Écrit en 1977, La Nuit juste avant les forêts marque un tournant dans la carrière de Bernard-Marie Koltès, célèbre dramaturge dont la plupart des pièces font aujourd’hui partie du répertoire théâtral contemporain. Le Théâtre du Nord accueillait du 12 au 14 avril 2023 une mise en scène de Matthieu Cruciani.
Un soliloque philosophique
L’originalité du texte est l’absence de grands enjeux dramatiques. Un homme sans domicile ni travail, cherche une chambre pour une nuit. Il raconte des morceaux de son existence à « un camarade ». Celui-ci est-il un passant ? un vagabond ? un être issu de son imagination ? L’homme se contredit parfois, radote souvent et pourtant dans sa puissante logorrhée, il dénonce l’exclusion des marginalisés, l’isolement des individus, le racisme et la brutalité de la société. L’homme entretient une conversation à une voix avec sa propre mémoire, ses souvenirs, ses impressions et ses convictions.
En pleine nuit alors qu’il pleut, cet étranger, sans nom ni adresse, trouve refuge dans un parking humide et lugubre. C’est alors qu’il se met à dialoguer avec lui-même. Le jeu nait de toutes les contradictions du personnage. Jean-Christophe Folly, seul en scène, incarne pendant près d’une heure et demi ce soliloque avec virtuosité et générosité.
Il est question ici de solitude, d’un corps tronçonné, fragmenté à la situation désespérée. Pourquoi cet individu n’arrive-t-il pas à se taire ? Parler pour masquer la violence de la situation, pour déjouer la cruauté qu’on lui inflige. Parler pour laisser enfin libre cours à tous les mots qu’il retient. Parler car c’est peut-être la seule issue pour garder sa condition humaine. Le recours au langage, ici salvateur, évite de faire surgir la sauvagerie qui réside en chacun de nous.
La Nuit juste avant les forêts écrit il y a plus de quarante ans, résonne plus que jamais avec l’actualité car peut-on dire qu'aujourd'hui la situation ait vraiment changé ?
Le teaser de La Nuit juste avant les forêts
Crédit Photo : © Jean-Louis Fernandez
