Dom Juan au Théâtre du Nord
Mise en scène de Julie Brochen
Difficile de proposer une nouvelle mise en scène de Dom Juan. Ce personnage n’a cessé de fasciner les metteurs en scène depuis Molière. Figure de la révolte, Dom Juan peut se relire selon les époques et incarner différentes formes de contestation. Tantôt, c’est son attitude vis-à-vis des femmes qui frappe les esprits, tantôt c’est son impiété, tantôt c’est son rapport à la tradition paternelle. Et de fait, Dom Juan s’oppose à toutes les normes de son époque, il les bouleverse et en montre souvent le ridicule, on serait presque tenté par moments de lui donner raison.
La mise en scène adoptée pour cette nouvelle relecture de la surprenante tragédie du comique Molière est d’une grande pertinence, et d’un bel effet esthétique. L’espace principal pose en fonds de scène une écurie, dont le sol est en partie fait de terre, ce qui donne un côté authentique à la représentation, mais ce lieu devient facilement une salle à manger, une église, avec les accessoires et les jeux de lumières appropriés.
Les acteurs principaux sont d’une grande justesse et forment un duo qui fonctionne parfaitement : Mexianu Medenou donne au personnage de Dom Juan une puissance physique que le texte ne laissait peut-être pas soupçonner. Ivan Hérisson, dans le rôle de Sganarelle, incarne parfaitement la fausse naïveté du valet, qui prend souvent des libertés vis-à-vis de son maître.
A souligner que cette mise en scène fait pleinement entendre le texte de Molière. La langue du XVII arrive, dans toute sa complexité parfois, et vient nous parler de nous, de notre propre hypocrisie, surtout dans l’acte V, avant la mort du héros.
On peut toutefois regretter que l’aspect tragique, (la vengeance inévitable du Ciel contre l’impie), qui s’incarne dans l’œuvre de Molière par la statue du Commandeur – statue d’un homme tué par Dom Juan avant que la pièce n’ait commencé – ait perdu de sa puissance. Alors que toute la mise en scène de l’œuvre est d’une grande justesse, pourquoi avoir donné ce rôle du Commandeur à une femme et ne pas avoir, comme Molière l’avait rendu possible dans son écriture, utilisé un dispositif scénique qui puisse rendre compte de l’ouverture de la porte de l’Enfer afin d’y précipiter Dom Juan ?
Il n’en demeure pas moins que ce spectacle relit avec un œil neuf cette œuvre vieille de près de 400 ans et nous offre la possibilité de nous interroger sur notre rapport aux normes de notre société, et à voir en Dom Juan une figure courageuse de la révolte.
