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Lacrima au Théâtre du Nord

Directrice du Théâtre National de Strasbourg depuis septembre 2023, la metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen présentait du 6 au 11 décembre son dernier spectacle LACRIMA, une histoire contemporaine des larmes au Théâtre du Nord. Le grand projet théâtral de Caroline Guiela Nguyen est celui de l’émotion car c’est par le principe d’empathie, la reconnaissance de soi en l’autre, qui nous rend humain.

lacrima, La mise en lumière des invisibilisé.e.s de la société

Des artisan.e.s d’un atelier de Haute Couture à Paris, de l’atelier de dentelle d’Alençon et d’un atelier de broderie à Mumbai sont prêt.e.s à tout pour confectionner une robe de mariée somptueuse commandée par la princesse d’Angleterre pour son mariage prévue à Westminster. La robe est cousue au fur et à mesure et prend forme pendant le spectacle. Le rapport à l’espace est la force du spectacle puisque l’on est tantôt à Mumbai, tantôt à Paris ou à Alençon sans en changer le décor. La scénographie, superbe, représente un atelier de couture.

Caroline Guiela Nguyen met la lumière sur l’expertise et la maitrise des petites mains qui enrichissent l’héritage patrimonial et perpétuent un savoir-faire traditionnel transmis de génération en génération. Cependant, elle signale la pression qu’iels subissent, le capitalisme toujours plus croissant qui engendre des rapports de pouvoir entre la France et l’Inde, entre hommes et femmes, entre patron.ne.s et salarié.e.s. Certains personnages sont présents sur le plateau, d’autres personnages n’apparaissent qu’en vidéo. Nous ne verrons jamais la princesse d’Angleterre, nous n’entendrons que sa voix.

Un spectacle aux intrigues démultipliées

La grande trame, celle de la confection de la robe et de ses aléas, est nourrie par plusieurs intrigues appartenant aux personnages principaux : Marion, la première d’atelier, Thérèse la doyenne des dentellières à Alençon et Abdul, brodeur de Bombay qui sont tous.te.s soumis.e.s au secret de fabrication de la robe. Le spectacle oscille entre un grand réalisme psychologique en ce qui concerne les personnages principaux et la caricature pour ce qui est des personnages secondaires. La multiplicité des intrigues qui n’ont rien à voir les unes avec les autres mais qui sont bien ficelées donnent le sentiment que la trame principale manque de consistance et qu’elle exige d’être comblée par des histoires secondaires légèrement tire-larmes. Bien que le spectacle pointe les inégalités que produit la mondialisation, il y a un paradoxe entre le fond et la forme. La pièce, aux moyens démesurés, est efficace. La réception est commune pour chaque spectateur.ice puisqu’il n’y a rien d’autre à interpréter que ce que l’on voit sur le plateau. Il y a une pure adhérence entre ce qui est montré et ce que l’on reçoit. Rien est évoqué, ni même suggéré. Autrement dit, le public ne fait aucun effort sur son imaginaire car tout lui est donné. Bien que LillelaNuit ne se soit pas ennuyé pendant les 3h de représentation, la pièce par sa forme participe au système qu’elle entend dénoncer.

Crédit photo : © Christophe Raynaud de Lage 

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