêle à la tristesse, l'innocence à la perversion, le rêve au cauchemar... Très cinématographique, elle conviendrait parfaitement aux films de Tim Burton où la féerie n'est jamais loin du lugubre ou, encore, aux films de Gus Van Sant et de Larry Clark où la beauté juvénile des héros adolescents cache de sombres pulsions.

L'horreur n'est jamais loin dans les textes de Jonathan Wolf. « Suckin dick for drink tickets at the free bar at my cousin's bat mitzvah» clame-t-il avec son flow atypique dans « Good Friday ». Poète dylanesque, il partage d'ailleurs avec le grand Bob une voix nasillarde au possible, ses chansons sont plus des collages d'images poétiques abstraites que de réelles histoires. On navigue entre imaginaire débridé et banalités du quotidien. Textes et mélodies se rejoignent parfaitement dans des chansons telles que"These Hands", "Rubber Traits", "The Hollows" ou encore "The Vowels". La musique de Why? est ainsi en perpétuel équilibre sur un fil, doux comme la soie mais tranchant comme une lame de rasoir, tendu entre différents univers musicaux, entre songe et réalité, entre lumières et ténèbres, entre bien-être et malaise. Une musique qui sait se faire expérimentale tout en restant accessible.

Malgré son nom qui pousse à l'interrogation, on ne se pose donc pas de questions, à la fin du concert, sur les raisons qui poussent à aimer ce groupe et à le considérer comme l'un des plus intéressants de la scène Pop actuelle américaine. La seule question qui nous taraude l'esprit est: pourquoi ce groupe, bénéficiant à chaque album d'un accueil critique dithyrambique ne rencontre-t-il pas un succès plus important?

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