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Antigone à l’Idéal de Tourcoing

Antigone est un mythe qui a traversé les siècles. Cette fille d'Oedipe vient clore une fois pour toutes le cycle mis en place par son père. Ses deux frères sont morts, ils luttaient pour le trône de Thèbes. Le pouvoir échoit donc à Créon, qui décide que le frère qui avait décidé de prendre les armes contre sa cité n'aurait pas le droit à une sépulture ; il ordonne que son corps soit laissé aux chiens et aux corbeaux. Il ajoute à cette souillure un interdit : quiconque enterrera le corps subira son courroux...

La tragédie commence alors ! Antigone brave la loi de Créon, au nom de la Justice divine de Zeus : tout homme a le droit à ses rites funéraires ; pour elle, ses frères sont redevenus égaux dans la mort et elle tend à les honorer tous les deux. Sophocle met ici face à face deux personnages qui ne se rencontrent jamais sur le plan des idées : quand Antigone pense à son frère, Créon pense à la cité, quand Antigone parle des dieux, Créon parle de sa loi; et quand Antigone évoque le respect dû aux morts, Créon lui oppose celui dû aux vivants. Tous les deux ont raison et tous les deux ont tort, chacun campé sur des positions extrêmes, refusant le compromis.

La mise en scène de René Loyon respecte les enjeux propres à cette oeuvre ; certains choix sont des plus pertinents : à commencer par le traitement du choeur antique, devenu un seul personnage s'exprimant en priorité face au public, recréant ainsi le lien qui existait à l'époque entre ce personnage et les spectateurs ; un fonds musical se superpose à sa parole, rappelant aussi que ce rôle était chanté dans l'Antiquité. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres ; ce spectacle est très bien pensé, très bien orchestré – on entend très bien le texte de Sophocle, il n'est pas devenu un prétexte la scène. 

Le décor est lui aussi pertinent, bien que sobre : un espace vide, noir et blanc, avec un habile jeu de lumières qui traverse horizontalement la scène, ce qui met en évidence les personnages à certains moments importants de la pièce, les personnages se retrouvent parfois comme prisonnier de ce rayon de lumière et sont obligés de parler, de s'expliquer ; un parti pris moderne et intelligent permet à cette oeuvre antique de revenir nous parler. A noter la performance de Créon – interprété par René Loyon – qui incarne parfaitement l'homme d'Etat, sûr de lui, cynique, ne supportant pas la critique et s'enfermant dans son rôle. Il ne peut qu'être frappé par le jeu du destin : son arrogance, son obstination appellent un châtiment.

Cependant, et c'est peut-être ce que l'on peut reprocher à ce spectacle, tout est lisse, trop lisse... On aimerait que l'émotion soit plus présente, que les personnages manifestent plus de vitalité, surtout dans les fameuses joutes verbales entre Créon et Antigone. Il agissent ici de manière résignée, abattus par le poids du destin certes, mais sur un ton trop monocorde, trop mécanique. Un choix également n'est pas des plus judicieux : le jeu constant au delà de la scène ; si cela permet au mythe de nous toucher davantage, de nous interpeller avec plus de force quand un personnage se glisse dans le public, cependant, la récurrence de ce type de jeu devient lassante, et oblige le spectateur à se tourner dans tous les sens.

Un spectacle intelligent, mais qui oublie peut-être que le théâtre, même grec, n'est pas composé que de réflexion...

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