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La précaution inutile, ou le Barbier de Séville de Beaumarchais au Théâtre du Nord

Une première triomphale pour cette mise en scène moderne d’un classique du XVIIIème siècle !

Le Barbier de Séville est fondé sur une relation triangulaire classique : un vieux barbon, Bartholo, retient sa jeune pupille, Rosine, enfermée chez elle afin de la préserver du contact des hommes, dans le seul but de l’épouser. Mais le jeune comte Almaviva l’aime, et, aidé de son ancien valet Figaro, qu’il retrouve par hasard alors qu’il erre sous la fenêtre de sa belle, il parviendra à déverrouiller progressivement à force de ruse les portes qui le séparent de Rosine.

Un schéma des plus classiques ; pourtant Beaumarchais, en homme du XVIIIème, avait insufflé dans cette pièce tout l’esprit qui conduit à la révolution de 1789; c’est autour du personnage de Figaro que se cristallise cette contestation d’une société hiérarchisée ; ce valet de comédie parle en penseur et n’hésite pas à mettre en cause la supériorité liée à la seule naissance d’un homme.

La mise en scène de Laurent Hatat est efficace ; le décor est simple mais tout ce qui est présent sur l’espace scénique fait sens : la pièce tourne autour d’un piano et d’une jalousie (fenêtre qui est tantôt au fond de la scène, tantôt suspendue en hauteur, sous la forme d’un écran géant – symbolisant par là l’alternance entre intérieur et extérieur, d’un acte à l’autre). Cette pièce du XVIIIème siècle a su garder toute sa force et c’est en cela surtout que cette nouvelle interprétation de l’œuvre de Beaumarchais est un franc succès ; l’enjeu de la pièce est toujours actuel et nous invite à réfléchir sur notre propre société, dans laquelle l’aristocratie n’a plus de place, mais où les bourgeois occupent un rôle important, ce qui est très bien suggéré par la mise en avant du poids de l’argent dans la pièce.

Pourtant, si cette mise en scène favorise la réflexion par rapport à notre propre société, elle n’en oublie pas moins une dimension tout aussi importante : le rire ; et de fait, le jeu des acteurs, d’une qualité exceptionnelle, donne au texte de Beaumarchais toute la puissance qu’il convient ; chacune des répliques fait mouche et enlève au public un rire sincère, presque un sourire complice avec cette œuvre classique dont le comique ne repose pas sur des ressorts faciles mais sur une maîtrise du langage toute teintée de philosophie. Qui plus est, la présence accentuée de musique dans cette mise en scène était fort pertinente et n’a fait que donner plus de voix au propos de l’auteur comme au jeu des acteurs, dont il faut souligner la performance. Tous sonnent juste et savent donner une personnalité particulière aux types sociaux qu’ils incarnent, à commencer par Figaro (Azeddine Benarama), qui permet de transposer les revendications sociales du valet de comédie dans notre propre société où la discrimination est maintenant liée à la couleur de la peau, et le comte Almaviva (Denis Eyriey) dont la jeunesse et le goût de vivre font écho à notre jeunesse dorée actuelle et à son insouciance.

Une pièce à voir au plus tôt, tant pour savourer la pensée de Beaumarchais que pour apprécier une lecture moderne mais efficace d’un chef d’œuvre du théâtre français.

A voir jusqu'au 5 février au Théâtre du Nord à Lille !

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