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La 22ème édition du Festival Latitudes Contemporaines

Du 7 au 28 juin 2024, les Latitudes Contemporaines, festival de la scène contemporaine internationale se déroulant à Lille présentait sa vingt-deuxième édition. Chaque année, le festival met à l’honneur des artistes invisibilisés et s’engage politiquement pour la cause des femmes. Les Latitudes ont reçu, cette année, le label EFFE récompensant leur importance dans le domaine des arts, sa fréquentation significative et leur ouverture à l’international. L’équipe du festival a concocté une programmation avec DJ sets, installations, performances, marche en l’honneur des femmes, débats d’idées et initiation au roller. LillelaNuit s’est immiscé dans quelques-uns des évènements proposés…

Pour ouvrir le festival Latitudes Contemporaines

Plusieurs performances ont ouvert le festival dont le spectacle Œ de Pierre Pontvianne. Après une carrière de danseur à l’international, le chorégraphe fonde la compagnie PARC en 2004 à Saint-Étienne. Il présentait son cinquième spectacle au Grand Sud de Lille. La bande son minimaliste suggère des bruits de nature et les conversations d’un groupe de personnes au lointain. Elle agit en boucle et s’interrompt par un bruit d’éboulement et un noir plateau avant de redémarrer. À chaque boucle, un nouvel interprète s’invite sur la scène. La chorégraphie est un entrelacs évoquant les remous de la mer. Les danseurs sont à l’affût du moindre petit changement. Ils esquissent des circonvolutions dans l’espace initiées par l’élan du groupe créant des flux et des reflux organiques. L’écoute et l’acuité sont, dans cette pièce, d’une incroyable finesse. Si un élément bouge, comment influe-t-il sur les autres ? Le O-E sont entrelacés pour signifier que chaque impulsion dépend d’une petite variation liant tous les éléments entre eux. Les gestes et les placements dans l’espace se composent, se décomposent et se recomposent de manière imperceptible. La lumière rappelle un clair de lune où les expressions du visage sont indiscernables. Tout semble immatériel, vaporeux et insaisissable.

des artistes engagées politiquement

Le moyen métrage Sommerspiele (jeux d’été) réalisé en 2023 par Eszter Salamon a été projeté dans l’auberge de la Maison Folie Wazemmes. La performeuse danse nue sur le site des Jeux Olympiques nazis (1936) dans un silence pesant et lourd. Agitatrice et contestataire,  grotesque et bizarre, Eszter Salamon nargue le dogmatisme rigoriste et les doctrines vicieuses dans un lieu de traumatisme historique. Elle perturbe l’espace et vagabonde parmi les lignes, les symétries et l’architecture du parc Olympique de Berlin. Elle provoque avec ses cris d’oiseaux, ses mimiques, ses grimaces, sa gestuelle et rend un bel hommage à Valeska Gert, danseuse pionnière de l’expressionnisme allemand considérée comme « artiste dégénérée » par le régime nazi. Eszter Salomon rappelle que la liberté se trouve dans l’acte de créer. Elle résiste et fait un pied de nez à la montée du nationalisme en Europe en rappelant la dangerosité de celle-ci avec beaucoup de poésie. Ce moyen métrage est une pépite, une ode à la liberté en nous remémorant tout de même que celle-ci pourrait être prochainement empêchée. À voir absolument.

À la Maison Folie Wazemmes, l’artiste Yasmine Yahiatène partageait son spectacle la Fracture qui a remporté le prix du jury jeune de la meilleure performance au festival Fast-Forward de Dresde ainsi que le Prix Maeterlinck de la critique de la meilleure scénographie. Coupe du Monde 1998, la France remporte le match face au Brésil. Parmi les joueurs iconiques de l’équipe de France : Zinédine Zidane. Le père de Yasmine Yahiatène, Ahmed, est né dans la même région de Kabylie et à la même époque que le père de Zinedine Zidane. Entre vidéo live, images d’archives, images personnelles tournées au caméscope, Yasmine Yahiatène essaie de retracer l’histoire de son père et de comprendre ce qui a pu, à ce point, le murer dans le silence. Elle grandit dans le non-dit et c’est avec très peu de mots que la performeuse exprime sa révolte et sa douleur. Les blessures se transmettent sans jamais qu’elles ne soient nommées. Les vidéos familiales balayent les années 90 en montrant des moments de joie, festifs où Ahmed Yahiatène proche de ses enfants, est en train de danser, rire, toujours un verre à la main. Il sombre dans l’alcoolisme et Yasmine Yahiatène affirme qu’ « il y a trois points communs entre la guerre d’Algérie et l’alcoolisme : le tabou, le silence et la honte ». Un terrain de foot est dessiné à la peinture sur le plateau opposant la France et l’Algérie. Au centre du terrain, la performeuse dessine le visage de son père qui s’anime sur grand écran grâce à du motion design. Dans cette forme documentaire, l’histoire intime et personnelle de Yasmine Yahiatène vient servir la grande.

