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Ça ira (1) La fin de Louis au Théâtre du Nord

Qui ose réserver sa place au théâtre lorsqu’il voit que la pièce va durer 4h30 avec deux entractes ? On se dit que si la pièce ne nous plaît pas, 4h30, cela peut être long, très long. Alors on se dit : j’y vais, mais je me laisse le droit de partir au premier, ou au deuxième entracte si je n’en peux plus. On fait un pari sur la pièce, en espérant être emporté pendant le temps de représentation…

Puis on remarque que c’est une création de Joël Pommerat, le public lillois le connaît bien maintenant : Cendrillon, Ma chambre froide ont été joués au Théâtre du Nord ces dernières années. Donc si Pommerat se lance dans 4h30 sur la Révolution Française, on le suit !

Le soir de la première, une file de spectateurs, qui n’ont pas réussi à réserver de place, fait patiemment la queue dans le théâtre, espérant un désistement, espérant pouvoir assister à la représentation tant attendue.

Le spectacle de Pommerat nous fait revivre l’effervescence de l’été 1789 : Etats Généraux, prise de la Bastille, nuit du 4 août. La Révolution Française se rejoue sous nos yeux, mais du point de vue des Députés du Tiers-Etat : nous sommes au cœur de leur assemblée à Versailles, nous sommes plongés dans leurs débats, dans leur lutte contre les Députés de la Noblesse et du Clergé qui refusent de siéger avec eux en une seule et même assemblée. Ils décident alors de braver la loi et se déclarent « Assemblée nationale » : que les Nobles et le Clergé les rejoignent, sinon tant pis, ils sont le peuple, ils sont la France ! Les spectateurs revivent de l’intérieur cet élan de l’histoire : les acteurs sont à la fois sur scène et dans le public, c’est le théâtre tout entier qui devient un espace de jeu. On s’interpelle, on crie, on débat, on s’insulte, on argumente, on se bat de toutes parts !

Louis XVI, souverain que l’on montre dépassé par les événements, influencé par ses généraux, décide alors de poster l’armée autour de Paris et de la toute nouvelle Assemblée : les Députés du Tiers-Etat ont peur, mais continuent les débats, certains de faire avancer l’avenir par leur geste. Le peuple de Paris, soudain, se soulève ! C’est le 14 juillet ! Louis XVI fait marche arrière, retire l’armée et négocie avec l’Assemblée.

Mais la machine est en marche et plus rien de l’arrêtera. Les Français sont en colère : la famine s’installe à Paris, des émeutes éclatent dans toute la France, des nobles sont décapités par un peuple en ébullition. Que doivent alors faire les Députés de l’Assemblée Nationale ? Eux qui sont les représentants du peuple ne représentent plus personne, ils sont dépassés par le soulèvement populaire…

Le spectacle de Pommerat est très renseigné du point de vue historique : si les noms des acteurs de l’histoire ont été transformés, on les reconnaît tout de même, comme Muller, le premier ministre de Louis XVI, qui représente Jacques Necker. Les discours à l’Assemblée empruntent aux discours réels prononcés par les Députés du Tiers-Etat (Le texte est déjà disponible dans la collection Actes Sud – papiers pour ceux qui veulent relire certains beaux discours comme ceux de Mme Lefranc). Pourtant, le spectacle de Pommerat est aussi d’actualité : la pièce s’ouvre par un constat que la France est en crise, qu’il faut réformer le système des impôts, trop inégalitaire. Ce parallèle est d’autant plus fort quand le Théâtre du Nord lui-même est occupé par des intermittents du spectacle qui revendiquent une réforme de leur statut. A l’entracte, quand le public sort, il retrouve une atmosphère de débat avec les manifestants. On poursuit la révolution devant le théâtre ! Il s’en faudrait de peu pour que le spectateur se lève de son siège pour rejoindre les comédiens tant la pièce soulève l’enthousiasme de chacun.

A voir au Théâtre du Nord du 10 au 14 mai 2016

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