Que la nuit nous récompense !
Quand on arrive dans le quartier de Moulins, à Lille, on tombe sur un bar à la devanture anodine, un bar éclairé de néons violets au fond duquel est accroché un juke-box aux titres rétros. Au fond, une porte étanche découvre un havre du rock, un autel dédié aux décibels que d’autres appellent simplement une scène. Il est vingt heures et les derniers préparatifs s’achèvent dans une salle dépourvue de backstage, où les artistes se mélangent au public venu les découvrir ou les soutenir. La régie communique avec le plateau en gueulant par-dessus les rires et les conversations peu mondaines qui sentent la bière et le patois.
Pas d’annonce, pas de sonnerie, juste les néons blancs de service qui s’éteignent dès qu’on a trouvé l’interrupteur pour annoncer le début du concert avec Bloody Hours qui nous éclabousse de ses riffs soutenus et carrés dans une ambiance décontractée du string. Il y a du Pearl Jam et du Soundgarden dans l’air, mais on partage surtout la joie tangible qu’ont les musiciens de produire leur travail et ça balance bien, si bien que la reprise de Motörhead est reprise en chœur par une foule intime et chaleureuse.
Setlist : Scary Lips – The Worst Son of a Bitch – Run Like a Mad – Opportunist Predatory – Queen of Love – Ace of Spades – Fucking War – Mansion of Fire – Fed Up With You
Le temps de se rafraîchir, car les 40 mètres carrés se réchauffent vite, et d’un changement de plateau et on retrouve les pirates de BlackBart conduits par le capitaine Babass. Malgré des petits écueils de balance au premier morceau et Marco qui louvoie avec un set de batterie auquel il n’est pas habitué (les contraintes classiques des petites structures qui obligent les groupes à partager leur matos), le navire prend vite le large vers un cap qui oscille entre les années 80 et les souvenirs du légendaire pirate que nous rappellent crânes fumants, pavillon noir et… mais… cette odeur… mais… c’est du rhum ! Les effluves musicales sont reprises à l’unisson sur “Satan Déprime”, mais il est sans doute le seul car ici tout le monde a la banane.
Setlist: Conquistador – A New Hope – Vision – Caneswydd-bach – Le Repenti – Satan Déprime – Ce Soir – Voodoo
La nuit lilloise contraste avec l’étuve qu’est devenue la salle et on s’en délecte quelques minutes avant de découvrir la pièce de résistance servie par Wizzö. Je ne les connais pas et je vois arriver sur scène des gamins au premier abord si ce n’est leur pilosité et capillarité impressionnante. En fait, ils ne parlerait pas français qu’on les croirait débarqués de je ne sais quel état du sud des Etats-Unis ! Et soudain, ils se mettent à jouer. Euphémisme, car dès les premiers accords on sent qu’on a affaire à du sérieux. J’ai l’impression de rentrer dans une capsule temporelle et de voir un combo qui regrouperait Twisted Sister, Quiet Riot, AC/DC, Lynyrd Skynyrd… En deux morceaux, on n’est plus à Lille mais qui sait ? L.A. ? Chicago ? Memphis ? Le feu qui embrasait déjà la salle se transforme en incendie. Jim, leur chanteur, en maître de cérémonie anime un public plus que complice. Spontanément, Babass de BlackBart revient sur scène pour partager les chœurs d’un “Jumpin’ Jack Flash” enrichi à la nitroglycérine et au plutonium. Le concert se termine par deux reprises et l’hystérie collective.
Setlist : Hot Rod – One Night Stand – Teasing The Devil – I Do What I Want – Hellraiser – Mean Bone – Dr Destroyer – Jumpin’ Jack Flash – Dirty Legs – Real Hot Stuff – Born To Be Wild – Back In The Game
Alors que la salle se vide et que les musiciens remballent leurs instruments, l’ensemble des artistes et leurs équipes se rassemblent sur scène pour une photo de famille afin de marquer un grand moment de rock’n’roll. Ce ne sont pas forcément dans les plus grandes salles où on assiste aux meilleurs concerts et il est important que des lieux indépendants continuent à exister pour permettre ce genre de rencontres artistiques et que la musique mais surtout le rock continuent à vivre. Je suis rentré chez moi avec une envie, un besoin irrépressible de réécouter mes vieux disques et de regarder des films de pirates. Vivement la prochaine date au Midland !
