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Amphitryon en russe au Théâtre du Nord

La formule magique de Christophe Rauck opère.

Fi de l'obstacle de la langue russe, le spectateur reconnait vite le style de Molière dans cette version moderne et étonnante d'Amphitryon. Représentée du vendredi 5 au mercredi 17 mai 2017 à Lille (Nord), la mise en scène de Christophe Rauck, directeur du Théâtre du Nord, a animé un public très réactif.

« Amphitryon » ... Comme une douce lamentation, et en même temps une délivrance, Alcmène appelle de son lit son mari, tout droit revenu de la guerre. Sensuelle et hésitant entre laisser libre cours à sa passion ou rester dans la pudeur, l’actrice de la compagnie russe Fomenko - qui n'en est pas à sa première venue à Lille -, offre à son époux une douce nuit d'amour. Mais en réalité, Jupiter se cache derrière l'apparence du roi.

Amoureux de la belle, le Dieu prend l'apparence du mortel et entraîne une série de situations incongrues qui se superposent... Secondant son maître, Mercure remplace le valet du roi, Sosie.  Quiproquos et dialogues de sourds s’enchainent alors et créent des rebondissements comiques, voire burlesques.

  • De fortes personnalités

L’idée d’aller voir cette oeuvre dans une langue étrangère surtitrée parait étrange, qui plus est en russe. Et pourtant, cela fonctionne et donne même une dimension particulière à la pièce.

Le début est difficile à suivre. Si l’on rentre in médias res dans le vif du sujet avec des acteurs très présents et expressifs, la langue fuse et le spectateur doit choisir entre suivre le dialogue ou regarder le jeu. Les plus en retard comprendront malgré ce détail rapidement le fil conducteur de l’histoire, et ses enjeux.

Alcmène est un personnage passionné, et sa voix perçante et les effets de la langue russe donnent une dimension forte et particulière à son personnage. Cléanthis, épouse de Sosie, est discrète, mais très expressive, alors que lui, personnage fétiche de Molière, parle au public, joue et déjoue les sons et pirouettes à la manière habituelle des valets de Molière.

Amphitryon, à la carrure impressionnante, fait frissonner la salle de sa voix vibrante. Personne ne veut se retrouver en conflit face à une telle figure, qui en impose d’autant plus avec la langue. Pour le coup, parler russe est une valeur ajoutée au personnage.

  • Une mise en scène moderne

Christophe Rauck, metteur en scène de ce Molière si particulier, a réussi un pari risqué : celui de moderniser dans l’extrême un classique auquel il est difficile de toucher sans essuyer de critique.

Un miroir géant est installé au fond de la salle. Quand les figures divines prennent l’apparence des mortels, il est maintenu droit, et permet à la scène d’être vue à 360°. Les acteurs peuvent développer un jeu de chaque côté, sans problème. Quand Sosie est dos au public, celui-ci le voit dans le reflet. Un jeu commence avec le miroir qui bouge et disparaît.

De la fumée entre les scène, un éclairage tantôt par poursuite, tantôt à la lampe torche et parfois à la bougie, donnent de la vivacité aux tableaux proposés. Enfin, la scène n'est pas une limite et les acteurs se plaisent à aller à la rencontre du public, voir à le faire réagir.

D’autres surprenantes surprises étonnent les spectateurs, comme le chant de la marseillaise, ou  Jupiter qui apparaît en veste brillante dans le style de la Fièvre du samedi soir. Une chose est sûre : cette version aura marqué les esprits.

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