 

Samaa Wakim, artiste palestinienne, proposait un solo dansée Losing it dans la salle de la Maison Folie Wazemmes sur la musique minimaliste et expérimentale live de Samar Haddad King. Hantée par la peur, la performeuse replonge dans ses souvenirs de son enfance en Palestine. Comment le corps absorbe tous les traumatismes et retient celui des générations précédentes ? Une slackline coupe l’espace en deux et agit comme une frontière sur laquelle Samaa Wakim se heurte, rebondit, se tient sur en équilibre prête à chuter. Le solo convoque la mémoire sensorielle pour laisser jaillir ce que le corps retient depuis tant d’années. Les angoisses et les peurs d’enfants ressurgissent et distordent le réel. Les blessures sont si béantes et la douleur si grande qu’elles créent une frontière mince entre cauchemars et réalité. Les hallucinations auditives et visuelles poursuivent la danseuse. Même si le message politique est fort, il a manqué un peu de matière pour apporter davantage de profondeur et d’épaisseur à la proposition des deux artistes car la pièce reste très en surface…

Performances EN RYTHME

Le public s’installe dans la salle de la Maison Folie Wazemmes pendant que Léa Dubois s’échauffe et se prépare. La chorégraphe belge, dans son solo Le goût du drame, incarne un personnage clownesque et tente de créer des liens entre la danse et la gymnastique. Elle s’élance dans des démonstrations physiques mais le fond du spectacle est assez pauvre et décevant. Le costume évolue au fil des tableaux passant d’une tenue d’échauffement à un justaucorps de gymnaste et la danseuse joue avec des caisses modulables sans que l’on comprenne ce qui l’amène jusqu’ici. La dramaturgie du spectacle est maigre car il s’agit d’une succession d’évènements peu intéressants. Bien que Léa Dubois soit une interprète avec de grandes capacités corporelles, certains partis pris sont difficiles à saisir, notamment les choix de lumière où à la fin du spectacle elle y sera toujours en dehors.

 

Dans le jardin arboré du couvent des Dominicains, Aymeric Hainaux beatboxeur et François Chaignaud danseur se sont affrontés dans une rixe percussive dans leur spectacle Mirlitons. Les deux performeurs présomptueux mais joueurs, déguenillés mais superbes nous embarquent dans un rituel primitif ou l’un lutte avec la bouche et l’autre avec les pieds. Tantôt rivaux tantôt partenaires de jeu, les deux artistes se confrontent en duel sur un petit praticable avec un micro et une cotte de mailles usée. Les vibrations, les coups, les chocs et les heurts du beatbox s’entremêlent avec ceux des souliers. Ils viennent convoquer les éléments de la nature et ça ne rate pas puisque c’est sous une pluie battante qu’Aymeric Hainaux et François Chaignaud, habités voire transcendés, s’opposent en même temps qu’ils s’accordent. Mirlitons est une petite merveille.

 

Dans While we are here, performance pour cinq interprètes, la chorégraphe Lisa Vereertbrugghen dont le travail se porte sur la techno hardcore venait clôturer le festival à l’Aéronef. En s’inspirant de la rave party, chaque danseuse entre progressivement dans l’effervescence de la musique rythmée. L’enjeu est social et politique puisqu’il s’agit de faire corps et d’éprouver ensemble ce qui se joue mais peut être qu’il a manqué davantage de danseuses pour « faire groupe ». Lisa Vereertbrugghen s’inspire de danses populaires. Les danseuses, dans la scansion de leurs gestes saccadés, se déplacent jusqu’à élaborer des mouvements d’ensemble. La pièce paraît longue et manque de substance, elle est un peu trop conceptuelle pour LillelaNuit. La proposition semble ainsi complaisante. While we are here n’arrive jamais vraiment à une libération totale des corps.

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