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Julia à la Rose des vents

“Ne me filme pas”.
Un domestique est toujours un domestique”, “une prostituée est toujours une prostituée. La compagnie brésilienne Vertice de teatro présente Julia, une réécriture du classique Mademoiselle Julie d’August Strindberg, mis en scène ici par Christiane Jatahy. Dans cette réactualisation, les personnages quittent le huis clos originel pour se retrouver dans une propriété carioca luxuriante.

Les acteurs Julia Bernat et Rodrigo Dos Santos témoignent très justement de l’union impossible de deux classes opposées. Le domestique noir, l’aristocrate blanche : un abîme tragique. Entre les deux personnages, le mépris est roi : pris dans une lutte de pouvoir et de domination, il n’y a plus aucun espoir pour eux d’échapper à leur condition sociale respective. Cet espoir n’est en effet qu’une illusion, chacun cherche, par orgueil, à faire de l’autre un subalterne. Le risque de tomber dans la caricature est évité : les acteurs s’engagent physiquement de manière très forte et marquante dans cette performance, notamment avec des scènes de sexe, ou encore d’humiliation.

Cependant, Julia trouve tout son intérêt et toute sa force dans le dispositif cinématographique mis en place sur scène. L’espace est nu, rétréci, délimité par des panneaux movibles, deux immenses écrans coulissants, à la fois lieu de projection du passé et d’un présent dévorant. Ces écrans sont donc un lieu unique, mais aussi multiple : on y pénètre, on s’y engouffre, on se jette dans ces vidéos d’acteurs en direct. La caméra devient un nouvel œil et un nouveau protagoniste de la pièce. Véritable prisme, il permet un jeu inédit, des ruptures quasiment brechtiennes, avec des “cut”, “action”, renouvelant l’adresse des acteurs au public, soumettant également la pièce aux aléas du direct. La relation public/acteur est alors ébranlée par cet œil voyeur, s'immisçant entre les murs de la propriété brésilienne.

Julia est donc un objet complexe, trouble et diabolique, où le personnage éponyme est mis en scène par son père dès son enfance, comme le montre le film d’ouverture. Mise en scène d’un refus, cette pièce interpelle par son actualité et l’usage du média cinématographique, pertinent et infernal, interrogeant la démarche du spectateur en donnant à voir le drame dans ce qu’il a de plus épidermique.

Julia, par le collectif Vertice de teatro, mise en scène de Christiane Jatahy, dans le cadre de Renaissance (Lille 3000).

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