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« Diversités en scène », un débat à St So dans le cadre du festival Latitudes Contemporaines

Dans le cadre du Festival des Latitudes Contemporaines, la sixième édition des débats d’idées avait lieu ce vendredi à la Gare Saint-Sauveur. Le thème sur lequel nous devions nous interroger est celui des Diversités en scène. La table ronde était animée par François Frimat, président des Latitudes Contemporaines, philosophe, enseignant CPGE et Sciences-Po Lille, avec Nada Afiouni, Maître de Conférences Civilisation britannique contemporaine, Groupe de Recherche Identités et Cultures GRIC, Université du Havre, Faculté des Affaires Internationales ; David Bobée, metteur en scène, directeur du CDN de Normandie-Rouen; Stéphane Frimat, directeur de la Compagnie de l’Oiseau-Mouche à Roubaix ; Gerty Dambury, auteure et metteure en scène.

Avant de commencer le débat, le public était invité à voir le magnifique documentaire d’Alice Diop La Mort de Danton. Le film raconte l’histoire de Steve un jeune de vingt-sept ans issu d’une banlieue parisienne difficile. Après un passé tumultueux, Steve décide de changer de vie en se gardant de le dire à ses copains du quartier. Il veut devenir comédien et pour cela il s’inscrit au Cours Simon à Paris dont il suivra les leçons pendant trois ans. Toutefois Steve rencontre des difficultés à s’insérer dans ce milieu. Il explique que ses origines sociales et ethniques le défavorisent. Il rêve d’un rôle important notamment celui de Danton dans la pièce de Georg Büchner La Mort de Danton mais sa couleur de peau l’en empêche. Ainsi le documentaire permettait d’introduire le sujet du débat.

De toute évidence la mixité au sein d’une compagnie apporte une richesse culturelle et artistique. Or pourquoi est-ce si compliqué de trouver cette diversité ? Le problème vient peut-être du spectateur qui met trop de limites à son imaginaire. Si le spectateur n’arrive pas à imaginer le personnage de Don Rodrigue dans Le Cid interprété par un noir, c’est que sa représentation de ce personnage est trop limitée. Cependant quand bien même on donnerait le rôle à une personne de couleur, le public ne pourrait pas s’empêcher de considérer le choix du metteur en scène comme une « originalité » ancrée dans un réel parti pris. Et Pourquoi ? Sans doute parce que cette pièce de Corneille appartient et participe à une civilisation, à une historicité, qui structure la culture et le patrimoine français. Aujourd’hui la France est plurielle et est riche de cette pluralité. Ce pourquoi il faut encourager la production artistique avec des artistes de divers horizons. Cela n’effacera jamais le patrimoine et son histoire qui reste ancrés dans la culture française. Mais cette dernière doit évoluer et être à l’image d’aujourd’hui.

Ce débat sur la diversité colle tout de suite une étiquette à ceux qui devraient se sentir victime de cette mise à l’écart. Dans la salle, il y a différentes réactions. Au lieu d’agir positivement en prônant la diversité, ce débat la tue en en soulignant davantage les caractéristiques. Les artistes ne veulent pas être catalogués par une origine mais être considérés dans leur individualité. Mais le débat n’est pas le même pour un artiste peintre, plasticien que pour un danseur, un comédien. En effet l’objet chez le peintre par exemple est la médiation entre l’artiste et le spectateur. Tandis que dans un spectacle vivant, le public pose directement son regard et son jugement sur le corps de l’acteur. Il n’y a pas de médiation.

Les solutions sont politiques. Il y a trop peu de diversités aujourd’hui dans le spectacle vivant ce pourquoi il faut agir par une politique volontariste et militantiste. C’est par cette transition que nous réussirons à faire accepter la diversité en scène pour les générations futures. Cependant, il faut nuancer le propos car avec ce militantisme c’est souvent tout ou rien. Le seul bémol du débat c’est que le terme « Diversités » n’a pas été assez défini. C’est par ce travail introductif que nous aurions pu bien plus réfléchir et comprendre les réels difficultés du débat. La diversité c’est comme une photo de famille où chacun trouverait sa place. Elle forme un groupe, un ensemble où chacun conserverait sa singularité et son histoire. Or les politiques volontaristes appliquent souvent  de leur plein gré   le procédé inverse : ne former que des artistes de couleur par exemple . Cela ne répond pas à une situation de mixité. Parfois c’est obligatoire pour les compagnies ne formant que des comédiens professionnels en situation de handicap mental comme celle de l’Oiseau-mouche à Roubaix. Il n’empêche que cette compagnie travaille avec d’autres compagnies ou de grands metteurs en scène en situation de non handicap.

Un débat très intéressant sur les diversités en scène, une réflexion très enrichissante. Dommage que François Frimat, animateur du débat, passionné de danse, ne nous ait pas donné son regard de philosophe sur la question.

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